A Shanghai, les fauteuils roulants slaloment dans la circulation

Par Epoch Times avec AFP
20 mai 2021 12:20 Mis à jour: 20 mai 2021 12:21

Scooters, vélos et voitures les frôlent, mais ils n’ont guère le choix: à Shanghai, les handicapés doivent se résoudre à circuler sur la chaussée, faute de place sur les trottoirs.

Dans la ville aux 25 millions d’habitants, la plus peuplée de Chine, les fauteuils roulants peinent à évoluer sur les étroits trottoirs, parfois défoncés ou obstrués par d’innombrables vélos de location laissés à l’abandon.

A Shanghai comme ailleurs dans le pays, la bordure du trottoir est bien souvent trop haute et barre tout simplement l’accès aux chaises roulantes.

Zhao Hong Cheng dans son appartement avant d’aller travailler à Shanghai. Photo Hector RETAMAL / AFP via Getty Images.

Résultat, peu de personnes handicapées s’aventurent en dehors de chez elles. Quant elles le font, c’est sur la chaussée, ou au mieux sur une piste cyclable.

« On les voit rarement. Les trajets sont compliqués et il est difficile de s’éloigner de plus de 2 kilomètres » de chez soi, résume Zhao Hongcheng, une femme de 31 ans clouée dans un fauteuil depuis l’enfance.

85 millions d’handicapés

« Et les personnes en fauteuil ont toujours du mal à trouver une formation ou un emploi », ajoute Mme Zhao, qui diffuse sur internet des vidéos montrant les difficultés auxquelles elle se heurte dans les rues de Shanghai. Certaines sont vues près d’un demi-million de fois.

Impossible de savoir combien de personnes se déplacent en Chine en fauteuil mais la presse locale fait état de 85 millions d’handicapés.

Si la vie est dure pour eux à Shanghai, elle est pire dans les villes plus petites, même si la situation s’est améliorée ces dernières années, témoignent les intéressés.

Infrastructures à la traîne

Le président Xi Jinping a plaidé en 2019 pour qu’aucun handicapé « ne soit laissé de côté ». Mais en dépit de la rapide modernisation du pays, les infrastructures nécessaires et l’attitude du reste de la population sont à la traîne.

Huang Yan, une femme de 39 ans employée dans le commerce électronique, constate cependant une évolution des mentalités.

« Il y a 10 ans, on nous regardait souvent comme des objets étranges », rappelle-t-elle à l’AFP.

-Zhao Hong Cheng dans une rue en route pour son travail à Shanghai le 17 mars 2021. Photo Hector RETAMAL / AFP via Getty Images.

En 2019, son ami Wen Jun, un militant associatif, a fait, bien malgré lui, la Une de la presse chinoise à la suite d’un accident tragique à Dali, une ville touristique du sud-ouest du pays.

Chute mortelle dans un parking souterrain

L’homme en chaise roulante avait fait une chute mortelle dans un parking souterrain alors qu’il cherchait la sortie, le passage adapté aux handicapés étant bouché par une auto.

« Il militait pour le droit au voyage et a été l’un des premiers à nous pousser hors de la maison pour qu’on prenne notre place dans la société », se souvient Mme Huang. « Il ne voulait plus que nous soyons invisibles ».

Dans un pays où il n’est pas courant de se plaindre aux autorités, Mmes Huang et Zhao n’hésitent pas à signaler les entraves à la circulation: rampes d’accès obstruées ou toilettes inaccessibles.

Misères partagées

Autant de misères partagées par certaines personnes âgées ou les parents de jeunes enfants en poussette.

Quelquefois leur intervention est suivie d’effet, parfois non. Mais la plupart du temps, les deux femmes viennent à bout de l’obstacle en se débrouillant seules, à force de détermination.

Zhao Hong Cheng arrive au travail à Shanghai. Photo Hector RETAMAL / AFP via Getty Images.

Via son blog, Mme Zhao reçoit des témoignages de personnes dans la même situation, qui lui racontent par exemple avoir été refusées à l’université une fois que leur handicap a été connu.

« Ca me brise le cœur », reconnaît-elle.

Après avoir pour sa part décroché une maîtrise et un emploi dans une société de livraison de repas, elle ressent de l’humiliation quand des inconnus lui demandent pourquoi elle est en chaise roulante.

« Beaucoup de gens ont l’air de croire que nous vivons sur une île déserte, déconnectés de la société », déplore-t-elle. « En fait, nous sommes bien intégrés et l’on devrait avoir toutes les raisons de nous voir. »

« Si nous nous connaissions mieux, vous verriez que nous avons beaucoup de choses en commun. »

 

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