Le régime chinois a annoncé récemment qu’il était en train de finir la construction des îles artificielles dans la mer de Chine méridionale et tout indique maintenant qu’il va se lancer dans l’océan Indien.
Des conflits apparaissent déjà. L’Inde a été prise au dépourvu en mai dernier, lorsque le régime chinois a accosté un sous-marin dans un port à coté de Karachi au Pakistan. Environ deux mois plus tard, le 1er juillet, le porte-parole de la Défense chinoise, le colonel Yang Yujin a essayé d’apaiser les inquiétudes indiennes en déclarant que les activités de la marine chinoise dans l’océan Indien étaient « ouvertes et transparentes ».
Le même jour, une déclaration bien différente était faite par un commandant supérieur de l’Université de la Défense nationale de Chine. Il a mis en garde l’Inde en disant qu’elle ne pouvait pas considérer l’océan Indien comme son arrière-cour.
Selon Richard Fisher, principal expert de International Assessment and Strategy Center, il est peu probable que la Chine veuille reculer.
« Sortir de la mer de Chine méridionale et se lancer dans l’océan Indien est l’un des premiers pas dans la stratégie chinoise vers la domination militaire et économique mondiale », a-t-il précisé dans une interview téléphonique.
Le Parti communiste chinois (PCC) essaye d’installer de nouveaux réseaux de commerces internationaux sous son propre contrôle. Une partie de cette stratégie sera sa nouvelle Route de la Soie, qui reliera la Chine au Pakistan par des routes, des rails et des oléoducs. L’autre partie consiste dans sa « Route de la Soie maritime » dans le cadre des efforts pour accroître son influence ou prendre le contrôle sur tous les points stratégiques du commerce maritime.
L’idée est de faire une version chinois de la Pax Americana sur la base d’accès régionaux sélectifs et d’armement intense des pays voisins.
La Pax Americana prévoit la propagation de la puissance militaire américaine dans le but d’assurer le libre-échange et de maintenir une paix globale relative. Cela envisage le déploiement d’effectifs militaires sur toutes les lignes maritimes de communications stratégiques (SLOCs).
Les experts appellent la version chinoise de la Pax Americana la « Pax Sinica ». Selon le livre blanc de la stratégie militaire chinoise publié le 26 mai dernier, dans le cadre de la construction de cette « Pax Sinica », le régime du PCC envisage d’abandonner « la mentalité traditionnelle que la terre l’emporte sur la mer » et de commencer à « protéger la sécurité de SLOCs stratégiques et des intérêts à l’étranger ».
Cependant, contrairement au système américain, la stratégie chinoise est basée sur l’idée mercantile du contrôle du commerce, comme on a pu le constater suite à sa poussée militaire dans la mer de Chine méridionale, où elle commence à en priver l’accès à d’autres pays.
« Depuis longtemps je suis arrivé à la conclusion que l’objectif ultime de la Chine est de devenir une superpuissance mondiale prééminente et de supprimer les États-Unis où cela est nécessaire dans la mise en œuvre de cet objectif », a confié M. Fisher. En continuant : « La Chine veut essentiellement bénéficier d’une telle position prééminente, comme l’avaient fait les États-Unis pendant la période après la Seconde Guerre mondiale ».
Dans le cadre de cette stratégie, sa version du commerce prévoit que ses forces armées contrôleront tout le monde dans sa sphère commerciale. La poussée de la Chine dans l’océan Indien, accompagnée par la construction de routes terrestres au Pakistan et au Sri Lanka, est également perçue par de nombreux experts sur l’Inde comme une étape dans ses plans d’encercler le pays qui est l’un des plus importants concurrents de l’économie chinoise.
La stratégie du PCC pour contrôler les points stratégiques maritimes est déjà bien amorcée. Pour la sortie du détroit de Malacca, les forces armées chinoises établissent déjà leur contrôle sur la mer de Chine méridionale. Pour le détroit de Bab el-Mandeb, elles envisagent de construire une base militaire à Djibouti. Pour les détroits turcs, ils essaient de conclure des accords dans le cadre du projet de la nouvelle Route de la Soie.
Le régime chinois fait à peu près la même chose dans presque tous les autres points du commerce stratégique mondial. Cependant, l’océan Indien joue un rôle primordial. Le régime a déjà conclu avec le Pakistan un accord pour gérer le port de Gwadar pendant 40 ans. Naturellement, la perspective d’une présence permanente de navires de guerre chinois dans ses eaux avoisinantes inquiète l’Inde.
« Bien sûr, Gwadar correspond en même temps aux ambitions pakistanaises et chinoises », souligne Richard Fisher, en évoquant à la fois à l’intérêt du Pakistan de combattre les factions séparatistes dans le Baloutchistan, où est situé le port, ainsi que les ambitions chinoises « d’acquérir de multiples accès à l’océan Indien ».
Prêts pour leur prochain emploi
Le PCC a annoncé le 16 juin dernier que ses projets de construction d’îles artificielles en mer de Chine méridionale arrivent à leur fin. Alors que les travaux se poursuivront dans la construction des installations sur les fausses îles, les dragueurs qui pompaient du sable pour en faire des récifs sont maintenant libres et prêts pour leur prochain emploi.
Ceci est aussi une question de business. Les dragues utilisées pour construire les îles artificielles appartiennent aux sociétés d’État chinoises qui ont investi dans le projet de la Route de la Soie. Parmi ces entreprises on trouve la Chinese Communications Construction Company (CCCC), la China Merchants Holdings (International) (CMHI) et la China State Construction and Engineering Company (CSCEC).
Selon un rapport du 17 septembre dernier de l’US Naval Institute, plus de la moitié de la capacité de dragage de la Chine est contrôlé par la CCCC, qui effectue la plupart de ses activités à travers sa succursale à l’étranger, la China Harbor Engineering Company (CHEC).
Le rapport souligne que « puisque la Chine élargit sa présence dans l’océan Indien et termine les travaux en Asie du sud-est », les équipements utilisés pour construire les îles dans la mer de Chine méridionale pourront maintenant servir à construire des ports dans l’océan Indien.
Ces ports doteraient le régime chinois d’une « chaîne logistique pour ses activités navales dans ce que ses stratèges appellent les ‘Mers lointaines’ ».
Une partie importante des projets de ces entreprises est directement liée à la Route de la Soie maritime. Parmi ceux-ci, on peut mentionner les importants projets portuaires à Karachi et Gwadar au Pakistan, ainsi que dans les ports sri-lankais de Colombo, de Hambantota et d’autres.
Bien que le développement de ces nouveaux projets ne soit qu’à son début, souligne Robert Haddick, collaborateur indépendant de US Special Operations Command, il est important de se rappeler que la plupart des observateurs et des analystes ont été pris par surprise par la rapidité des travaux entrepris par le régime chinois en mer de Chine méridionale.
« On ne trouve pas beaucoup d’analystes qui auraient pu imaginer où nous en serons aujourd’hui avec tous ces tas de sable que la Chine a réussi à submerger de la mer de Chine méridionale », a-t-il déclaré lors d’une interview téléphonique. « Cela s’est passé tout d’un coup et de manière surprenante. Nous ne devons pas fermer les yeux sur la possibilité d’autres surprises également dans la région de l’océan Indien », a-t-il ajouté.
Encercler l’océan Indien
Le 19 novembre 2014, le journal The Namibian a créé une controverse en publiant un reportage qui affirmait que le régime communiste chinois envisageait de construire 18 bases navales dans l’océan Indien. Il a nommé ces bases au Pakistan, au Sri Lanka, en Birmanie, à Djibouti, au Yémen, en Oman, au Kenya, en Tanzanie, au Mozambique, aux Seychelles et en Madagascar.
Il a souligné que ces bases assureraient à la marine chinoise une présence au nord, à l’ouest, ainsi qu’au sud de la partie centrale de l’océan Indien.
Le PCC a tout d’abord nié ces allégations. Toutefois, depuis la publication de l’article, chaque pays mentionné par The Namibian a entamé des projets avec le régime chinois, accordant à ce dernier soit l’accès aux ports existants, soit la construction de nouveaux ports.
Le journal namibien s’est référé à un article publié en 2013 dans International Herald Leader, un journal officiel chinois, qui a suggéré la construction additionnelle de 18 bases militaires chinoises à l’étranger, y compris dans les ports de Gwadar au Pakistan et de Hambantota au Sri Lanka (Magampura Mahinda Rajapaksa Port).
The Namibian a publié un nouveau reportage le 20 janvier dernier, en soulignant que moins d’une semaine après que le PCC ait nié les allégations du journal, le régime chinois a commencé à aller de l’avant avec la réalisation des plans mentionnés.
Le journal a aussi publié une lettre confidentielle du colonel de l’APL Geng Yansheng datée du 22 décembre 2014 et adressée à Selma Ashipala-Musavyi, secrétaire permanent des Affaires étrangères de la Namibie. Ces deux personnes se seraient rencontrées pour parler de « plusieurs questions d’intérêts et avantages mutuels ».
La lettre parlait d’une proposition de création d’une base navale chinoise en Namibie – qui selon Geng Yansheng manquait « actuellement » à l’APL.
Le reportage a confirmé ce que les analystes militaires avaient soupçonné depuis bien longtemps. Ils pensent que dans ce qu’ils appellent le « collier de perles », le régime chinois va construire une chaîne de bases navales dans l’océan Indien et les utiliser pour étendre sa présence militaire.
Selon l’article de Robert C. O’Brien publié dans Real Clear Defense le 25 mars dernier, les concepteurs de la stratégie du « collier de perles » du PCC sont déjà en train d’envisager la prochaine étape.
« La stratégie du ‘collier de perles’ des bases navales chinoises dans l’océan Indien afin de protéger leur ‘Route de la Soie maritime’ envisagée par la Chine en XXIe siècle a l’air de s’étendre maintenant jusqu’à l’Atlantique Sud », a écrit Robert C. O’Brien.
« Pour l’Inde, une présence navale chinoise dans les eaux à proximité est une réalité émergente », a-t-il précisé.
Version anglaise : China to Extend Military Control to Indian Ocean
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