Sur 16 immenses allées d’étagères métalliques s’entassent palettes de lait, farine, légumes en conserve… A Marseille, cinq associations de lutte contre la pauvreté se partagent depuis cette semaine un « entrepôt solidaire » unique en France.
En cette matinée de décembre, des salariés et bénévoles des Restos du Coeur ou du Secours populaire se croisent, pèsent des palettes d’aliments, récupèrent légumes ou fruits frais dans une des trois chambres froides puis les chargent dans des camions qui partent vers des lieux de distribution.
En France, plus de cinq millions de personnes sont pauvres, a rappelé mardi l’Observatoire des inégalités. C’est 1,4 million de plus qu’il y a 20 ans. Les Bouches-du-Rhône sont le troisième département le plus touché (en nombre de personnes) derrière le Nord et la Seine-Saint-Denis.
A Marseille « la situation empire »
« L’année dernière, on a fait 4,7 millions de repas et là-dessus il faut rajouter les 60.000 contacts qu’on a eus avec les gens de la rue », souligne Alain Evezard, directeur des Restos du Coeur des Bouches-du-Rhône.
A Marseille, « la situation empire et c’était déjà une ville difficile, avec un taux de pauvreté important », confirme Stéphane Lemonnier, président de la Croix-Rouge locale. De plus en plus de salariés ou d’étudiants ont du mal à joindre les deux bouts.
Face à la précarité alimentaire, La Croix-Rouge, les Restos du Coeur, le Secours populaire, l’Association nationale des épiceries solidaires (Andes) et le Secours catholique peinaient à stocker leurs denrées dans leurs entrepôts respectifs devenus trop petits, vétustes et parfois difficiles à sécuriser.
« Pourquoi on ne se mettrait pas tous ensemble dans cet entrepôt ? »
Tanya Saadé Zeenny, fille du fondateur de la CMA CGM, géant mondial du transport maritime et de la logistique basé à Marseille, et présidente de la Fondation CMA CGM, qui aide plusieurs de ces associations depuis des années, a alors une idée.
« Je leur ai proposé : ‘Pourquoi on ne se mettrait pas tous ensemble dans cet entrepôt ?’ L’idée était de leur donner un outil moderne, efficace, où les conditions de travail sont améliorées », explique-t-elle à l’AFP avant l’inauguration officielle vendredi.
Durant deux ans, des équipes de la Fondation aidées par des experts en logistique du groupe ont travaillé en lien avec les associations pour créer ce lieu.
Résultat : un « entrepôt solidaire » de 5.000 m2 totalement rénové, situé dans une zone logistique au cœur de la ville, où peuvent être stockées 3.200 tonnes de denrées alimentaires. Et des bureaux et tous les moyens logistiques adéquats, transpalettes ou chariots élévateurs.
« Plus de produits frais pour une alimentation plus saine »
Les trois chambres froides modernes réjouissent particulièrement les Restos du Coeur: « Parce que s’il doit y avoir un droit à manger en France, il doit y avoir aussi un droit à la santé et là on peut proposer plus de produits frais pour une alimentation plus saine », souligne leur président.
« Le fait qu’on partage avec plusieurs autres grandes associations, c’est des échanges de bonnes pratiques », se réjouit aussi M. Lemonnier.
« C’est notre responsabilité aussi d’être utiles aux autres »
La Fondation CMA CGM a investi six millions d’euros pour louer le lieu, l’aménager et l’équiper. Elle couvrira 50% des coûts de fonctionnement pendant six ans et emploie un coordinateur de site.
« C’est notre responsabilité aussi d’être utiles aux autres », affirme Mme Saadé Zeenny. CMA CGM a réalisé un bénéfice net de 661 millions de dollars au deuxième trimestre 2024.
« Un entrepôt aussi grand partagé avec d’autres associations, c’est une première »
Les associations prennent elles en charge 20% du coût de fonctionnement en fonction des espaces qu’elles occupent, l’État, la ville de Marseille et la Région les 30% restants, selon la Fondation. Les denrées elles viennent du Fonds social de l’Union européenne et des dons.
« Un entrepôt aussi grand partagé avec d’autres associations, c’est une première », souligne Farida Benchaa du Secours populaire: « l’argent qu’on économise sur les charges, on peut le mettre dans d’autres actions de solidarité ».
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