« Il allait juste manger un burger avec un ami » et « il s’est fait ‘planter' ». La mort d’un adolescent de 16 ans, poignardé vendredi à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), à 900 mètres de son lycée, laissait lundi des élèves de tous âges profondément troublés.
Plusieurs mineurs ont été placés en garde à vue dans l’enquête ouverte pour « meurtre en bande organisée » et « tentative de meurtre en bande organisée », selon le parquet de Bobigny.
Dans ce grand centre urbain de 85.000 habitants, situé au nord-ouest de Paris, le drame s’est produit vendredi soir en face d’une école élémentaire, dans une rue étroite bordée entre autres de pavillons. Sur le lieu du drame, à hauteur de l’arrêt de bus « Soleil Levant » où patientent des voyageuses, deux collégiennes de 11 ans ralentissent le pas : « Regarde, c’est là. Avant, on voyait encore des taches de sang et les rubans de l’enquête de la police », raconte l’une d’elles.
C’est tragique !
Le garçon est mort tout près d’un fast-food, à moins d’un quart d’heure à pied du lycée Jean-Zay où il était scolarisé, sur la grille duquel un bouquet de fleurs blanches a été accroché. « C’est un pote à nous, élève de 1e STMG (série sciences technologiques, management et gestion) et membre de l’association sportive de futsal. C’est tragique. On était encore avec lui vendredi », témoigne Mohamed (prénom d’emprunt), 17 ans, à la moustache naissante, parmi des jeunes rassemblés devant le lycée.
« Le soir-même, on a appris qu’il s’était fait ‘planter’ (poignarder) devant le fast-food, alors qu’il allait juste manger un burger avec son ami qui s’est fait ‘planter’ aussi (et a été blessé, ndlr). Après, plein de mecs d’Aulnay recherchaient ceux qui avaient fait ça et la police était partout ». « Le fait que beaucoup aient des couteaux sur eux, c’est grave : au lieu de se battre avec les mains, ils les sortent… Les personnes qui ont fait ça sont inconscientes, elles veulent se donner un genre ‘bandits’ et vont le regretter en prison », conclut-il, approuvé par ses amis.
S’exprimant anonymement, le gérant du petit établissement de vente de burgers et tacos souligne que le meurtre « du petit » a bien eu lieu « dehors », « à l’arrêt de bus ». « Il ne se passe jamais rien ici. On est un restaurant où viennent manger des familles, des élèves, des travailleurs municipaux. Les employés étaient en plein rush du soir et n’ont rien vu », assure-t-il.
Devant le lycée, une voiture de police stationne et des équipes mobiles de sécurité de l’académie de Créteil vont aux devants des élèves. « Monsieur, y a sûrement des représailles qui se préparent », lance un élève à un agent de sécurité en polaire noire, qui rétorque : « Si tu n’es pas sûr de quelque chose, il ne faut pas en parler ».
« Ne pas écouter des réseaux sociaux anonyme »
L’établissement organisait lundi un hommage national aux deux professeurs assassinés ces dernières années par des islamistes radicalisés. Bruno Beschizza, le maire LR depuis dix ans d’Aulnay-sous-Bois s’est à cette occasion adressé aux élèves. « Je leur ai dit que j’avais passé deux heures hier avec la famille du gamin, qu’elle demande de respecter le temps du deuil et fait confiance au (système) judiciaire, puisque les auteurs sont aux mains de la justice », rapporte-t-il à l’AFP. « La famille n’est pas du tout sur la rubrique ‘vengeance’ ou ‘guerre de quartiers’, j’ai appelé les lycéens à respecter ça et ne pas écouter des réseaux sociaux anonymes qui les pousseraient à la vengeance ».
Islem, 17 ans, dit avoir vu « plusieurs filles du lycée pleurer ». « L’ambiance est très sinistre. Un surveillant nous a dit de ne pas marcher en groupe de dix à la récré, du genre ‘séparez-vous’. Ils ont peur que ça parte en cacahuète… »
Ces dernières années, plusieurs adolescents ont été poignardés à mort en Seine-Saint-Denis, souvent en lien avec les rivalités de quartier. En janvier, à Saint-Denis, les deux agressions mortelles – non liées mais survenues le même jour – d’un collégien de 14 ans et d’un lycéen de 18 ans avaient poussé la municipalité à prendre un arrêté interdisant les attroupements pour éviter les « matchs retours ».
Évoquant l’adolescent tué, une élève de 15 ans glisse, avant de se taire : « J’étais avec lui en sports. C’est choquant. Se poignarder, ça ne se fait pas ».
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