Trois gardiens de la paix sont jugés à partir de mardi devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis pour l’interpellation violente en 2017 à Aulnay-sous-Bois de Théo Luhaka, un jeune homme noir désormais porteur d’un handicap à vie. Cette affaire retentissante avait été prise comme symbole des violences policières.
Presque sept ans après cette « affaire Théo » au retentissement national, les trois fonctionnaires sont renvoyés jusqu’au 19 janvier devant une cour d’assises. Théodore Luhaka, un habitant d’Aulnay-sous-Bois âgé de 28 ans, avait été gravement blessé par un coup de matraque ayant provoqué son handicap.
Violences volontaires
Le principal accusé, Marc-Antoine Castelain, 34 ans, est poursuivi pour des violences volontaires ayant entraîné « une mutilation ou infirmité permanente » sur la victime, avec les circonstances aggravantes de sa qualité de personne dépositaire de l’autorité publique, avec arme et en réunion. Une infraction punie de dix ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende.
Dans un premier temps, le policier avait été mis en examen pour viol, mais la qualification sexuelle avait été écartée. Une expertise médicale avait notamment conclu que la matraque du policier n’avait jamais pénétré l’anus, écartant ainsi le viol du jeune homme. Néanmoins, le coup de matraque l’a gravement blessé provoquant une déchirure du sphincter. Dans une seconde expertise, on peut lire que le coup donné par le policier «n’est pas contraire aux règles de l’art».
Jérémie Dulin, 42 ans, et Tony Hochart, 31 ans, sont jugés pour violences volontaires avec circonstances aggravantes.
Le 2 février 2017, peu avant 17h00, un équipage de quatre fonctionnaires de la BST (brigade spécialisée de terrain) d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) décide d’effectuer des vérifications d’identité sur un groupe de jeunes hommes dans la cité des 3000. Rapidement, le ton monte et le contrôle de police dégénère. La scène filmée par la vidéosurveillance de la ville montre les fonctionnaires procéder à l’interpellation de Théo Luhaka, alors âgé de 22 ans, qui s’y oppose. Au cours de l’empoignade, son pantalon tombe.
Alors qu’il est dos au mur et pris en étau par Jérémie Dulin et Marc-Antoine Castelain, ce dernier porte un violent coup avec la pointe de son bâton télescopique de défense (BTD) à travers le caleçon du jeune homme, qui s’effondre. Un trou d’environ 1 cm sera mesuré sur le sous-vêtement.
Honte et anxiété
Interpellé et emmené au commissariat d’Aulnay-sous-Bois pour être placé en garde à vue, Théo Luhaka présente un important saignement. Les secours le transportent à l’hôpital où il va subir une intervention chirurgicale en urgence pour traiter une perforation rectale. Depuis sa grave blessure, il vit avec un « sentiment de honte », confie un proche. « Après sept ans de procédure, ce procès est attendu avec beaucoup d’anxiété par Théo et sa famille », explique à l’AFP leur avocat, Me Antoine Vey. « Les violences qui ont occasionné un tel préjudice ne peuvent recevoir aucune justification. La fausse piste serait de tenter de faire le procès de la police. L’enjeu du procès : dire et juger que les termes violences et policiers ne sont pas et ne seront jamais conciliables », ajoute le conseil.
Une enquête administrative de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a conclu à « un usage disproportionné de la force et à un manquement au devoir de protection due aux personnes placées sous la garde de la police ». Dans son rapport, la « police des polices » établit que « les deux violents coups d’estoc du BTD » sont portés à un moment où « Théo Luhaka ne commet pas d’atteinte envers l’intégrité physique des policiers interpellateurs ».
Trois policiers toujours en activité
Le juge d’instruction, l’enquête de l’IGPN et les investigations indépendantes du Défenseur des droits vont aussi mettre en exergue des tirs de gaz lacrymogène, ainsi que des coups de genou et de poing portés par les gardiens de la paix Dulin et Hochart quand Théo Luhaka était menotté au sol.
« Il s’agit d’une affaire correctionnelle » qui devrait relever d’un tribunal et non des assises, estime Me Daniel Merchat, avocat de l’un des fonctionnaires. Les trois policiers sont toujours en activité.
Sur le plan administratif, d’éventuelles sanctions disciplinaires seront prononcées « à l’issue de l’instance judiciaire », indique la préfecture de police. Suite à la publication de vidéos de l’interpellation sur les réseaux sociaux, des violences avaient éclaté à Aulnay-sous-Bois puis dans toute la France.
Théo Luhaka avait appelé au calme depuis son lit d’hôpital, où le jeune homme avait reçu la visite du président François Hollande.
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