Nouveau coup de tonnerre dans l’affaire Benalla : le Sénat a choisi jeudi de saisir la justice non seulement du cas de l’ancien collaborateur de l’Élysée, mais aussi de ceux de trois hauts responsables de la présidence, décision vécue comme une déclaration de guerre par la majorité présidentielle.
« Je ne suis en guerre contre personne. Pas contre l’Élysée et personne d’autre », a assuré le président du Sénat Gérard Larcher.
Pour autant, la décision du bureau du Sénat a fait bondir la majorité. Fait rarissime, inédit depuis Lionel Jospin en 1998, le Premier ministre Édouard Philippe a même boudé la traditionnelle séance des questions au gouvernement, au Sénat. La séance a été ponctuée de huées et d’interjections – « il est où ? » – à l’évocation du nom du Premier ministre.
Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a dénoncé un acte « politiquement bas et moralement très grave », fustigeant « un tribunal politique ». Le délégué général de La République en marche, Stanislas Guerini, a évoqué « un procès politique contre l’Élysée ».
Quant au président LREM de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, il a décidé de boycotter une conférence commune avec M. Larcher prévue vendredi à Lille. Dans une déclaration à l’agence France Presse (AFP), il a regretté « une agressivité inédite envers l’exécutif qui altère le climat de confiance pour travailler ensemble sur les grands sujets qui concernent notre pays ».
L’Élysée n’avait toujours pas réagi jeudi soir.
Les cas d’Alexandre Benalla, de son acolyte Vincent Crase et de Patrick Strzoda, directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, sont transmis pour suspicion de faux témoignage devant la commission d’enquête sénatoriale, un délit passible de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende.
Le bureau du Sénat a également décidé de transmettre au parquet les déclarations sous serment d’autres collaborateurs d’Emmanuel Macron, son bras droit, le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler, et le général Lionel Lavergne, chef du groupe de sécurité de la présidence.
À partir des « incohérences » et « contradictions » relevées par la commission d’enquête présidée par Philippe Bas (LR), qui a rendu le 20 février un rapport d’enquête accablant, il reviendra au parquet de voir quelles suites donner, a précisé un membre du bureau.
« Il n’y a aucune déclaration de guerre ; ce n’est pas nous qui avons demandé aux collaborateurs de l’Élysée de mentir, nous en étions même très gênés », a assuré le sénateur Les Républicains François Grosdidier, membre de la commission d’enquête, sur BFMTV.
Le corapporteur PS Jean-Pierre Sueur a jugé « étrange » le boycott du Sénat d’Édouard Philippe, dans un rappel au règlement à la reprise de la séance, « eu égard aux propos tenus par le Premier ministre naguère sur la séparation des pouvoirs ».
« Richard Ferrand et Édouard Philippe ont un rôle institutionnel et ne peuvent se comporter en collaborateurs du président de la République », a déclaré le chef de file des députés LR, Christian Jacob, en les appelant « au sang froid et au sens des responsabilités ».
« Ils boudent ? On joue dans une cour d’école ? », a raillé la sénatrice écologiste Esther Benbassa dans les couloirs du Sénat
Si ces signalements à la justice ne valent pas condamnation, le Sénat frappe fort, dans un contexte de défiance de l’opinion publique vis-à-vis des politiques, et d’un rapport de force entre l’Élysée et la chambre haute, dominée par l’opposition, sur l’avenir des institutions.
« Savoir que le Sénat n’est pas à la botte du pouvoir devrait plutôt rassurer nos concitoyens », s’est félicité sur RTL le chef de file des sénateurs PS, Patrick Kanner.
Christian Jacob a jugé qu’il allait « devenir compliqué » que les collaborateurs du président visés « puissent rester à leur poste ».
Télescopage de l’actualité, Alexandre Benalla a écopé mercredi soir de nouvelles mises en examen concernant d’autres faits de violences en marge du défilé parisien du 1er-Mai et pour l’épisode du selfie le montrant avec une arme.
D. S avec AFP
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