Trois ans après le retentissant scandale qui a secoué l’Élysée, à partir de ce lundi, à Paris, Alexandre Benalla est jugé pour avoir brutalisé un couple lors des manifestations du 1er mai 2018, pour l’utilisation de passeports diplomatiques, et pour quatre autres procédures judiciaires.
L’affaire a éclaté l’été 2018. L’ancien chargé de mission au cabinet d’Emmanuel Macron doit comparaître jusqu’au 1er octobre, à sept mois du premier tour de la présidentielle.
Aujourd’hui âgé de 30 ans et reconverti dans le privé, il est attendu à 13h30 au tribunal correctionnel pour une première audience consacrée aux questions de procédures et à un résumé des investigations.
#Viedavocate #Benalla jugé à partir de demain, soit plus de 3 ans après les faits. Où est le coffre ? Que sait-il du couple Macron pour avoir bénéficier de ce traitement de faveur et de continuer à en être proche ? Quand on vous dit que la Justice peut être politique ! pic.twitter.com/KZ2YjBBire
— Caroline Mecary (@carolinemecary) September 12, 2021
« Violences volontaires en réunion »
Le comportement d’Alexandre Benalla et de Vincent Crase en marge de la manifestation du 1er mai 2018 est au cœur du procès. Les deux hommes sont poursuivis pour leurs gestes violents sur un couple, Chloé P. et Georgios D., place de la Contrescarpe à Paris, où un « apéro militant » organisé avait dégénéré peu après 19H00.
Dans le parc, Vincent Crase est également soupçonné d’avoir projeté une jeune femme contre un arbre après s’être rendu compte qu’elle filmait puis d’avoir effacé la vidéo sur son téléphone. Il est aussi poursuivi pour avoir eu, ce jour-là, une arme sur lui, qu’il n’était autorisé à porter que dans les locaux de La République En Marche (LREM). Alexandre Benalla est soupçonné d’avoir plaqué au sol un autre manifestant.
Il est enfin reproché aux deux hommes d’avoir arboré un brassard de police. Ils devront aussi s’expliquer sur l’arrestation brutale d’un homme, Khélifa M., deux heures plus tôt, au Jardin des plantes. Ils contestent une partie des faits et, pour les autres, soutiennent avoir réalisé des « interpellations », réfutent avoir porté des « coups ».
Leur défense invoque les articles 53 et 73 du code de procédure pénale, selon lesquels, en cas de « délit flagrant », « toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche ». Un raisonnement que n’a pas suivi la juge d’instruction, qui a estimé que leur intervention n’était « pas nécessaire », en particulier compte tenu de la présence de très nombreux CRS. Elle les a donc renvoyés pour « violences volontaires en réunion » et « immixtion sans titre dans l’exercice d’une fonction publique ».
Des « gestes nécessaires »
Des « gestes nécessaires » et non un « tabassage », a toujours affirmé Alexandre Benalla, qui soutient avoir eu un « réflexe citoyen » en « interpellant » des « agresseurs de policiers ». « Des erreurs ont été commises évidemment, par moi, c’est certain, mais il semble malgré tout que j’aie le dos bien large. Et je suis loin d’être le seul responsable de ce naufrage. Je suis le fusible utile du pouvoir », écrivait-il dans un livre paru fin 2019.
Sa défense – comme celle de Vincent Crase – invoque une disposition du code de procédure pénale de l’article 53 et 73 autorisant, dans certaines circonstances, un citoyen à appréhender l’auteur d’un « délit flagrant ».
Affaire des passeports diplomatiques
Dans un autre volet, Alexandre Benalla comparaît pour avoir utilisé, après son licenciement, deux passeports diplomatiques en Afrique et en Israël, dans le cadre de sa reconversion dans la sécurité privée. Il a reconnu en avoir fait usage « par confort personnel », avant de les rendre. Il est jugé pour « usage public et sans droit de documents justifiant d’une qualité professionnelle ».
L’ancien conseiller est en outre soupçonné d’avoir obtenu un passeport de service le 28 juin 2018, par une lettre à en-tête du chef de cabinet de l’Élysée, François-Xavier Lauch, mais « dactylographiée » et non-signée. Renvoyé pour « faux et usage de faux », il conteste toute infraction, mettant en avant la pratique administrative de l »original signé’ – une mention qui remplace parfois dans l’administration une véritable signature.
Deux policiers de l’État-major de la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), au sein de la préfecture de police de Paris (PP), seront aussi jugés. Ils comparaissent pour avoir transmis un CD-Rom, le soir de la publication de l’article du Monde, le 18 juillet 2018, des images de vidéosurveillance à Alexandre Benalla, afin de l’aider à se défendre.
Le commissaire Maxence Creusat a signalé les faits le lendemain, reconnaissant une « connerie », comme son supérieur le contrôleur général Laurent Simonin. La juge d’instruction a cependant estimé qu’ils ne « pouvaient ignorer » que ces images ne devaient pas être remises à des tiers.
Un « pistolet à eau »
Le tribunal se penchera enfin sur une photo prise le 28 avril 2017 à Poitiers après un meeting de campagne du candidat Macron. On y voit quatre personnes dont Alexandre Benalla avec ce qui semble être un pistolet Glock. À cette période, il n’était pourtant pas autorisé à porter une arme en-dehors du QG d’En Marche.
Parlant d’abord d’un montage, il a ensuite avancé qu’il devait s’agir d’un « pistolet à eau ». Il est poursuivi pour « détention » et « port d’arme de catégorie B ».
Affaires en cours
D’autres affaires notamment celle sur le mystérieux coffre-fort que l’ex-chargé de mission possédait à son domicile pour stocker ses armes et qui n’était plus dans son appartement lors de la perquisition menée au début de l’affaire, ainsi que sur le contenu d’un autre coffre dans son bureau à l’Élysée. L’enquête toujours en cours a été confiée en novembre 2019 à un juge d’instruction.
Une autre enquête préliminaire est menée par le parquet de Paris depuis avril 2019 pour des soupçons de « faux témoignage » de MM. Benalla et Crase devant le Sénat, après un signalement fait par la Haute Assemblée dominée par l’opposition de droite. L’enquête sur ce volet a été confiée à la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP). Le faux témoignage est passible de cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende.
Une procédure pour « manquement aux obligations déclaratives à la HATVP » (Haute autorité pour la transparence de la vie publique) a pour sa part été classée sans suite en février 2020.
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