Le bilan des condamnations après les émeutes au Royaume-Uni

Par Ludovic Genin
20 août 2024 08:59 Mis à jour: 22 août 2024 19:20

Les émeutes, les plus graves au Royaume-Uni depuis 2011, ont touché au début du mois d’août des dizaines de villes et villages d’Angleterre et d’Irlande du Nord, suite à l’attaque au couteau qui a coûté la vie à trois fillettes le 29 juillet.

Suite à des rumeurs sur le suspect, présenté comme un demandeur d’asile musulman, mosquées et lieux d’hébergement de demandeurs d’asile ont été pris pour cibles pendant une semaine. Cette agression au couteau arrivait dans un contexte de hausse des violences à l’arme blanche au Royaume-Uni.

Suite à ces émeutes, le gouvernement britannique a promis de sanctionner les émeutiers avec une réponse judiciaire ferme et rapide, y compris contre les propos tenus en ligne. Les forces de l’ordre ont procédé à plus de 1000 arrestations et plus de 500 inculpations, et les procès se sont succédé, diffusés en ligne et à la télévision.

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Des émeutiers de 11 à 69 ans face à la justice

Impliquant enfants, adolescents et personnes âgées, les comparutions et les condamnations dans les tribunaux ont révélé les profils très variés des émeutiers, que le Premier ministre Keir Starmer a qualifiés de « bande de voyous ».

Au tribunal de Basingstoke, une adolescente de 13 ans risque la prison pour avoir donné des coups de poing et de pied sur la porte d’un hôtel accueillant des demandeurs d’asile, le 31 juillet dans la ville voisine d’Aldershot, dans le sud de l’Angleterre.

Un garçon de 11 ans a été inculpé de possession de cocktails Molotov à Belfast, tandis que deux autres de 12 ans ont plaidé coupable de violences pour avoir jeté des projectiles vers des policiers dans le nord de l’Angleterre. Une cinquantaine de mineurs ont été inculpés.

Kieron Gatenby, 19 ans, a été condamné à 16 mois de détention dans un établissement pour jeunes délinquants, après avoir été filmé en train de jeter un œuf au cours des émeutes à Hartlepool (nord-est). Tous les âges sont concernés, un homme de 69 ans a été accusé de vandalisme à Liverpool, avec à la clé des années de prison ferme.

Des années de prison pour avoir participé aux émeutes

Dans une salle d’audience du tribunal de Sheffield (nord de l’Angleterre), Jake Turton, 38 ans, est poursuivi pour avoir fourni des « objets en bois » ensuite utilisés comme armes par des émeutiers qui s’en sont pris à un hôtel hébergeant des demandeurs d’asile dans la ville voisine de Rotherham. Il risque de passer « des années » en prison.

Début août, les premières condamnations à de la prison ferme sont tombées pour trois hommes qui avaient pris part aux heurts à Southport et à Liverpool. L’un, jugé à la cour criminelle de Liverpool, a écopé de trois ans de prison notamment pour avoir agressé un membre des services d’urgence. Un homme a écopé de 26 mois de prison ferme pour avoir jeté un aspirateur à travers une fenêtre. Un autre, trois ans de prison ferme, pour s’être emparé de la matraque d’un policier.

Un homme de 18 ans qui avait lancé une pierre sur un policier à l’extérieur d’une mosquée de Darlington a écopé de 18 mois de prison. Un homme de 26 ans, dont la femme enceinte pleurait à l’audience, pour avoir lancé des projectiles dont de la peinture vers la police à Southport, 18 mois de prison également.

Quelque 273 des personnes inculpées verront leur cas examiné par le bureau du procureur en Angleterre et au Pays de Galles, qui s’occupe des affaires les « plus graves », a-t-il précisé. Elles risquent des peines d’emprisonnement allant jusqu’à 10 ans au titre de l’infraction la plus grave, à savoir l’émeute, a averti le chef du parquet Stephen Parkinson.

De la prison ferme pour les publications en ligne

Après les casseurs, la justice britannique a condamné sévèrement ceux qui sont accusés d’avoir “attisé” en ligne les émeutes.

Jordan Parlour, 28 ans, a été condamné à 20 mois de prison, dont au moins la moitié devront être purgés en détention, en raison de messages sur Facebook appelant à s’en prendre à un hôtel hébergeant des demandeurs d’asile.

Un autre homme de 26 ans, père de trois enfants, a été condamné encore plus sévèrement à trois ans et deux mois de prison ferme pour avoir appelé dans un post publié sur les réseaux sociaux, à incendier des hôtels hébergeant des demandeurs d’asile. Une femme de 55 ans a été arrêtée pour avoir posté un message sur les réseaux sociaux dans lequel elle avait mentionné une fausse information sur l’identité du suspect.

Les réseaux sociaux « ne sont pas une zone de non droit », a insisté le nouveau Premier ministre Keir Starmer le 9 août, promettant que le gouvernement allait « se pencher » sur le sujet, après avoir déjà mis en garde ces derniers jours les réseaux sociaux et leurs dirigeants.

Des mesure d’urgence face aux prisons saturées

Le gouvernement britannique a déclenché des mesures d’urgence face à la saturation des prisons dans le nord de l’Angleterre et le Pays de Galles, où la proportion de prisonniers par rapport à la population est la plus élevée en Europe occidentale. Avec des prisons déjà pleines et des tribunaux débordés depuis la pandémie, « l’effet de ces quelques jours de désordre se fera sentir pendant des mois, des années » pour le système judiciaire, a admis la ministre de la Justice Shabana Mahmood.

Le déclenchement du dispositif « Early Dawn » (« petit matin ») permet de détenir les personnes appréhendées dans des cellules de police et d’attendre que des places de prison se libèrent pour les faire comparaître. « Nous avons hérité d’un système judiciaire en crise et vulnérable aux chocs », a souligné le secrétaire d’État chargé des prisons, James Timpson, dans un communiqué, présentant les mesures prises comme « difficiles mais nécessaires ».

Downing Street a cependant précisé que certains émeutiers pourraient bénéficier des programmes de libération anticipée mis en place face à l’engorgement des établissements pénitentiaires, qui permettent de sortir de prison après avoir purgé 40% de sa peine.

Quelles suites aux émeutes ?

Tout en affirmant rester vigilant, le gouvernement britannique s’est félicité d’une « désescalade » des émeutes. Les autorités attribuent cette accalmie à la réponse judiciaire “très ferme” du nouveau gouvernement travailliste, au pouvoir depuis début juillet au Royaume-Uni.

Des dizaines de policiers ont été blessés, des hôtels pour migrants ont été attaqués avec parfois des débuts d’incendie, à Hull, Rotherham et Tamworth. Des mosquées ont été prises pour cibles à Southport, Liverpool ou encore Sunderland.

Le gouvernement a pour l’instant concentré tous ses efforts sur le retour de l’ordre, insistant qu’aucune revendication politique ne justifiait les violences. Ces émeutes laissent cependant entrevoir des problèmes profonds affectant les populations défavorisées du Royaume-Uni. Sept des dix zones les plus défavorisées d’Angleterre, qui ont souvent aussi un nombre de demandeurs d’asile supérieur à la moyenne, ont été secouées par des émeutes, selon une enquête du Financial Times.

Le sujet de l’immigration promet d’animer la rentrée parlementaire en septembre. Certains élus conservateurs soulignent la nécessité de traiter ces questions sources de tensions. Sans appeler aux violences, le député Nigel Farage les justifie par l’inquiétude d’une population blanche défavorisée ignorée des élites.

Le gouvernement travailliste assure vouloir réduire les niveaux d’immigration légale comme illégale. Il risque d’être interpellé sur sa décision d’abandonner le projet des conservateurs d’expulser des demandeurs d’asile vers le Rwanda. D’autant que les traversées de la Manche sont, cet été, de plus en plus nombreuses.

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