À peine le scandale de la gestion désastreuse du déficit de l’UNESCO terminé, une autre affaire secoue le bâtiment du 7, place de Fontenoy. Un scandale qui semblait pourtant difficile à égaler. Engluée dans cette affaire de gestion opaque du déficit budgétaire 2023, la directrice générale, seule responsable des affaires de l’UNESCO devant les États membres, a essuyé depuis avril 2024 des critiques lors des deux dernières sessions du Conseil exécutif. Pour la première fois, les États ont non seulement exprimé leur « sérieuse préoccupation », mais ont également imposé deux audits pour faire la lumière sur l’utilisation abusive de l’argent public.
L’audit réalisé par la Division des services de contrôle interne (IOS) de l’agence onusienne a été sans équivoque quant au non-respect du Règlement financier et des résolutions adoptées par la Conférence générale de l’UNESCO – son organe directeur suprême – portant sur l’ouverture des crédits et sur l’affectation des fonds. C’est pourquoi, afin de se protéger d’éventuelles critiques, Audrey Azoulay a sacrifié en toute urgence avant la 220e session du Conseil exécutif, les deux plus hauts fonctionnaires responsables des finances, qu’elle avait elle-même nommés. En conséquence, Magdolna Bona, la directrice financière, a été affectée à d’autres fonctions et Nicholas Jeffreys, le sous-directeur général pour l’administration, a pris une retraite précipitée de l’Organisation en octobre dernier. Bien entendu, personne n’est dupe à l’UNESCO, la responsabilité de la directrice générale dans cette affaire est évidente, même si les États membres ont préféré fermer les yeux, estimant visiblement que les deux fusibles avaient joué leur rôle pour la protéger.
Après cette session du Conseil exécutif, critique à son égard, qui s’est terminée le 23 octobre 2024, la directrice générale de l’UNESCO Audrey Azoulay a entrepris seulement cinq jours plus tard une visite officielle au Maroc dans le cadre inédit de la visite d’État du président Macron. En effet, à l’invitation du Roi Mohammed VI, le président Emmanuel Macron a effectué une visite officielle au Royaume du Maroc du 28 au 30 octobre 2024 et d’après le communiqué de l’Élysée, « cette visite d’État s’inscrit dans l’ambition de refondation du partenariat d’exception qui lie [les] deux pays et illustre la profondeur des relations bilatérales fondées sur un partenariat enraciné et solide. Elle reflète la volonté commune des deux chefs d’État de raffermir les liens multidimensionnels unissant les deux pays ».
La mission officielle d’Audrey Azoulay sous l’autorité du président Macron et dans le cadre strictement bilatéral établi entre la France et le Maroc surprend car elle bafoue les règles de conduite d’une cheffe d’agence onusienne. Incontestablement, se soumettre aux autorités gouvernementales nationales de n’importe quel pays est contraire à l’Acte constitutif de l’UNESCO, constitue une faute grave et porte atteinte à la fonction et aux engagements de la directrice générale pris sous serment devant la Conférence générale de l’Organisation.
Et pourtant, Audrey Azoulay l’a fait. Même pour ses plus fervents défenseurs, cette autodestruction diplomatique semble incompréhensible. Il est vrai qu’en sept ans, la Française Audrey Azoulay a transformé l’UNESCO en une subdivision du ministère français des Affaires étrangères. Peu à peu, l’esprit de coopération multilatérale s’est estompé pour laisser place à une influence principalement européenne et surtout française. Pourtant, jusqu’à présent, Audrey Azoulay avait réussi à ne pas commettre l’erreur de trop dans ses relations privilégiées avec les autorités françaises.
C’est chose faite depuis son voyage au Maroc en tant que membre de la délégation officielle du président Macron. Audrey Azoulay est quatrième sur la liste de la délégation française que nous avons pu consulter. Elle vient juste après Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Anne Grillo, directrice Afrique du Nord – Moyen-Orient, Dora Cattuti, sous-directrice Afrique du Nord au ministère des Affaires étrangères, puis Audrey Azoulay en tant que directrice générale de l’UNESCO.
C’est sans précédent et parfaitement contraire à l’Acte constitutif de l’UNESCO, qui stipule : « Article VI, point 5. Les responsabilités du Directeur général et du personnel ont un caractère exclusivement international. Dans l’accomplissement de leurs devoirs, ils ne demanderont ni ne recevront d’instructions d’aucun gouvernement ni d’aucune autorité étrangère à l’Organisation. Ils s’abstiendront de tout acte de nature à compromettre leur situation de fonctionnaires internationaux. Tous les États membres de l’Organisation s’engagent à respecter le caractère international des fonctions du Directeur général et du personnel et à ne pas chercher à les influencer dans l’accomplissement de leur tâche ». Audrey Azoulay jouit également des privilèges et immunités qui lui sont nécessaires pour exercer « en toute indépendance » ses fonctions en rapport avec l’Organisation. Lors de sa visite au Maroc, cette indépendance a également été sérieusement compromise.
Par ailleurs, une source proche de l’ambassade du Maroc à Paris nous apprend que les autorités marocaines n’ont été informées qu’au dernier moment de l’arrivée de la directrice générale dans les bagages du président Macron. Durant son séjour à Rabat, elle a assisté à tous les événements protocolaires et dîners officiels, et même à la signature des accords bilatéraux entre la France et le Maroc. La salle réservée à la signature de ces accords étant divisée en deux – les Marocains d’un côté et les Français de l’autre – la directrice générale de l’UNESCO était placée du côté français, d’après plusieurs témoignages recueillis.
Aucun autre directeur général de l’UNESCO n’a jamais commis d’infraction aussi flagrante. Le contrat relatif à la nomination du directeur général stipule clairement que « le Directeur général est soumis au Statut du personnel de l’Organisation dans la mesure où ce Statut lui est applicable. […] Le Directeur général n’exerce aucune occupation et n’accepte aucun emploi ou activité incompatibles avec ses fonctions dans l’Organisation ». Formellement, Audrey Azoulay a accepté une activité incompatible avec ses fonctions de directrice générale.
Les États membres devront assumer leurs responsabilités et la précision des mesures à prendre à cet égard incombe à Mme Simona-Mirela Miculescu, Présidente de la Conférence générale et ambassadrice de Roumanie auprès de l’UNESCO. Mme Miculescu est bien consciente de ses prérogatives et exprime régulièrement sur les réseaux sociaux sa fierté « d’être la première Roumaine à diriger l’organe suprême de prise de décision de cette Organisation ». Avec cette faute institutionnelle commise par la directrice générale, Mme Miculescu aura tout loisir de démontrer qu’elle assume réellement et pleinement ses responsabilités à la tête de la Conférence générale. Faillir dans cette tâche pourrait lui coûter son poste prestigieux.
Reste à savoir si les États membres voudront diligenter une enquête contre Audrey Azoulay, comme le prévoit la procédure en vigueur, avec toutes les conséquences que cela implique y compris des sanctions incluant son départ, conformément à l’article 4 du « Statut du Directeur général » : « Par un vote pris à la majorité des deux tiers de ses membres, le Conseil exécutif peut suspendre le Directeur général de ses fonctions pour faute grave ou infraction à l’Acte constitutif […]. »
Quelle que soit la suite donnée à cette affaire par les États membres, la présence d’Audrey Azoulay, en tant que subordonnée du président Macron durant sa visite d’État au Maroc, a d’ores et déjà marqué l’histoire de l’UNESCO.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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