Tim Keller, un théologien et pasteur aujourd’hui décédé, a écrit un jour que la colère est une énergie dépensée pour défendre ce que l’on aime. Cette sage observation révèle que la colère est plus qu’une simple impulsion – elle sous-entend une détermination farouche à obtenir ce que l’on désire le plus dans la vie. Lorsque ces désirs sont frustrés, la colère sert de signal d’alarme pour soi-même et pour autrui, indiquant que cette personne ne doit pas être prise à la légère et que ses désirs sont d’une grande importance pour elle – il faut donc s’en méfier.
La plupart des gens seraient d’accord pour dire que la colère est souvent une émotion inutile et dangereuse chez les humains. Cependant, je ne pense pas que ce soit parce que la colère est intrinsèquement mauvaise. Comme l’a souligné M. Keller, la colère est simplement le sous-produit de la volonté de défendre passionnément ce que l’on aime.
Le problème, bien sûr, est que notre affection est souvent mal placée. Nous aimons certaines choses plus que nous ne le devrions, et d’autres pas autant que nous le devrions.
L’amour en désordre
En disant que nos amours sont en désordre, je parle d’une compréhension commune de ces questions. Je crois que toute société repose, au minimum, sur un large consensus concernant ce qu’il est bon d’aimer et ce qu’il peut être dangereux de surévaluer. Cela ne veut pas dire qu’il y a un accord parfait ou que tout le monde doit se conformer à la norme, mais plutôt qu’il doit y avoir un terrain d’entente pour que les lois, la culture, les normes et la confiance s’établissent entre nous.
Sur cette base, je vous encourage à réévaluer vos affections et je vous présente humblement une liste de valeurs que nous avons appris à trop aimer à mon avis. Il ne s’agit pas de dire que tout le monde est coupable de ces valeurs, ni même qu’elles sont mauvaises. C’est simplement que nous courons le risque de les surestimer au détriment d’idéaux plus valables.
1. La richesse
J’ai la chance de vivre dans l’un des pays les plus riches de l’histoire, un endroit où l’abondance devrait redéfinir nos priorités et permettre à beaucoup d’entre nous de se concentrer au-delà de leurs besoins matériels. Pourtant, trop souvent, je me sens frustré par mon incapacité à m’offrir le niveau de luxe suivant, juste au-delà de ma portée financière – preuve que mon appétit pour ces choses est presque insatiable. Cet amour démesuré pour les richesses matérielles évince les autres formes de richesse, telles que l’amour, la beauté et la santé.
2. L’indépendance
Peu de choses enflamment autant notre colère que le fait de devoir renoncer à notre autonomie et de dépendre d’autrui. Nous méprisons le sentiment de faiblesse et la dette que nous pourrions avoir. Peut-être avons-nous élevé notre amour de l’indépendance un peu trop haut. Notre implication décroissante dans les groupes civiques et les églises pourrait être le résultat de notre réticence à nous engager envers les autres ou à prendre des responsabilités que nous pourrions regretter plus tard.
3. L‘efficacité
Mes enfants ne se préparent jamais à aller au lit aussi rapidement que je le souhaiterais parce que – soyons réalistes – ce sont des enfants et qu’ils n’ont pas été complètement endoctrinés dans le culte de l’efficacité auquel nous, les adultes, souscrivons. Au lieu de ralentir et de profiter du temps passé avec eux, je dépense trop souvent mon énergie mentale à les presser, pour tenter de terminer au plus vite.
4. La jeunesse
Avez-vous déjà été frustré par une personne âgée de votre entourage parce qu’elle était lente ou déconnectée ? Comparée à d’autres cultures dans le monde, la nôtre n’accorde pas une grande valeur à la sagesse et à l’expérience de l’âge. Nous sommes trop prompts à écarter les personnes âgées, poussés par notre amour et notre adoration de la jeunesse.
5. La perfection
Certaines personnes, trop timides pour exprimer leur colère envers les autres, se traitent comme quelqu’un qu’elles n’aiment pas. Elles se mettent en colère contre elles-mêmes parce qu’elles ne sont pas parfaites, parce qu’elles ne comprennent pas les choses ou parce qu’elles ont des difficultés. Cette colère révèle un profond désir de perfection et de réussite.
6. L’idéologie
Les colères les plus intenses et les plus embarrassantes que j’ai vues tournent généralement autour de la politique. Nous sommes tombés profondément amoureux de nos idéologies et les avons intégrées à notre identité. Cela signifie que lorsque d’autres remettent en question nos croyances sacrées, nous nous sentons profondément menacés et nous nous mettons en colère.
7. La technologie
En tant que parent dans la culture actuelle, la punition la plus sévère que vous puissiez infliger à vos enfants est de les priver de temps d’écran. Si vous le faites, préparez-vous à voir à quel point les enfants adorent ces appareils. Et si vous pensez que cela ne s’applique pas aux adultes, c’est uniquement parce que nous nous autorisons rarement à nous éloigner, ne serait-ce qu’un instant, de nos précieux écrans.
Un baromètre pour le réalignement des valeurs
Prenez le temps de réfléchir aux choses qui vous mettent en colère et de vous demander si elles reflètent fidèlement les valeurs que vous prétendez chérir le plus. Si ce n’est pas le cas, il se peut que la culture dans laquelle nous vivons vous ait façonné plus que vous ne le pensez, et que ce que vous aimez ne soit plus aligné à vos valeurs. La prochaine fois que vous serez en colère, remerciez votre cerveau de vous avoir donné un outil aussi utile pour évaluer les choses que vous aimez.
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