Alors qu’un vote sur l’accord de l’Organisation mondiale de la santé relatif aux pandémies et à la réglementation internationale en matière de santé devrait avoir lieu dans le courant du mois, le gouvernement britannique a retiré son soutien et les républicains américains font pression sur la Maison-Blanche pour qu’elle fasse de même.
En revanche, au Canada, l’opposition est limitée.
Ottawa a « activement participé à l’élaboration de l’accord sur les pandémies, reconnaissant la nécessité d’une solide structure de sécurité sanitaire mondiale », a déclaré Anna Maddison, porte-parole de Santé Canada, à Epoch Times.
Interrogé sur la position publique du Royaume-Uni, Santé Canada a déclaré qu’il ne ferait aucun commentaire sur les négociations en cours, dont le dernier cycle s’est achevé sans succès le 10 mai.
La semaine dernière, les médias ont rapporté que le Royaume-Uni ne signerait pas l’accord de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur les pandémies dans sa version actuelle. Andrew Stephenson, du ministère de la Santé et des Affaires sociales, a confirmé la position de son gouvernement à la Chambre des communes le 14 mai.
« J’ai exposé certaines de nos lignes à ne pas franchir dans le cadre des négociations, et je suis heureux de confirmer (…) que le texte actuel n’est pas acceptable pour nous », a déclaré M. Stephenson. « Par conséquent, à moins que le texte actuel ne soit modifié et affiné, nous n’y adhérerons pas. »
Le ministre a déclaré que son pays n’adhérerait que si l’OMS respectait la souveraineté nationale du Royaume-Uni. « En aucun cas nous ne permettrons à l’OMS d’avoir le pouvoir d’imposer des confinements », a-t-il déclaré.
Un média officiel slovaque a également rapporté le 10 mai que le pays ne soutenait pas la version actuelle de l’accord, invoquant des questions de souveraineté.
L’Assemblée mondiale de la santé (AMS) doit entamer sa réunion annuelle à Genève le 27 mai et pourrait voter sur deux documents juridiquement contraignants : un accord sur les pandémies et la mise à jour du Règlement sanitaire international (RSI).
Après qu’un projet final d’accord sur les pandémies n’a pu être obtenu le 10 mai, l’OMS a déclaré que les États membres continueraient à négocier pour « affiner le projet » avant la réunion. Le directeur général de l’OMS, Tedros Ghebreyesus, a encouragé les pays à aller de l’avant pour parvenir à « un accord générationnel qui protégera le monde d’une répétition des horreurs causées par la pandémie de Covid-19 ».
« Hors du champ d’application »
Les critiques de l’accord mondial sur les pandémies affirment que l’adoption du projet de RSI à la fin du mois serait illégale, puisque l’article 55(2) du RSI stipule que les amendements proposés doivent être présentés à tous les États quatre mois avant l’Assemblée mondiale de la santé. Entre-temps, un projet actualisé (en anglais seulement) a été discuté à la fin du mois d’avril et une réunion se tiendra les 16 et 17 mai pour se mettre d’accord sur le texte proposé qui fera l’objet d’un vote.
Dans une lettre adressée le 10 mai au ministre canadien de la Santé, Mark Holland, la députée conservatrice Leslyn Lewis a déclaré que compte tenu du délai de quatre mois, pour les délégués canadiens, « le simple fait d’examiner les amendements au RSI présentés à l’Assemblée mondiale de la santé serait agir en dehors du cadre de leur autorité ».
« Il s’agit d’une question d’intérêt national extrêmement sérieuse, puisque plus de 300 propositions d’amendements ont été faites par divers États membres, dont certaines augmenteraient considérablement les pouvoirs d’urgence sanitaire de l’OMS », a écrit Mme Lewis, également titulaire d’un doctorat en droit.
« Combinée à la prérogative juridique du nouveau traité ou accord, la souveraineté du [système] de santé canadien serait purement et simplement cédée à l’OMS en cas d’urgence mondiale de santé publique. »
La députée juge cette consolidation des pouvoirs préoccupante compte tenu de « l’échec de la réponse de l’OMS à l’échelle mondiale » face à la pandémie de Covid, accompagnée par la suspension « durable et généralisée » des « libertés civiles fondamentales » au Canada au cours de cette période.
Alors que Mme Lewis a été l’une des rares voix politiques à s’opposer à l’adoption des instruments de lutte contre les pandémies de l’OMS au Canada, les 49 sénateurs républicains américains ont tous exhorté l’administration Biden à retirer son soutien aux amendements du RSI et à se retirer des négociations sur l’accord de lutte contre les pandémies. Dans leur lettre du 1er mai, ils affirment que, si tel n’est pas le cas, ils considéreront l’accord comme un traité, dont l’adoption nécessiterait les deux tiers du Sénat.
La lettre indique également que certaines des plus de 300 propositions d’amendements « augmenteraient considérablement les pouvoirs d’urgence sanitaire de l’OMS et constitueraient des atteintes intolérables à la souveraineté des États-Unis ».
Une déclaration de la Maison Blanche de décembre 2023 indique que les États-Unis cherchent à « renforcer l’architecture de la sécurité sanitaire mondiale », ce qui inclut l’OMS, et à « s’engager dans les négociations en cours pour amender le RSI et élaborer un accord sur les pandémies ».
L’OMS n’a pas répondu à une demande de commentaire sur les questions de souveraineté nationale et sur les affirmations selon lesquelles l’article 55 n’est pas respecté.
Dans des remarques formulées en janvier dans le cadre des processus relatifs aux instruments de lutte contre les pandémies de l’OMS, M. Ghebreyesus a déclaré que les groupes de travail respectifs « opèrent dans un torrent de fausses nouvelles, de mensonges et de théories de la conspiration ».
« Certains prétendent que l’accord sur les pandémies et le RSI cédera la souveraineté [nationale] à l’OMS et donnera au Secrétariat de l’OMS le pouvoir d’imposer aux pays des confinements ou des obligations vaccinales », a-t-il déclaré. « Ces affirmations sont totalement fausses. Vous savez que l’accord ne donnera pas de tels pouvoirs à l’OMS, puisque c’est vous qui l’écrivez. »
La dernière version de l’accord contient une section stipulant que rien dans le texte ne doit être interprété comme accordant à l’OMS le pouvoir d’imposer des obligations vaccinales ou des confinements.
Interrogé sur la position du Canada, le cabinet du ministre de la Santé, M. Holland, a déclaré qu’il n’avait rien à ajouter à la déclaration fournie par le service des relations avec les médias de Santé Canada.
Entre-temps, les conservateurs ont déclaré que seul le Parlement devrait avoir le pouvoir de légiférer sur les questions liées au Canada.
« Nous examinerons davantage les recommandations une fois qu’elles auront été décidées et nous consulterons les Canadiens pour connaître leurs préoccupations, mais nous ne soutiendrons rien qui porte atteinte à la souveraineté du Canada », a assuré le député Stephen Ellis, porte-parole de son parti en matière de Santé, dans une déclaration à Epoch Times.
Au niveau provincial, la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a souligné que les provinces et les territoires sont responsables de la gestion des soins de santé, conformément à la Constitution.
« Le gouvernement fédéral ne peut pas déléguer l’autorité de l’Alberta sur son système de santé et l’Alberta n’est pas tenue de remplir les obligations internationales du gouvernement fédéral », a fait remarquer Mme Smith dans une déclaration à Epoch Times.
La première ministre a ajouté que si l’Alberta collabore avec tous les niveaux de gouvernement pour faire face aux événements et aux urgences en matière de santé publique et peut prendre en considération les recommandations issues de ces collaborations, « les décisions finales sur la mise en œuvre des lignes directrices et des règlements sont prises par la province ».
De multiples changements
L’accord sur les pandémies et les amendements au RSI ont subi d’importantes modifications depuis leur introduction.
Le groupe de défense britannique UsForThem a déclaré, dans une note d’information préparée par des avocats le 7 mai, que les versions récentes des documents représentaient une « amélioration significative par rapport au débordement excessif flagrant de la version précédente », mais que « d’importantes préoccupations subsistent ». Le groupe a indiqué qu’une proposition du RSI visant à rendre les recommandations de l’OMS contraignantes a été abandonnée.
Certaines formulations ont été adoucies et les projets de lutte contre les soi-disant « informations fausses, trompeuses, erronées ou désinformation » ne sont pas explicitement évoqués. Un article complet était consacré à ce sujet dans le « projet préliminaire » de l’accord sur les pandémies, daté du 1er février 2023.
Le dernier projet, daté du 22 avril 2024, stipule désormais que « les parties améliorent les connaissances de la population en matière de science, de santé publique et de pandémies ». Il demande également aux signataires de prendre des mesures pour « mener des recherches afin d’éclairer les politiques sur les facteurs qui entravent ou renforcent l’adhésion aux mesures sociales et de santé publique en cas de pandémie ainsi que la confiance envers la science et les institutions, autorités et organismes de santé publique ».
Dans sa version actuelle, l’accord sur la pandémie stipule dans sa troisième prémisse que les signataires reconnaissent l’OMS comme « l’autorité directrice et coordonnatrice, dans le domaine des activités sanitaires internationales, y compris en matière de prévention, de préparation et de riposte face aux pandémies ».
D’autres dispositions relatives à la souveraineté des États comprennent un article interdisant aux signataires de faire des déclarations qui « exclueraient ou (…) modifieraient les effets juridiques des dispositions de l’Accord dans leur application à cet État ».
Un autre article du projet stipule qu’un signataire doit attendre deux ans à compter de la date à laquelle il a adhéré à l’accord avant d’être autorisé à s’en retirer.
Le projet actuel d’accord sur les pandémies contient également de nombreux articles visant à redistribuer les richesses, les technologies et les vaccins. Les mots « équité » et « équitable » apparaissent respectivement 6 et 16 fois dans le document.
Un article sur l' »accès et le partage des avantages » indique que pendant une pandémie, l’OMS cherche à obtenir un « accès en temps réel » à 20 % de la production de ce qu’elle appelle des « produits de santé liés aux pandémies qui sont sûrs, efficaces et performants ».
Examen public
Les camps en faveur et opposés à l’accord de l’OMS sur les pandémies semblent se répartir de la même façon que ceux relatifs aux politiques sur le Covid-19.
Dans un éditorial publié en mars, la revue médicale The Lancet a qualifié l’accord de « honteux et injuste », car ne le jugeant pas assez équitable et audacieux. « Une grande partie du texte est considérablement affaiblie par rapport à l’ambition initiale, rempli de platitudes, de mises en garde et de la mention ‘lorsque approprié' », peut-on lire dans l’éditorial.
Selon l’éditorial, il est injuste que l’OMS n’obtienne « que » 20 % des produits tels que les vaccins. « Les 80 % restants – qu’il s’agisse de vaccins, de traitements ou de diagnostics – seraient en proie à la ruée internationale observée lors de la pandémie de Covid-19, lorsque des technologies de santé vitales ont été vendues au plus offrant. »
The Lancet affirme également que « les mécanismes de gouvernance et de reddition de comptes du traité sont de plus en plus fragilisés ».
« Il y a peu d’obligations claires et applicables pour prévenir les épidémies de zoonoses, appliquer les principes de l’initiative « Une seule santé » (One Health), renforcer les systèmes de santé, ou lutter contre la désinformation », peut-on lire dans l’éditorial, qui accuse une « poignée de pays puissants » d’avoir « saboté » l’accord.
De l’autre côté du spectre, les rédacteurs de l’Institut Brownstone – une organisation à but non lucratif créé pendant la pandémie et qui a été très critique envers les mesures de santé publique, telles que les confinements – estiment que les propositions de l’OMS vont trop loin.
Le Dr David Bell et l’avocate Thi Thuy Van Dinh, spécialistes de la santé mondiale et de l’ONU qui ont examiné les itérations de l’accord sur les pandémies et les amendements au RSI, s’inquiètent de la vitesse à laquelle ils pourraient être adoptés.
Le Dr Bell a déclaré à Epoch Times que les documents sont « clairement mal préparés, basés sur des présomptions majeures concernant le risque d’épidémie – qui s’avèrent erronées, et ne comportent pas d’évaluation compétente des coûts relatifs aux exigences qui seront votées, ni des dommages collatéraux inévitables ».
Mme Dinh a déclaré que la prémisse selon laquelle l’urgence commande de se préparer à de futures « pandémies ‘plus dangereuses et répétées’ est exagérée et infondée ».
Selon Mme Dinh, l’actuel Règlement sanitaire international de 2005, qui repose sur l’application volontaire des recommandations de l’OMS, est « tout à fait applicable » pour faire face aux pandémies.
« Il serait plus raisonnable de le maintenir et de prendre le temps de réfléchir à ce qui pourrait être modifié, dans le respect entier de l’État de droit », a-t-elle déclaré à Epoch Times.
« Il serait imprudent de créer d’autres institutions et mécanismes bureaucratiques de lutte aux pandémies et de détourner l’argent des contribuables d’autres enjeux de santé. »
Le Dr Bell et Mme Dinh affirment que le nouvel accord n’améliorera pas la gestion des pandémies et suggèrent qu’il comporte d’autres objectifs sous-jacents. « En l’absence de motifs de santé publique évidents, il faut supposer que d’autres motifs sont à l’oeuvre, relevant possiblement des importants conflits d’intérêts commerciaux qui influencent désormais une grande partie du travail de l’OMS », a déclaré le Dr Bell.
« Largement consulté »
Bien que Santé Canada n’ait pas fait connaître sa position sur les négociations en cours, le ministère affirme qu’il y participe « au nom de la population canadienne » et qu’il a « mené de vastes consultations pour s’assurer que l’accord sur les pandémies reflète les priorités, les objectifs et les valeurs du Canada ».
La porte-parole de Santé Canada, Anna Maddison, a fait référence à un forum de deux jours organisé par le gouvernement en mars 2023 pour recueillir des commentaires. Il a réuni 94 participants en présentiel à Ottawa et 70 autres en ligne, représentant des ONG, des universités, le secteur de la santé, le secteur privé et les provinces.
Un résumé des contributions publié en août 2023 ne fait état d’aucune préoccupation évoquée concernant la protection de l’autonomie nationale.
Selon les contributions des participants recueillies, la souveraineté nationale doit être équilibrée par « la coopération et la solidarité internationales ».
« Si les pays ont le droit de prendre des décisions qui protègent leurs citoyens, il est essentiel de reconnaître que les pandémies dépassent les frontières et nécessitent une collaboration mondiale pour y faire face de manière efficace », ont déclaré les participants.
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