« Ô Richard! Ô mon Roi! »: cet air d’opéra, le dernier entendu par Louis XVI et Marie-Antoinette en 1789 avant qu’ils ne soient emmenés à Paris, va résonner de nouveau à Versailles, 230 ans plus tard.
A l’Opéra royal, on exhume jeudi « Richard Coeur-de-Lion », célèbre opéra d’André Grétry, compositeur favori de Marie-Antoinette avec Gluck. C’est aussi une petite révolution à Versailles puisqu’il s’agit de sa première « production maison » depuis 1789.
Dans la salle, bijou architectural qui fêtera ses 250 ans le 16 mai, sur scène, dans les coulisses, on met les dernières touches à cette production d’un opéra tombé dans l’oubli.
Devenu hymne royaliste après la prise de la Bastille, l’air a été entonné le 1er octobre 1789 « par les gardes du corps du roi à l’arrivée de Louis XVI et de Marie-Antoinette venus les saluer à un banquet à l’Opéra royal », raconte à l’AFP Laurent Brunner, directeur de Château de Versailles Spectacles.
Un air de trois minutes qui symboliquement sonnera le glas de la monarchie: condamnant le banquet comme « contre-révolutionnaire », Marat, Danton et Desmoulins appellent à marcher sur Versailles.
« Ça a fait un scandale dans le Paris révolutionnaire. On a dit qu’on a foulé la cocarde aux pieds, ce qui n’est pas vrai. Trois jours plus tard, les Parisiennes venaient à Versailles et le lendemain, le château était vide », poursuit M. Brunner.
– Scène inaugurée à l’occasion du mariage du futur Louis XVI-
Les royalistes ont vite fait l’analogie entre le légendaire roi d’Angleterre, un temps captif, et Louis XVI: « Ô Richard! Ô mon roi! L’univers t’abandonne; Sur la terre il n’est donc que moi Qui m’intéresse à ta personne! ».
Jamais donné dans son intégralité à Versailles, cet opéra comique (alternant chants et dialogues parlés) sera joué sur cette scène inaugurée à l’occasion du mariage du futur Louis XVI et de la jeune archiduchesse, une passionnée de musique et d’opéra.
« Il y a une vraie émotion à travailler à Versailles », affirme à l’AFP Camille Assaf, cheffe costumière qui a privilégié des costumes du style du XVIIIe plutôt que du Moyen-Age, l’époque du livre. « On est envahi par une atmosphère qui infuse de manière plus profonde le travail ».
« J’ai regardé énormément Watteau, Fragonard, Boucher » pour étudier « la grâce si particulière » de l’époque, dit-elle en montrant dans une loge des costumes chatoyants et accessoires caractéristiques de l’époque: caracos (corselets courts), corps baleinés (ancêtres du corset) et engageantes (volants en dentelle prolongeant les manches).
Si à Trianon, des décors de spectacles intimes de la reine ont été conservés, ceux de cette production sont une reconstitution, avec des toiles peintes représentant un château fort et ses environs. Dans cette mise en scène signée de l’Américain Marshall Pynkoski et dirigée par le chef d’orchestre français Hervé Nicquet, figurent également des tableaux de ballet.
Six niveaux au-dessus du plateau, Carlos Casado est l’un des derniers cintriers de France, la plupart des théâtres s’étant convertis aux cintres informatisés.
-Opéras chargées d’Histoire-
« Les mouvements sont très rapides, c’est un métier physique », explique le machiniste. « Il y a le feeling du technicien qui peut coordonner tout ça avec la musique… c’est comme travailler le théâtre à ses débuts », ajoute-t-il.
Les cintriers ne sont pas les seuls « vestiges » de Versailles. Six niveaux en-dessous du plateau, il y a la « forêt », énorme machinerie d’époque avec ses colonnes en bois et ses cabestans. « Plus aucun théâtre n’a une aussi grande cage de scène d’époque », précise M. Brunner.
Très peu de maisons d’opéras sont autant chargées d’Histoire mais si pauvres en répertoire.
Le bâtiment, situé à l’extrémité de l’aile nord du château « a très peu servi », explique M. Brunner: moins de 19 soirs en 20 ans avant la Révolution, avant de devenir un musée puis d’accueillir le Sénat au XIXe siècle, et presque aucun spectacle au XXe.
Une des premières salles modulables de l’Histoire, elle était la plus grande d’Europe avant le palais Garnier.
Le prochain opéra sera un autre clin d’œil à l’Histoire: « Les Fantômes de Versailles », créé au Met de New York il y a 39 ans, et où Beaumarchais cherche à changer le cours de l’Histoire pour que Marie-Antoinette… ne soit pas guillotinée.
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