Du 8 au 16 octobre était organisée la « Fête de la science », à laquelle succédera la « Semaine de l’innovation publique » du 14 au 20 novembre. Au-delà de l’amour de notre pays pour les célébrations, que nous dit la succession de ces deux évènements ?
Fêter la science c’est en grande partie apprendre aux enfants qu’il est possible et formidable de créer, d’innover et que le système pédagogique peut contribuer. Fêter l’innovation publique c’est rendre visible « une administration en mouvement ». Pour autant, peut-on apprendre à innover à des adultes fonctionnaires ? Peut-on former à l’innovation publique ?
Un environnement turbulent
Un salarié sur cinq (soit 5,61 millions) est membre de la fonction publique en France et ce, sans compter les nombreux salariés qui travaillent dans des entreprises réalisant des missions de service public (SNCF, RATP, La Poste, GDF par exemple).
Force est de constater l’ampleur des bouleversements que connaît aujourd’hui le secteur public en France. Réforme territoriale, culture de la performance, souffrance au travail, open data, ouverture au secteur privé… nombreux sont les enjeux auxquels les cadres publics vont devoir s’adapter pour transformer des contraintes en opportunités. Une offre de formation en innovation publique qui leur serait spécifiquement destinée trouve tout son sens dans ce contexte mouvant.
Qu’est-ce que l’innovation publique ?
L’innovation publique est définie sur le site Internet du Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique comme une administration « qui promeut l’innovation dans les services publics, de la conception à la mise en œuvre des politiques publiques ». Elle est appréhendée dans la recherche en gestion principalement sous deux prismes : celui de l’innovation managériale appliquée au secteur public notamment au niveau des outils et de l’organisation ; celui de la co-construction de la décision publique par des acteurs issus du secteur privé comme du secteur public.
Les travaux concernant l’innovation publique portent sur sa définition et sa mise en œuvre mais également sur sa diffusion. À cet égard, une étude bibliométrique réalisée sur cinquante ans met en évidence la circulation des idées au sein des associations scientifiques (American Association of Public Administration, Public Management Research Association) et des comités éditoriaux des revues de références telle Administration and Society. Ce mouvement est facilité par la co écriture fréquente entre quatre principaux auteurs de ce champ. Les réseaux comme la légitimation dont des facteurs de diffusion régulièrement avancés dans le champ public.
Peut-on former à l’innovation publique ?
Dans le cadre de cette diffusion, la question de la formation n’est pour le moment pas prise en charge. Or elle apparaît à la fois centrale et incertaine. Peut-on former à l’innovation publique, et si oui quelles sont les conditions de réussite en la matière ?
Trois types de cadre théoriques semblent pertinents :
- Les travaux classiques, notamment en sciences de l’éducation, sur la formation à l’innovation dans le secteur privé.
Ces travaux trouvent leurs fondements, d’une part dans l’étude détaillée des processus d’innovation et d’autre part dans une réflexion sur la nature des compétences professionnelles liées à l’innovation et à son apprentissage. Ils sont susceptibles de concerner le secteur public dans la mesure où : des invariants apparaissent ; la question du territoire semble primordiale dans cette formation à l’innovation.
- Des recherches plus récentes sur la formation au management public.
Menées par Véronique Chanut il y a une dizaine d’années, ces recherches mettent notamment en évidence l’importance pour former au management public les cadres d’un ministère :
Des contenus de formation ;
Du sens donné à la formation ;
De la participation des apprenants à la formation ;
De la capacité de coévolution de la formation.
- Les travaux plus originaux, en management sur la fonction de l’imagination, vecteur ou objet d’une formation à l’innovation qui nous semble plus appropriés pour travailler sur le cas particulier des agents publics.
Ces travaux (que l’on doit également à Véronique Chanut) constatent que l’imagination a longtemps été mise de côté en gestion. Pourtant, ils montrent qu’il s’agit d’un concept tout à fait « opératoire » dans une sphère publique innovante et reposant sur trois piliers : le rôle des « représentations », celui du « leadership » créatif et enfin les processus de « design créatif ». Ces trois éléments méritent d’être explicités et testés dans le cadre de la formation à l’innovation publique.
Cette approche n’est certes pas réservée au secteur public (des recherches internationales montrent que l’imagination boosterait la formation en éthique des affaires) mais elle semble y avoir un écho particulier.
Comment s’y prendre ?
Cet article n’entend pas apporter de réponse définitive à la question posée dans le titre. Il souhaite avant tout souligner l’importance de l’expérimentation en matière de formation, notamment dans des contextes méconnus.
En la matière, il serait possible de mener une étude in vivo comme celle toute récente réalisée par Cécile Dejoux et Valérie Charrière Grillon sur des managers inscrits à un MOOC pour étudier la manière dont le numérique pouvait transformer « la fonction formation » dans les entreprises.
Pourquoi ne pas s’inspirer par exemple du cas de l’agglomération et de la ville d’Orléans ? Elles expérimentent avec le cluster qu’elles soutiennent depuis sa création, Nekoé, des pratiques d’innovation au service de l’usager et co-créent avec lui. Du travail sur l’innovation au quotidien par les agents publics naît un désir de formation qui peut être le premier pas d’une démarche pédagogique repensée.
Ce texte sera diffusé et discuté le 15 novembre 2016 dans le cadre de la Semaine de l’innovation publique : « Former à l’innovation publique : une gageure ? ».
Madina Rival, Maître de conférences HDR, Sciences de Gestion, Politiques et Innovation publiques dans les territoires, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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