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Abandonnés par l’État, les anciens athlètes chinois peinent après le sport

août 10, 2016 11:45, Last Updated: août 13, 2016 15:02
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Zhang Huikang, un homme d’âge moyen originaire de Shanghai, vend des tickets de loterie sportive dans un kiosque de rue en guise de gagne-pain. La chute a été bien longue depuis la fin des année 1980, alors qu’il était sur la liste des gardiens professionnels de l’équipe de foot chinoise sélectionnée pour participer aux jeux olympiques de Séoul.

Mais en 1991, alors qu’il est blessé à la tête en jouant pour l’équipe de foot de Hong Kong, il est mis au banc de touche et bientôt, à la retraite en 1993, à l’âge de 31 ans. En plus de son kiosque, qu’il tient avec sa mère, Huikang reçoit une pension d’environ 135 yuan (ou 18 euros).

Pour beaucoup de ces héros déchus, le dicton chinois « les hommes au larcin, les femmes au tapin » est douloureusement à-propos.

Zhang Huikang n’est qu’un exemple parmi les centaines de milliers de jeunes athlètes, hommes et femmes, nourris dans le giron du système sportif de l’État chinois puis disqualifiés pour leur échec à produire des médailles. Nombre d’entre eux, recrutés dans l’enfance, se voient refuser une éducation normale et poussés à suivre des régimes sportifs acharnés, ne leur laissant aucune solution de secours dans le cas où ils n’arrivent pas à se distinguer, ou une fois qu’inéluctablement, ils cessent de gagner.

Pour beaucoup de ces héros déchus, le dicton chinois « les hommes au larcin, les femmes au tapin » est douloureusement à-propos. Étant sortis des chemins de l’éducation universitaire, les anciens athlètes peinent à trouver du travail et se trouvent souvent contraints à occuper des postes douteux ou dégradants.

Environ 45 % des athlètes en Chine se retrouvent sans emploi une fois à la retraite, selon un rapport de 2010 du média public Nanjing Daily.

Tang Ying, une femme d’ 1 mètre 92, née en 1986 dans la province chinoise du Hunan, a commencé l’entraînement pour devenir plongeuse olympique avec une institution sportive locale à l’âge de 12 ans. Alors qu’elle ne parvient pas à se qualifier pour les J.O. d’Athènes en 2004, elle se retrouve à la retraite deux ans plus tard, avec peu de choses pour en témoigner – mis à part des articulations douloureuses quand le temps est humide et des risques accrus de complications en cas de grossesse.

Tang Yin a alors tenté de devenir professeur d’éducation physique mais elle s’est aperçu que ce qui passait pour des offres d’emploi était en fait des avances intimes, selon ce que rapporte le journal d’État Xinhua en 2007.

Lors d’un autre incident, elle a essayé de décrocher un emploi dans les ressources humaines dans sa ville natale. On lui a expliqué qu’elle n’obtiendrait le poste que si elle acceptait de devenir l’une des maîtresses d’un officiel du Parti.

Alors qu’elle travaille dans un magasin de vêtements pour un salaire mensuel d’environ 110 euros et qu’elle vend des poupées dans la rue sur son temps libre, Tang Yin a confié au journal Xinhua que beaucoup des anciennes athlètes qu’elles connaissait étaient devenues des femmes entretenues.

Ceux qui ont fini derniers fondent en excuses et en larmes devant les chaînes de télévision pour avoir « jeté la honte sur la mère-patrie » ou sont été désignés comme des ratures par les médias.

Une fois, on lui a offert 100 000 yuan (environ 13 500 euros) pour accepter une relation d’un an avec un homme dans la force de l’âge, mais elle a refusé.

« Je préfère encore les petits boulots », a-t-elle dit.

Des blessures à l’incarcération

La République populaire de Chine participe aux Jeux Olympiques depuis 1980 mais ce n’est que depuis le début des années 2000 que le régime s’est fait une priorité de cumuler les médailles d’or. En 2002, l’État a mis en place le Projet 119, écoulant des sommes colossales et consacrant des efforts jusqu’alors inouïs pour produire des médaillés d’or – principalement dans les sports individuels comme la natation ou l’athlétisme.

Les athlètes subissent une pression immense vers le succès, comme les médias nationaux élèvent leurs performances au rangs de fierté nationale. Ceux qui finissent derniers présentent des excuses larmoyantes devant les chaînes de télévision pour avoir « jeté la honte sur la mère-patrie » ou sont montrés du doigt comme des ratures par les médias.

Zhang Shangwu prend un verre après une interview dans une chambre d’hôtel à Pékin, le 18 juillet 2011. Le champion de gymnastique s’est trouvé contraint de mendier après qu’une blessure ait mis fin prématurément à sa carrière. Il a fait sensation dans les médias après qu’un fan l’ait reconnu, tentant de subsister dans les rue de Pékin. Le cas de Zhang a placé sous les projecteurs la détresse des meilleurs athlètes en Chine. Enlevés à leur foyer à l’âge de 5 ans, ils sont abandonnés et oubliés une fois qu’ils ne sont plus aptes à la compétition. (STR/AFP/Getty Images)

À l’instar de Tang Ying, Zhang Shangwu de la province de Hebei, au Nord de la Chine, a été choisi pour s’entraîner en vue d’une place dans l’équipe olympique à l’âge de 12 ans. Shangwu est devenu gymnaste et a remporté deux médailles d’or à l’Universiade d’été de 2001 à Pékin, alors âgé de 18 ans. Il a été acclamé comme une étoile montante, selon le site internet chinois Baidu.

Mais en 2002, Zhang Shangwu s’est fait une déchirure du tendon d’Achille pendant un entraînement, balayant tout espoir de se voir concourir aux J.O. de 2004. De retour à Hebei, son entraîneur a ignoré sa blessure et l’a poussé à maîtriser des mouvements de plus en plus difficiles. Il a quitté le système en 2005 ; dans l’impossibilité d’obtenir toute compensation, il s’est tourné vers les performances de rue.

Cela a été une vie de pénitence. Shangwu est petit – il mesure moins d’ 1 mètre 65, la taille minimum requise pour un poste d’agent de sécurité. Il a souvent dû dormir dans des cybercafés ou sous les ponts. Il a vendu ses médailles d’or chez un antiquaire pour moins de 15 euros chacune.

En 2007, Zhang s’est mis à voler. Il s’est fait attrapé alors qu’il rackettait dans diverses écoles de sports à Pékin et a été condamné à plus de quatre ans et six mois de prison.

Sans éducation et oubliés

Lorsque qu’ils sont inscrits dans l’une des milliers d’écoles sportives en Chine, les étudiants perdent souvent l’opportunité d’apprendre les matières courantes abordées dans une éducation ordinaire. Or c’est quelque chose dont un candidat pour l’université ne peut se passer, étant donné le niveau extrêmement compétitif des examens d’entrée.

Les athlètes qui ne sont pas employés directement par l’État ne profitent d’aucun bénéfice une fois à la retraite. Le Nanjing Daily a rapporté que sur les 33 294 athlètes en Chine, seulement 17 444 d’entre eux sont payés au taux officiel.

Même ceux qui ont acquis des droits sociaux reçoivent une somme dérisoire pour leur service – la pension moyenne est d’environ 135 euros par mois.

Liu Chengju, ancienne haltérophile du Nord-Est de la Chine et veuve d’un haltérophile mort l’année passée de troubles respiratoires, s’est faite diagnostiquer un cancer du sein en 2013, a rapporté le journal Sina en juin. Sa famille est aujourd’hui endettée de 70 000 yuan (environ 9 500 euros).

Dans leur maison à Fushun, dans la province du Liaoning, Liu Chengju ne possède que quelques sacs de vêtements, quelques meubles et une photo de son mari gagnant le championnat d’haltérophilie des Jeux Asiatiques de 1990.

Non sans une certaine ironie, Chengju se souvient comme elle s’était sentie chanceuse lorsqu’elle avait appris qu’elle figurait parmi les 3 personnes sélectionnées sur un groupe de 30, pour entrer dans un collège sportif du Liaoning à la fin des années 1980. Elle avait alors 15 ans.

Chengju souhaite que sa fille, qui souffre d’asthme, étudie la diététique et ait une vie normale.

« Je suis entrée au collège sportif à 15 ans et me suis retrouvée à la retraite à 25 ans », a-t-elle confié au journal Sina. « Ces dix ans de ma vie sont comme une page blanche – tout s’est envolé en un instant. »

Avec la contribution de Frank Fang.

Version anglaise : Abandoned by the State, Former Chinese Athletes Struggle After Sports

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