Une demi-heure avant la dernière prière du soir, l’imam Hajj Mouloud arrive dans une salle attenante à la mosquée de Ris-Orangis et lance un chaleureux « salam » au rabbin Michel Serfaty, tout juste arrivé dans la pièce.
Autour d’eux, une quinzaine de fidèles juifs et musulmans se saluent. Ils s’installent pour le premier acte du 15e week-end portes ouvertes de la synagogue et de la mosquée de cette ville de l’Essonne, une réunion pour « échanger des souvenirs », comme l’introduit Michel Serfaty.
« Marzok, raconte-nous tes souvenirs ! », lance-t-il à l’un des hommes présents. « Des souvenirs ? Il est trop vieux, il les a tous perdus ! », plaisante un autre homme, kippa bleu marine sur la tête. Tous s’esclaffent, avant de se servir en fruits secs et thé à la menthe disposés devant eux. Cette scène est habituelle pour les fidèles des deux cultes : rue Jean-Moulin, la mosquée jouxte la synagogue, elle-même installée en face d’une église.
Juifs, musulmans, chrétiens : à Ris-Orangis, dans l’Essonne, la fraternité avant tout.
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— TF1Info (@TF1Info) October 28, 2023
Un dialogue interreligieux qui fait la fierté de Hajj Mouloud et Michel Serfaty. Les deux hommes, piliers de l’Amitié judéo-musulmane de France (AJMF) fondée en 2004 par le rabbin, n’ont de cesse de rappeler la proximité entre leurs communautés, qu’ils entretiennent pour ne pas la voir troublée par la guerre au Proche-Orient. Le 7 octobre, des commandos du Hamas ont infiltré le sud d’Israël depuis la bande de Gaza, menant une attaque sanglante contre des civils d’une ampleur et d’une violence jamais vues depuis la création de l’État hébreu en 1948. En représailles, l’armée israélienne pilonne Gaza sans relâche pour « anéantir » l’organisation terroriste Hamas.
On respecte l’amitié entre nous
« Qu’est-ce qui est plus long dans le temps, le temps de la crise ? Est-ce que pendant cette crise nous sommes dérangés dans nos relations ? », interroge Michel Serfaty, alors que Hajj Mouloud secoue la tête. « Pas du tout, l’amitié qui est entre nous, des frères, des enfants d’Abraham il faut qu’on la respecte », répond l’imam, assis aux côtés du rabbin dans le petit local de l’AJMF.
À côté d’eux, deux stagiaires de l’association s’appliquent à recopier en grandes lettres sur une affiche : « Qu’est-ce que l’antisémitisme ? ». De nombreux panneaux consacrés à la lutte contre les discriminations (racisme anti-musulman, antisémitisme mais aussi sexisme et cyberhaine) s’étalent sur les murs.
L’association compte huit salariés et voit passer plusieurs dizaines de stagiaires collégiens ou lycéens par an. Sans forcément être pétris de préjugés à l’arrivée, les jeunes ressortent de cette ambiance multiconfessionnelle « changés complètement », témoigne Amine, 22 ans, médiateur social à l’AJMF depuis un an, qui préfère rester anonyme.
« Ce qu’on demande dans nos prières c’est la paix, la paix »
Il assure qu’au sein de l’association, « les jeunes ne parlent même pas » de la guerre. « À Ris-Orangis, les deux communautés s’entendent très bien, et c’est grâce à la communication et le fait d’apprendre les uns sur les autres. On voit ce qui nous lie. »
« On mange ensemble, on fait des réunions, on dialogue, tout ce qu’on veut dire on le dit », témoigne-Muman Marzok, 74 ans, au sortir de la réunion du soir. Dans sa bouche comme dans celles de tous les fidèles croisés, ce qui atterre, ce sont les victimes civiles.
« Ce qu’on demande dans nos prières c’est la paix, la paix », renchérit l’imam. Il évoque rêveusement les voyages organisés par l’association, dont un en Israël près du lac de Tibériade, où les voyageurs avaient planté des arbres.
« Je me demande quand est-ce qu’on va repartir », s’interroge doucement Hajj Mouloud. « Il y a beaucoup de choses que je n’ai pas vues, et j’aimerais bien voir l’arbre, aussi. Est-ce qu’il a bien poussé ? »
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