Le propriétaire de la chambre où Monica et ses trois filles vivaient à Sao Paulo a subitement doublé le loyer. Sans solution, elles se retrouvent toutes les quatre à dormir dans la rue, comme de nombreux habitants de la capitale économique du Brésil.
Entre nourriture et logement, Monica a préféré que ses filles de deux, neuf et 12 ans se couchent sans être tenaillées par la faim.
« Si je ne peux que payer le loyer, avec quoi va-t-on se remplir le ventre? » demande cette femme de 33 ans qui a installé un campement de fortune il y a une semaine sur la Plaza República et son parc entouré d’immeubles.
Chaque soir, elle récupère ses filles à l’école après avoir collecté et vendu des matériaux recyclables qui lui rapportent entre 20 et 30 réais (3,20 et 4,80 euros) par jour.
De nombreuses familles à la rue
Leur histoire n’est pas un cas isolé dans les rues de la métropole, une jungle de béton et de gratte-ciel de 12 millions d’habitants, où la hausse du chômage due à la pandémie et le coût élevé du logement ont poussé de nombreuses familles à la rue.
« Il y a une augmentation importante du nombre de personnes qui se retrouvent pour la première fois dans la rue », affirme Kelseny Medeiros Pinho, coordinatrice pédagogique de la clinique des droits de l’homme de l’université de Sao Paulo.
« Si vous perdez votre emploi et n’avez pas d’alternative, la rue finit par être la solution », ajoute-t-elle, jugeant insuffisante l’aide accordée par le gouvernement de Jair Bolsonaro qui a été abaissée de 600 à 150 réais cette année.
Le président et le bureau du gouverneur de Sao Paulo ont opposé leur veto à des projets de loi demandant la suspension des expulsions pendant l’urgence sanitaire.
N’a « jamais » vu une telle situation
Au moins 14.300 familles ont été expulsées au Brésil entre mars 2020 et juin 2021 et environ 85.000 autres sont menacées d’expulsion, selon l’enquête « Zéro expulsion » menée auprès des acteurs sociaux.
Dans le seul Etat de Sao Paulo, 3.970 familles ont été expulsées et 34.454 autres sont menacées.
Un porte-parole du Mouvement national de lutte pour la défense des sans-abri, Anderson Lopes Miranda, affirme que depuis 30 ans qu’il vit auprès des sans-abri il n’a « jamais » vu une telle situation.
« Avant, c’était des personnes âgées et des travailleurs qui perdaient leur emploi. Aujourd’hui, on voit des familles », se désole-t-il.
Le dernier recensement officiel, en 2019, a comptabilisé 24.344 sans-abri, dont 85% d’hommes. Un chiffre sous-estimé, pour les ONG.
Partagent un vieux matelas prêté par André
Monica et ses trois filles partagent un vieux matelas prêté par André, un « voisin » sur la Plaza República.
L’homme s’occupe de leurs maigres objets personnels, des vêtements et quelques jouets, pendant qu’elles s’absentent.
« J’essaie de vivre une vie normale, de me laver, d’emmener les filles à l’école », dit Monica. « Mais quand on se réveille ici, vous comprenez qu’on ne se sent pas très bien… Ma grande peur est de tomber malade et que je ne puisse plus être avec elles ».
« Je rêve de ne plus vivre à la rue, mais pour s’en sortir il ne faut pas se lamenter », dit-elle.
Distribution de 800 petits-déjeuners par l’Eglise évangélique
Comme beaucoup, Monica ne veut pas aller dans des centres d’hébergement municipaux, par peur des violences et de la drogue.
À quelques rues de la Plaza Republica, Marcio Machado, de l’Eglise évangélique de la puissance de Dieu, dirige la distribution de 800 petits-déjeuners, soit deux fois plus qu’avant la pandémie.
Une fois servies, les familles ne traînent pas dans ce lieu de concentration des habitants de la rue. Les retardataires repartent le ventre vide.
« C’est terrible », souffle-t-il, « chaque jour ils sont très nombreux: des hommes, des femmes, des enfants, des familles entières qui vivent dans la rue ».
Face à cette augmentation du nombre de laissés-pour-compte, la municipalité a ouvert 2.393 nouveaux lits d’accueil et augmenté de 7.500 à 10.000 les rations distribuées quotidiennement.
« Je m’inquiète pour mes enfants », confesse Daniela Rosaneves, 24 ans, enceinte de sept mois. A côté d’elle, son fils de deux ans joue avec un morceau de banane. Ca fait déjà trois mois qu’ils vivent dans la rue.
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