Le 6 juin 1944, tandis que Charles, 20 ans, aidait avec « joie » les parachutistes américains dans le bocage normand (nord-ouest de la France), Léopolda, 12 ans, tentait, avec son petit frère, à Saint-Lô, d’échapper aux bombes alliées, la « terreur » au ventre. Témoignages.
Au petit matin du 6 juin, « on a vu quelques avions passer très bas. On s’est dit ça y est! c’est le débarquement… On était heureux! », confie Charles Levaillant, pétillant retraité de 95 ans à Gatteville-Phare, à une trentaine de kilomètres de Sainte-Mère-Eglise (nord-ouest) où des C47 américains larguèrent cette nuit-là 13.000 parachutistes.
Le lendemain matin, le jeune homme, alors âgé de 20 ans, se retrouve avec un Américain chez lui à Videcosville, à 20 km de Sainte-Mère. « Vous auriez vu ses mains, ensanglantées, le malheureux. Plus un doigt », se souvient l’ancien agriculteur.
Après avoir porté secours au blessé, le Français, décoré par les Américains en 1946, part en quête d’autres soldats alliés. Il en trouve d’abord deux, leur apporte de « la gnôle », de l’eau, qui finira en café dans un casque : « cela faisait quatre ans que je n’avais pas vu de café ». L’humble « petit résistant » finira par conduire 35 parachutistes au total dans un bois, sur les conseils d’un chef résistant. « Dans le bois y en avait 50 en tout », raconte-t-il.
Peu avant de mourir en 1989, l’un de ces soldats, devenu un « grand ami », se souviendra être resté « sans manger pendant sept jours » en Normandie, selon une lettre précieusement conservée par Charles. « Beaucoup de gens aidaient à ce moment-là, malgré les affiches: tout civil qui aidera les parachutistes sera fusillé », raconte M. Levaillant. « C’était vraiment la joie! On était fiers d’accompagner ces gars-là. On avait le même âge. Mais les héros, c’est eux », ajoute l’arrière-grand-père.
Les Américains apportaient la liberté: « A 20 ans, c’est important ». Et les soldats allemands, « on en avait ras le bol. Ils nous faisaient planter des asperges tous les jours », ajoute Charles. A 70 km au sud, à Saint-Lô, rasée à 77% en 1944 selon certains historiens, Léopolda Beuzelin, 87 ans, n’a « pas du tout » connu cette joie.
« Mon Dieu non ! C’était l’apocalypse. Le bruit des avions, c’était la terreur », raconte-t-elle. « Nous étions à table à l’arrivée des premiers avions. On est partis se mettre à l’abri sous le rocher à quelques centaines de mètres de chez nous. On a mis plus d’une heure à y aller », poursuit l’arrière-grand-mère, qui avait 12 ans en 1944.
Car « les bombes tombaient, nous projetaient dans tous les sens. C’était le chaos, la fin du monde », raconte la retraitée sur son canapé. Les Alliés cherchaient à retarder l’arrivée des renforts allemands sur la zone de débarquement à 30 km.
Mme Beuzelin explique être restée plusieurs jours avec sa famille dans cette caverne, surpeuplée, sans manger. « On buvait de l’eau croupie dans des wagonnets », raconte cette ancienne « bonne », puis professeure de gymnastique. Les civils devant laisser la place aux blessés, Léopolda se retrouve à nouveau sous les bombes. Elle perd de vue sa mère plusieurs jours, se retrouve seule avec son petit frère de 7 ans, « asphyxiés », « de la poussière dans la bouche, le nez », raconte-t-elle.
Saint-Lô, où un imposant monument gravé dans la roche rend hommage aux civils, a été bombardée à de nombreuses reprises du 6 au 13 juin. La préfecture de 12.000 habitants à l’époque ne sera libérée que le 18 juillet, après de lourdes pertes (40.000 Américains morts ou blessés en trois semaines). 20.000 civils normands ont péri durant la bataille de Normandie.
Accueillie dans une ferme, avec du lait mais pas de pain, Léopolda ne regagnera la ville qu’à l’automne. « On vivait dans un deux-pièces avec des couvertures sur du foin, une cuisinière, sans eau courante. Dans les ruines, on trouvait du bois, une assiette, une casserole. J’ai vu aussi une jambe, une main », raconte Mme Beuzelin, qui demeure reconnaissante envers ses « libérateurs ».
D.C avec AFP
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