« Le risque de résurgence des actes antisémites existe » en France en écho à la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, estime le chercheur Marc Hecker, qui souligne que ces faits augmentent sur le sol français à chaque poussée de fièvre du conflit au Proche-Orient.
Pour ce directeur de recherche à l’Institut français des relations internationales (Ifri), auteur du livre Intifada française ? De l’importation du conflit israélo-palestinien (2012), les actes antisémites – une centaine depuis l’attaque d’Israël samedi par le Hamas, « ne sont souvent pas le fait de membres d’associations » pro-palestiniennes.
Comment, historiquement, le conflit au Proche-Orient a-t-il trouvé un écho sur le sol français ?
« Le conflit israélo-palestinien est le seul qui engendre la mobilisation de dizaines de milliers de personnes dans la rue en France. La politique française était tendanciellement favorable à Israël de la création de cet État en 1948 jusqu’à la Guerre de Six jours en 1967. En réalité, les choses ont commencé à changer dès la fin de la Guerre d’Algérie, en 1962. La France a alors renoué progressivement avec les pays arabes et les liens avec Israël en ont pâti. Après la Guerre des Six Jours, on a commencé à avoir des mobilisations de soutien à la cause palestinienne qui se sont structurées autour de plusieurs blocs : les réseaux arabes, la sphère gaulliste avec l’Association de solidarité franco-arabe, les milieux catholiques de gauche, et l’extrême gauche anti-impérialiste.
Plus tard, des activistes islamistes se sont joints à la mobilisation. Il y a aujourd’hui des groupuscules qui soutiennent le Hamas, mais ils sont marginaux au sein de la mouvance pro-palestinienne. Dans le conflit actuel, les associations pro-palestiniennes ‘‘consensuelles’’ semblent gênées : elles ne condamnent pas explicitement le Hamas, mais elles ne le soutiennent pas non plus ».
Peut-on parler d’une importation du conflit en France ?
« De la fin des années 1960 à la première Intifada (soulèvement palestinien dans les années 1980, NDLR), on était dans une phase d’exportation du conflit : des acteurs venaient du Proche-Orient pour commettre des violences, sous la forme d’attentats visant les intérêts israéliens ou d’assassinats de représentants palestiniens en France.
Au moment de la deuxième Intifada dans les années 2000, on est passé à une phase d’importation du conflit. Les violences étaient alors commises par des Français et ont surtout pris la forme d’actes antisémites : on en comptait alors plus de 900 par an. Cela se traduisait par des attaques contre des bâtiments communautaires, des jets de cocktails Molotov contre des synagogues, des agressions contre des personnes. Il y a eu ensuite de nouveaux pics en 2009 (832 actes) et 2014 (851), au moment des poussées de fièvre du conflit au Proche-Orient (lors des opérations militaires « Plomb durci » et « Bordure protectrice » menées par l’armée israélienne dans la bande de Gaza, NDLR). En juillet 2014, des incidents ont eu lieu devant la synagogue de la rue de la Roquette à Paris puis des violences urbaines à Sarcelles en marge d’une manifestation.
Les actes violents ne sont souvent pas le fait de membres d’associations. La cause palestinienne a en effet des résonances au-delà de la sphère militante traditionnelle ».
Faut-il craindre une nouvelle augmentation des actes antisémites en France ?
« Le risque de résurgence des actes antisémites existe. Le ministère de l’Intérieur a déjà communiqué des chiffres montrant une hausse depuis le 7 octobre. Pour l’heure, on n’a pas vu d’incidents graves comme lors de précédents conflits. Il faut dire que la configuration est différente : le début de cette nouvelle flambée de violence est une attaque terroriste de grande ampleur du Hamas. Israël apparaît pour le moment comme l’agressé, alors qu’en 2009 et 2014, l’ampleur des bombardements à Gaza et des pertes civiles palestiniennes donnaient à Israël l’image de l’agresseur.
Il faut maintenant voir comment le conflit va évoluer. Par ailleurs, il y a aussi un risque terroriste qui, même s’il n’est pas avéré pour le moment, doit être pris en compte. Rappelons-nous qu’en 2012, Mohamed Merah avait attaqué une école juive à Toulouse en expliquant notamment vouloir ‘‘venger la mort d’enfants palestiniens’’ ».
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