Pas un raz-de-marée, mais un élan certain. Inquiètes après une série d’agressions à Bordeaux, à l’arme blanche notamment, de plus en plus de femmes se tournent ces dernières semaines vers une initiation à l’autodéfense, en quête d’une « confiance de rue » dans une ville « jadis calme ».
Le petit tatami du « SPTeam » entre Talence et Villenave d’Ornon, près de Bordeaux, ne désemplit pas. Depuis que le club a posté en juillet une annonce pour des initiations gratuites, « 100% Ladies », au grappling (combat au sol), il a été submergé de demandes, a réussi à caser 100 participantes sur l’été, en a refusé près de deux fois plus.
Hésitantes au début, la quinzaine d’élèves se prennent au jeu, dans une session mêlant conseils de bon sens à quelques « trucs » pour se défaire d’une prise aux poignets ou aux doigts, ou se dégager -tenter du moins- d’un agresseur vous plaquant au sol.
Les exclamations succèdent aux cris, à quelques fous rires aussi, au fil des situations. Puis les souffles se font plus rauques, la sueur nappe les visages, tandis que chacune mesure à quel point une situation d’agression, qui dure à peine quelques secondes, les vide de leur énergie, de leur « jus », dit l’instructeur.
Clémentine, 21 ans, Sabrina, 41 ans, Anne-Laure, 51 ans, et d’autres font à l’AFP le même constat. Elles n’ont pas toutes été en danger personnellement malgré des situations « compliquées » avec des hommes « insistants ». Mais elles avouent sortir souvent, et rentrer « pas sereines », « pas en sécurité » en tant que femmes.
« C’est à force de voir les articles sur les coups de couteaux à Bordeaux », avoue Sabrina. Depuis le déconfinement, on a l’impression que les gens partent en vrille. Et on se dit +ça n’arrive pas qu’aux autres+ ».
Ces femmes ne sont pas venues chercher toutes les clefs, mais « des petits trucs bêtes comme chou qui peuvent changer une situation », « un peu de confiance, sentir qu’on peut faire quelque chose, ne pas rester tétanisée ». « Et ça psychologiquement c’est déjà énorme pour nous », appuie Caroline, 24 ans, miraculée d’une terrible agression au couteau fin juin. « Comme de m’entendre dire que dans mon cas, je n’y pouvais pas grand-chose ».
« On ne vend pas du rêve, on ne veut pas faire croire qu’on peut se sortir de toute situation », pose l’instructeur Pierre-Yves Ferrer dont les cours lancés en mars, avant d’être stoppés par le confinement, visaient juste au départ « à élargir le public de notre sport, le féminiser ».
« Puis l’actualité récente sur Bordeaux est venu +croiser+ notre projet. Sans cela, c’est certain, ça n’aurait pas pris une telle ampleur. Plusieurs femmes ont pris conscience que pratiquer un sport de combat pouvait les aider à se sentir plus sereines ».
Le nouvel adjoint à la sécurité à la mairie, Amine Smihi, l’a admis il y a peu : on ne peut plus faire « comme au temps jadis où la ville était calme », avec des deals de rue, rixes, agressions plus fréquentes, et un phénomène croissant de « mineurs/jeunes majeurs isolés » identifié depuis des mois déjà par police et justice.
L’école ADAM (Autodéfense et Arts Martiaux), qui a pignon sur rue à Bordeaux, fermée en août, s’attend à la rentrée « à un pic d’inscriptions », prédit son secrétaire Julien Castagné qui sent que « les gens ont besoin de se rassurer ».
Là encore, le message est raisonné. La technique du combat, « on s’entraîne pour ne pas avoir à s’en servir », résume-t-il. « Mais la pratique peut donner confiance en soi ». La base, c’est « ne jouez pas les héros, courez ! »
« N’être ni paranoïaque, ni super-héros », ajoute Eric Marrocq, secrétaire régional du syndicat Alliance-Police, qui salue la « tranquillité » que peut apporter la pratique. Mais la clef, c’est de « se protéger, s’échapper si on peut, et alerter, par tous les moyens, l’environnement immédiat, la police ». « Le contact, il faut le laisser aux professionnels », c’est-à-dire la police.
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