Mardi 12 août, la représentante du pôle national de lutte contre la haine en ligne a requis jusqu’à six mois ferme contre six personnes, dont quatre femmes, jugées par le tribunal correctionnel de Paris pour harcèlement et menace de mort à l’encontre de Mila.
La procureure a requis des peines de six mois de prison avec sursis à l’encontre des trois seuls prévenus qui se sont présentés à l’audience, huit mois de prison avec sursis contre deux prévenus absents et six mois ferme contre la seule, également absente, qui présentait un casier judiciaire chargé. Le tribunal a fixé son délibéré au 24 mai.
Ces six personnes, âgées de 19 à 39 ans, comparaissaient depuis lundi devant la 10e chambre pour avoir publié sur Twitter des messages de haine et des appels au meurtre à l’encontre de Mila, une jeune femme cible de harcèlement en ligne après une vidéo véhémente qu’elle a publié sur l’islam.
Les prévenus « ont manifesté à cette audience une incapacité à présenter de véritables excuses et à se remettre en cause », a déploré la représentante du ministère public dans ses réquisitions.
Mila, » le bouc émissaire de nos lâchetés »
Sur le banc des prévenus, Sorenza D., 19 ans, la seule à avoir présenté des excuses à Mila, essuie furtivement ses yeux. Mila, 18 ans, regarde ses détracteurs sans ciller.
« Si un jour, je croise cette meuf, je la tue de mes propres mains », avait posté cette jeune femme frêle, les cheveux tirés en queue de cheval, sur son compte Twitter en novembre 2020. « À l’époque, je m’exprimais que de cette façon car c’est comme ça que j’ai été éduquée », explique celle qui évoque un père violent.
Mila est « un bouc émissaire de toutes les valeurs que nous, adultes, nous avons cessé de transmettre, c’est le bouc émissaire de nos lâchetés », a argué l’avocat de Mila, Richard Malka, qui a mis en garde contre la « banalisation » de la cruauté sur internet et le risque d’accepter « ce langage » comme étant « celui des jeunes ».
Comme d’autres prévenus, Tristan J., un étudiant de 19 ans, affirme qu’il ne pensait pas que son tweet puisse parvenir jusqu’à Mila. « Pour moi, il n’y a que mes amis qui regardent mes tweets ». Il avait répondu à un camarade de classe qu’il fallait « la fumer », pour dit-il, le « faire rire ».
« Les mots ont un sens », a tancé mardi Me Malka. « Pour vous, ces tweets étaient des bêtises, pour elle, c’est une torture ».
« Mes détracteurs ne supportent pas le simple fait que je respire »
Âgée de 18 ans, Mila vit sous protection policière. « Elle ne peut même pas avoir un chien car il faudrait le sortir et qu’elle ne peut plus sortir librement », a rappelé son avocat. Sur son banc, Mila, longue robe prune et talons, pleure doucement.
La jeune femme a été la cible d’un « raz-de-marée de haine » après avoir répondu en janvier 2020, alors qu’elle était âgée de 16 ans et demi, à des injures sur les réseaux sociaux sur son orientation sexuelle par le biais d’une vidéo véhémente sur l’islam.
La jeune femme, qui revendique son droit au blasphème, s’était attirée une nouvelle salve de menaces après la publication d’une seconde vidéo polémique, le 14 novembre 2020, dans laquelle elle lançait vertement à ses détracteurs : « et dernière chose, surveillez votre pote Allah, s’il vous plaît. Parce que mes doigts dans son trou du cul, j’les ai toujours pas sortis ».
« Mila n’a jamais critiqué les musulmans, elle a critiqué une religion », a souligné Me Malka en rappelant que le « droit au blasphème » était un droit fondamental. Selon son avocat, Mila a reçu plus de 100.000 messages haineux et de menaces de mort depuis sa vidéo de janvier 2020.
Le fait de poursuivre et condamner les cyberharceleurs a permis de faire baisser le nombre de messages haineux adressés à Mila.
En juillet dernier, le tribunal correctionnel de Paris avait condamné à des peines de quatre à six mois de prison avec sursis dix personnes pour « harcèlement en ligne » et une onzième, une jeune femme de 18 ans, pour « menaces de mort ». « Mes détracteurs ne supportent pas le simple fait que je respire », avait dit Mila lundi à l’ouverture du procès.
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