L’imminente crise de l’eau – 4e partie

11 janvier 2017 21:11 Mis à jour: 7 mars 2017 14:11

Chine

D’une manière générale, les autorités chinoises évitent soigneusement les sujets qui fâchent dans la rédaction de leurs rapports officiels. Mais en ce qui concerne l’état des ressources en eau douce du pays, l’optimisme s’avère périlleux.

D’après les chiffres officiels, près de 80% de l’eau en surface est non potable et 90% des nappes phréatiques situées dans les zones urbaines sont contaminées. Les 2/5e des rivières sont dangereuses pour l’agriculture et l’industrie. Plus de 360 millions de Chinois, soit près d’un quart de la population, n’ont pas accès à une eau saine. Depuis 1997, le gouvernement enregistre des dizaines de milliers de revendications annuelles sur cette question.

La principale source de pollution pour l’eau de Chine provient des industries manufacturières – liées à la chimie, aux fertilisants, au papier et aux vêtements. Un rapport de 2008 de l’université Sun Yat-sen indique que 13 000 à 21 000 usines pétrochimiques des rivières Yangtze et Yellow rejettent des milliards de tonnes d’eaux usées par an.

D’après un rapport officiel, 70% des rivières et des lacs sont si pollués que l’on n’y trouve aucune trace de vie aquatique. La pollution du Yangtze, la plus longue rivière chinoise, a causé la disparition du célèbre dauphin de baiji.

Le Fleuve Jaune, second plus grand cours d’eau du pays, est connu pour avoir vu naître la civilisation chinoise. On le surnomme le Fleuve de la Tristesse en raison de ses nombreuses crues dévastatrices. Aujourd’hui, les 4 000 industries pétrochimiques situées sur ses rives ont pollué ses eaux au point de ne laisser aucun espoir.

Rareté de l’eau saine

Dans la liste des pays à l’avenir incertain en raison de leurs réserves d’eau, la Chine arrive en tête. L’Empire du Milieu abrite un cinquième de la population mondiale, mais moins de 7% des réserves d’eau potables. 80% de celles-ci se trouvent dans le sud du pays. Or, en plus de compter de grandes agglomérations telles que Pékin, la plupart de l’agriculture et des industries chinoises se trouvent au nord.

Sur une carte géographique, on remarque que des centaines de cours d’eau et de rivières affluent pourtant vers la capitale, presque tous à sec à présent.

Dans les années 80, il était courant de constater que les nappes souterraines de la région de Pékin abritaient une ressource inépuisable. Toutefois, leur pompage intensif ne leur a guère laissé le temps de se renouveler : en 40 ans, leur niveau a progressivement baissé de 300 mètres. En 2005, Wang Shucheng, ancien ministre en charge des réserves d’eau, a prévu qu’en 15 ans, Pékin serait à sec.

Pour essayer de résoudre le problème, le régime chinois a entamé la construction d’un système de canaux pouvant acheminer de l’eau potable sur 4 345 kilomètres – soit l’équivalent d’un peu plus de la distance séparant à vol d’oiseau Paris et Téhéran.

Le projet, vanté par le régime comme une œuvre d’ingénierie remarquable, a été en réalité critiqué pour son coût estimé à 81 milliards ainsi que par l’expulsion forcée de centaines de milliers d’habitations situées sur le passage du canal. Un problème social d’envergure pour le régime s’ajoutant à une longue liste d’antécédents en la matière.

Les experts de l’environnement estiment que le transport de l’eau polluée depuis le sud ne résoudrait pas plus que cela les difficultés du nord. De plus, un cadre du Parti a fait observer que le projet créerait de nouveaux problèmes environnementaux et qu’il n’était pas possible de le soutenir.

(BENJAMIN CHASTEEN/EPOCH TIMES (PHOTO ILLUSTRATION))

L’héritage de la politique de Mao

La plupart des problèmes sur la qualité de l’eau en Chine trouvent leur origine dans la politique appliquée par le Parti communiste chinois. Durant le règne de Mao Zedong (1949-1976), les propagandes populaires affirmaient qu’il fallait « se battre contre le ciel et la terre », ou « faire plier la montagne, que les rivières cèdent le passage ».

Ainsi, des digues ont été construites le long du Fleuve Jaune pour améliorer les conditions des expéditions et des réservoirs de dérivation mis en place en amont. Le nombre de barrages est passé de 22 en 1949 à plus de 87 000 aujourd’hui.

D’après David Pietz, professeur d’histoire chinoise et chaire UNESCO d’histoire de l’environnement à l’université de l’Arizona, sous Mao, l’État avais entrepris d’« essorer jusqu’à la dernière goutte les plaines du nord de la Chine ».

Les tentatives naissantes d’industrialisation de masse pendant le Grand bond en avant de Mao (1957-1962) ont produit des quantités énormes d’égouts et de déchets, et ces polluants ont été déchargés dans les fleuves sans avoir été traités.

Par exemple, dans la rivière Hai, qui relie la province de Tianjin à Pékin, 674 égouts ont déversé 4 400 litres d’eau polluée par seconde ; en conséquence, le cours d’eau est devenu trouble, salé, noir et nauséabond.

Économie post-Mao

Malheureusement, les tentatives de réforme de l’économie et du secteur agricole au cours de l’ère post-Mao n’ont fait qu’aggraver les problèmes d’eau de la Chine. La consommation d’eau a suivi l’essor industriel à travers le pays. En raison d’un manque de réglementation environnementale, les déchets industriels étaient généralement déversés sans traitement dans les rivières et d’autres plans d’eau.

L’accroissement démographique et le meilleur niveau de vie ont exercé une énorme pression sur les paysans, obligés d’augmenter leur production. Les villageois se sont disputés l’accès aux canaux d’irrigation, ce qui a donné lieu à une période de tensions et de sabotages agricoles. En 1997, la période durant laquelle le Fleuve jaune s’est asséché avant d’atteindre la mer a été de 200 jours. Le Fleuve drainait auparavant un immense bassin céréalier nourrissant une nombreuse population. Il est aujourd’hui le triste exemple d’un cours d’eau ayant perdu ses fonctions écosystémiques et naturelles.

Les villages-cancers

La quantité d’engrais chimiques, d’eaux usées non traitées, de métaux lourds et d’autres substances cancérigènes rejetées dans les plans d’eau en Chine a donné lieu au phénomène de « villages-cancers », c’est-à-dire des communautés dont le taux de cancer est supérieur à la moyenne. Un rapport d’enquête de 2005 a révélé que l’incidence du cancer dans certains villages est de 19 à 30 fois supérieure à la moyenne nationale.

Bien que des nouveaux villages-cancers aient émergé dans les années 1990, le régime chinois a reconnu leur existence, seulement en 2013. Xinhua, l’agence de presse porte-parole du régime, a signalé qu’il pourrait y avoir plus de 400 villages-cancers. L’un de ces exemples est le village de Yantou, dans la province du Zhejiang, où une forte hausse des cancers a été enregistrée dès l’arrivée d’une usine pharmaceutique, en 1991 : en une dizaine d’année, 55,6% des habitants étaient frappés par cette grave maladie.

Tensions sur le Mékong

Le fleuve du Mékong est une source de vie pour une région entière ; prenant sa source dans les hauts plateaux tibétains, il déverse ses eaux à travers le Cambodge, la Thaïlande, le Laos, la Birmanie et le Vietnam. Or, en multipliant les barrages en amont, les autorités chinoises sont dans le collimateur de ces pays, qui subissent des périodes de sécheresse plus importantes.

Ces tensions résultent d’une variété de facteurs, depuis un manque de transparence (les Chinois ne sont pas les seuls à construire des barrages), une approche « premier arrivé, premier servi » qui prévaut dans la gestion des ressources, et le manque d’une coordination efficace entre pays.

Solutions

Restaurer l’écosystème

Évoquer des solutions en Chine est un exercice sans fin, compte tenu de la portée des problèmes et du fait que la volonté politique est à l’origine des initiatives.

Cependant, une étude récente de The Nature Conservancy voit une opportunité dans le fait que moins de 6% de la masse terrestre de la Chine fournit 69% de l’eau du pays. Il suggère de concentrer les efforts sur les petits bassins versants qui approvisionnent les zones urbaines. Les solutions pour améliorer la qualité de l’eau pour ces bassins hydrographiques comprennent la restauration des forêts, des pratiques agricoles plus efficaces.

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