Adieu Ronit Elkabetz 1964-2016

avril 26, 2016 9:00, Last Updated: avril 27, 2016 23:13
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Aimée en France comme en Israël, l’actrice et scénariste Ronit Elkabetz a endeuillé le monde du septième art mardi 19 avril, à l’âge de 51 ans, après avoir lutté contre le cancer.

Dans la vie comme dans les films

Ces dernières années Ronit Elkabetz était présidente d’un mouvement féministe solidaire. Dans la vie comme dans ses films.

On se souviendra d’elle pour ses excellents films militant pour les droits des femmes et contre toute forme de ségrégation, pour son jeu ardent, pour son intelligence, pour son talent exceptionnel, pour sa capacité de se réinventer, pour sa présence envoutante qui fait disparaître tout autre chose à l’écran, pour son rire incroyable, pour sa beauté sauvage et mystérieuse, pour sa fière chevelure de charbon, pour son regard indompté. Car telle était Ronit Elkabetz, l’actrice et réalisatrice autodidacte qui a partagé sa carrière entre Israël et la France, une femme courageuse, intelligente et drôle, libre et sans concession.

Oui, en la regardant sur l’écran, elle semblait être plus grande, plus forte que la vie et pourtant …

« C’était l’une des plus grandes actrices que le pays ait jamais connu », « une étoile noire dans notre galaxie », « une présence immense », disaient ses amis, comédiens, acteurs et cinéastes. « Artiste totale », disait le cinéaste Amos Gitai, l’« une ambassadrice exceptionnelle de la culture israélienne dans le monde », disait l’ex-président Shimon Peres.

Du désert au succès

Née en 1964 à Beer Sheva, une petite ville dans le désert au sud d’Israël, Ronit Elkabetz se fait connaître avec son premier rôle dans le film Le Prédestiné (1990) de Daniel Wachsmann.

À cette époque, elle commence sa carrière sur scène dans un monologue en mouvement, une production du théâtre arabo-hébraïque à Jaffa présenté en 1991 au festival de Saint Jean d’Acre.

Trois ans plus tard, elle reçoit le prix Ophir pour le meilleur second rôle féminin dans Sh’Chur de Shmuel Hasfari. Elle est remarquée pour son jeu expressif qu’elle adopte dès lors et qui sera d’ailleurs son trait caractéristique. Ce sera le premier prix auquel succéderont de nombreux autres.

Prendre femme (2004) de Shlomi Elkabetz et de Ronit Elkabetz, le premier d’une trilogie poignante.

Le festival de Cannes l’acclame

En 1997, après une carrière brillante en Israël elle décide de recommencer à zéro, de partir de là où on ne la connaît pas, et où elle ne connaît pas. Sans parler la langue de Molière, elle atterrit en France. Elle fait un stage chez Ariane Mnouchkine mais elle se retrouve plus à la cuisine à faire la vaisselle que sur scène. Finalement, elle quitte le Théâtre du Soleil pour créer sa propre pièce, un spectacle sur la vie de Martha Graham, la grande prêtresse de la danse moderne. Le public français est immédiatement pris sous ses charmes.

Elle continue à faire des films en France et en Israël, touchant toujours les points sensibles et douloureux de la société israélienne, très souvent engagés dans la défense des minorités et dans la création de liens entre les différentes communautés.

En 2001, elle joue dans le film d’Ahmed Bouchaala et Zakia Tahri Origine contrôlée. Un film qui raconte l’histoire d’un quidam que la police française prend pour un travesti arabe en situation irrégulière. La même année, elle participe au film israélien Mariage tardif, de Dover Kosashvili sur l’amour impossible entre une femme divorcée mère d’une petite fille et un thésard géorgien séparé à cause des coutumes traditionnelles de sa famille. Le film a été présenté dans la sélection « Un certain regard » au Festival de Cannes 2001, et Ronit Elkabetz a obtenu de nombreux prix pour son interprétation.

Puis, les films s’enchaînent avec Alila d’Amos Gitai, La Fille du RER d’André Téchiné, Cendres et Sang de Fanny Ardant.

La Visite de la fanfare d’Eran Kolirin a connu un grand succès au festival de Cannes 2007 et a également obtenu plusieurs prix internationaux. L’histoire d’une fanfare de la police égyptienne arrivée en Israël pour jouer à l’ouverture d’un centre culturel arabe dans une ville dans le centre qui s’égare sur la route et arrive dans un petit village au fin fond du désert. Des relations authentiques et libératrices se créent entre les habitants et les musiciens.

Ronit Elkabetz participe entre autres au film de Pascal Elbé Tête de turc (2010), à Zarafa (2012) de Rémi Bezançon et Jean-Christophe Lie et à la série télévisée Trepalium de Vincent Lannoo diffusée sur ARTE en 2016.

Son dernier film Gett, Le procès de Viviane Amsalem, sorti le 25 juin 2014.

La famille

Ronit Elkabetz ne se contente pas de jouer. En France, elle ose revisiter ses souvenirs – douloureux– d’une famille juive traditionnelle immigrée du Maroc. En 2004, elle coécrit et coréalise avec son frère Shlomi Elkabetz Prendre femme (2004), le premier volet d’une trilogie poignante inspirée de sa propre biographie et dans laquelle Elkabetz joue le rôle de sa propre mère. Puis s’ensuivent Les Sept jours (2008), sur la tradition de se réunir pendant sept jours après un enterrement dans la maison du défunt et Gett, le procès de Viviane Amsalem (2014) sur les droits des femmes ou plutôt des hommes dans le divorce rabbinique. Ce dernier long métrage a représenté Israël aux Oscars.

Trois huis-clos qui ont remué et fait remonter un passé pressant dans la vie d’Elkabetz. Trois films qui ont scellé son grand talent en tant que cinéaste.

En 2010, Ronit Elkabetz décide de se consacrer à un nouveau projet, celui de fonder une famille. Elle épouse l’architecte Avner Yashar, ils ont eu ensemble des jumeaux.

Quatre ans après leur naissance, elle décède du cancer. La mort emporte cette météorite qui, comme beaucoup de gens d’exception, a eu la vie trop courte.

Adieu Ronit.

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