Le coup de hache fendille le chêne, dévoilant le cœur de l’arbre: utilisée pour reconstruire la charpente de Notre-Dame, la technique fait son effet sur le public venu découvrir, samedi à Paris, les artisans d’un chantier « grandissime » qui touche à sa fin.
« C’est un bonheur de voir ça parce qu’on sent que c’est le travail d’une vie », glisse Marc Augustyn, 63 ans, venu en famille sur le parvis de Notre-Dame, dans ce « village » éphémère où les tailleurs de bois, sculpteurs et autres charpentiers qui ont reconstruit la cathédrale exposent leur savoir-faire. « On a juste envie de leur dire bravo et merci », poursuit le sexagénaire.
L’opération, qui s’inscrit dans le cadre des Journées du patrimoine, prend cette année une saveur particulière. Dans moins de trois mois, ce chef d’oeuvre de l’art gothique rouvrira ses portes après le gigantesque incendie d’avril 2019 qui l’a en partie ravagé, suscitant une émotion planétaire.
Beaucoup a été dit sur ce chantier hors normes de 700 millions d’euros mais Fabien Guignard-Fauconnier, sculpteur restaurateur à l’Atelier Jean-Loup Bouvier, retient avant tout l’état d’esprit qui a uni les centaines d’entreprises et artisans. « Ce qu’il y a eu de plus beau, c’est cette fraternité. C’est un peu comme si tout ce que j’avais fait avant c’était pour arriver à ce moment-là », dit-il.
Face aux visiteurs, ce chef de chantier qui a supervisé la rénovation de 2.300 sculptures à Notre-Dame raconte ses échanges avec les autres entreprises mobilisées sur le chantier. « C’était vraiment l’esprit : Comment je pourrais faire pour attaquer ça ? Moi, je passerais comme ça. T’en penses quoi ? ».
« Si ça a fonctionné, c’est parce qu’on a fait naître un esprit d’équipe entre toutes les entreprises, dont certaines sont d’ordinaire concurrentes », se félicite Philippe Jost, président de l’établissement public en charge du chantier, qui note également le supplément d’âme charrié par la reconstruction d’un tel monument. « Notre-Dame c’est mobilisateur, ça unifie », dit-il à l’AFP.
« C’est grandissime »
Plus loin sur le parvis, un charpentier se tient debout sur un chêne posé à l’horizontale sur des tréteaux et fait tomber sa hache sur l’écorce pour ne garder que le cœur de l’arbre.
Cette technique qui a permis de reconstruire la même charpente qu’il y a près d’un millénaire, Rémy Desmonts l’a enseignée à une autre société spécialisée dans la découpe mécanique du bois et à qui il s’est associée pour répondre à l’appel d’offres de Notre-Dame.
« Ca, c’est grandissime », dit ce charpentier de 63 ans installé en Normandie, qui raconte la minutie requise dans la sélection des arbres formant la nouvelle charpente. Les chênes ont ainsi été découpés à la « lune descendante » au moment où la sève circule le moins et où le bois est le plus sec et donc moins perméable aux infiltrations d’insectes.
« On a su montrer que les Français n’avaient pas perdu leur savoir-faire et les JO l’ont également montré », savoure-t-il.
Dans le public, Claire est conquise. « C’est magique et ça force l’admiration », dit cette sexagénaire.
Coulage du plomb pour la couverture du toit et les ornements, démonstration des techniques de rénovation des peintures intérieures ou montage d’échafaudages: la quasi-totalité des corps de métier employés sur le chantier a son petit espace sur ce « village », où les plus jeunes s’initient au taillage de pierres ou à la construction d’une cathédrale en Lego.
Un nouveau système anti-incendie
Le stand consacré au nouveau système anti-incendie retient également l’attention. Au moment de l’incendie, Notre-Dame n’avait qu’un système de détection de fumée qui devait être complété par une vérification humaine.
Désormais, Notre-Dame est truffée plus de 300 points de détection, dont des caméras thermiques, qui vont relever des niveaux anormaux de chaleur ou de fumée et activer automatiquement un système d’extinction d’incendies par brumisation d’eau.
Des tuyaux qui courent sur la charpente et sur la flèche pourront ainsi libérer « un brouillard d’eau » permettant d’éteindre un incendie rapidement en limitant « les dégâts collatéraux » sur les structures en bois, explique à l’AFP Eric Lazzari, de la société Détection électronique française (DET).
« C’est simple, en termes de protection anti-incendie, on est passés de 0 à 100 », résume-t-il.
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