« Je n’aurais jamais cru que cela m’arriverait »: la Berlinoise Petra s’est retrouvée à la rue au début de la pandémie de coronavirus qui a accentué la vulnérabilité des plus démunis, en particulier des femmes.
Il est 18h, dans le foyer « Evas Obdach » de Neukölln, un quartier défavorisé de Berlin. Après une journée dans le froid, des femmes portant de lourds sacs ou traînant de volumineux caddies commencent à arriver, visiblement fatiguées.
Un repas chaud, se doucher et passer la nuit
Ici, elles vont pouvoir manger un repas chaud, se doucher et passer la nuit. Et souffler un peu.
« Regardez comme c’est sympa ici, vraiment un endroit pour nous, on a même différentes sortes de thé », plaisante Petra, la soixantaine, d’une voix douce.
Elle est l’une des rares à livrer quelques bribes de son histoire, sous couvert d’anonymat.
Il y a un an, au début du confinement, elle débarque à Berlin pour s’y installer. A l’hôtel où elle compte loger provisoirement, on lui refuse une chambre car elle n’a pas « de motifs professionnels pour y séjourner ». Depuis, elle galère d’un foyer à l’autre.
« Corona m’a mise à la rue »
Pourquoi ce déménagement vers la capitale ? De quelles ressources disposait Petra à son arrivée ? La sexagénaire laisse beaucoup de questions sans réponse mais est sûre d’une chose : « Corona m’a mise à la rue ».
« Je suis chimiste de formation, j’ai travaillé dans la restauration, j’ai eu une carrière (…) Je n’aurais jamais cru que cela m’arriverait », confie-t-elle.
L’impact de la pandémie sur le nombre global de SDF reste encore incertain.
« Rien n’indique pour le moment qu’il ait fortement augmenté », indique Werena Rosenke, directrice de la BAG Wohnungslosenhilfe (« Aide aux sans-abri »), qui fédère plusieurs associations d’aides. « Mais cela pourrait se produire, après la pandémie, quand les résiliations de bail pour cause de loyers impayés – actuellement suspendues – seront exécutées ».
A Berlin 6.000 et 9.000 sans-abri, dont 2.500 femmes
Autre difficulté, le manque chronique de statistiques fiables.
A Berlin, un recensement début 2020 sur une base volontaire avait décompté quelque 2.000 sans-abri. Quand les associations caritatives les évaluaient entre 6.000 et 9.000, dont 2.500 femmes.
Pour ces dernières, le comptage est encore plus compliqué, juge Natalie Kulik, fondatrice du « Evas Obdach », car elles s’efforcent le plus longtemps possible d’éviter la rue, quitte à supporter des violences dans leur couple ou à se prostituer pour payer le loyer.
Si elles finissent par y échouer, elles dissimulent leur situation, « en soignant particulièrement leur apparence », dit-elle, évoquant « un sentiment de honte ».
La protection, se paie souvent par des faveurs sexuelles
Et « la rue est dangereuse pour elles », souligne-t-elle. Une protection, dans un foyer mixte ou dans un groupe, se paie souvent par des faveurs sexuelles.
« La plupart de nos visiteuses ici n’admettraient jamais faire parti des sans-abri », affirme-t-elle.
Comme Geneviève, la cinquantaine, qui passe ce soir-là aussi la nuit au foyer.
« Je paye mon loyer, mais je ne peux pas rentrer chez moi car mes voisins me harcèlent », affirme la Française, à Berlin depuis 20 ans, qui dit vivre seule depuis son divorce.
« Les gens croient que je suis folle quand je raconte cette histoire! », s’exclame la femme volubile aux cheveux bruns mi-longs.
La pandémie génère un stress pesant sur l’état mental déjà fragile des femmes, déplore Natalie Kulik.
« On voit bien que certaines se créent un monde à elles, une stratégie de survie » qui les rendent peu réceptives à toute aide.
Conditions de vie précaires de tous les SDF
Les restrictions en vigueur ont dégradé les conditions de vie déjà précaires de tous les SDF, estiment les associations.
Les sources de revenus, comme la collecte de bouteilles consignées, se sont taries alors que les gens restent chez eux, de même que les endroits où les sans-abri pouvaient se retrouver – centres commerciaux ou d’accueil. Dans les foyers, les places ont été réduites de moitié en raison des règles sanitaires.
Pour l’hiver, le gouvernement berlinois a pris des mesures pour les loger, « en louant aussi des hôtels vides », indique un porte-parole, Steffan Strauss. Bientôt leur vaccination contre le Covid-19 va commencer.
Mais avec l’arrivée du printemps, « toutes ces aides supplémentaires vont disparaître », met en garde Anett Leach, de l’association Klik d’aide aux jeunes SDF issus de l’UE.
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