Afghanistan : ce pays qui veut cacher les femmes

Par Germain de Lupiac
7 janvier 2025 04:25 Mis à jour: 7 janvier 2025 21:34

Depuis le retour des talibans à Kaboul en août 2021, les femmes ont progressivement été chassées de l’espace public. Actuellement, les Afghanes ne peuvent plus étudier au-delà du primaire, aller dans les parcs, les salles de sports, les salons de beauté, ni quasiment sortir de chez elles sans chaperon.

Une récente loi leur interdit de chanter ou de déclamer de la poésie, en vertu, comme les autres directives, d’une application ultra-rigoriste de la loi islamique. Elle les incite aussi à « voiler » leur voix et leurs corps hors de chez elles. Certaines radios et télévisions locales ont également cessé de diffuser des voix féminines. À présent, le chef suprême des talibans interdit les fenêtres où l’on pourrait voir des femmes.

Le gouvernement taliban assure, lui, que la loi islamique « garantit » les droits des Afghans et des Afghanes.

Les talibans interdisent la présence des femmes dans les ONG

Fin décembre, le ministère de l’Économie afghan a rappelé aux ONG, nationales et internationales, qu’il leur était interdit de travailler avec des femmes, après une première annonce en ce sens en décembre 2022.

Les employées des secteurs de la santé et de l’éducation et celles qui travaillent en distanciel sont exemptées, a toutefois rapporté dimanche l’organisation ACBAR qui fédère environ 200 ONG en Afghanistan, après une réunion avec le ministère à Kaboul.

« Pour l’avenir de l’Afghanistan, les autorités de facto doivent changer de cap », a appelé M. Türk, rappelant que les organisations non gouvernementales jouaient « un rôle essentiel » dans ce pays où la situation humanitaire « reste désastreuse ».

La moitié de la population afghane (45 millions) vit sous le seuil de pauvreté, d’après la Banque mondiale. L’ONU a demandé aux talibans d’annuler cette interdiction.

L’ONU alarmée par l’invisibilisation de la femme

« Je suis profondément alarmé par l’annonce récente faite par les autorités de facto d’Afghanistan selon laquelle les licences des ONG seront révoquées si elles continuent à employer des femmes afghanes. Cela va absolument dans la mauvaise direction », a déclaré le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Volker Türk, dans un communiqué.

« Aucun pays ne peut progresser – politiquement, économiquement ou socialement – en excluant la moitié de sa population de la vie publique », a estimé le responsable onusien, exhortant à l’abrogation de « ce décret profondément discriminatoire, ainsi que toutes les autres mesures qui visent à éradiquer l’accès des femmes et des filles à l’éducation, au travail et aux services publics, y compris les soins de santé, et qui restreignent leur liberté de mouvement ».

Le chef suprême interdit les fenêtres qui permettent de voir des femmes

Le chef suprême des talibans a ordonné en fin d’année d’obstruer et de ne plus construire de fenêtres qui donnent sur des espaces résidentiels occupés par des Afghanes, estimant que cela pouvait conduire à de l’ « obscénité ».

D’après un communiqué publié par le porte-parole du gouvernement taliban, il faudra désormais, en cas de construction d’un nouveau bâtiment, que celui-ci soit dépourvu de fenêtres par lesquelles il est possible de voir de près « la cour, la cuisine, le puits des voisins et les autres endroits habituellement utilisés par des femmes ».

« Le fait de voir des femmes travaillant dans des cuisines, dans des cours ou collectant de l’eau dans des puits peut engendrer des actes obscènes », indique le document diffusé par Zabihullah Mujahid sur X, en partie écrit en arabe, en dari et pashto.

La mairie et les autres services compétents devront surveiller les chantiers de construction pour s’assurer qu’il n’est pas possible de voir chez les voisins, poursuit le texte.

Dans le cas où de telles fenêtres avec vis-à-vis existent, les propriétaires sont invités à construire un mur ou à obstruer la vue, « pour éviter les nuisances causées aux voisins », indique le décret.

Le désespoir gagne les Afghanes en école d’infirmières

Le gouvernement taliban a également décrété en décembre, d’après des sources concordantes, l’exclusion des Afghanes des formations médicales, semant un vent de panique dans les établissements.

Les autorités n’ont pas officiellement communiqué à ce sujet, ni réagi aux multiples condamnations et appels à revenir sur une décision qui ostracise encore davantage les femmes, bannies des universités il y a deux ans.

Plusieurs directeurs et employés des écoles proposant des formations médicales ont indiqué à l’AFP avoir été informés ces derniers jours de l’ordre, émanant du chef suprême des talibans et communiqué par le ministère de la Santé, de renvoyer les étudiantes jusqu’à nouvel ordre.

D’après une source au sein du ministère de la Santé, 35.000 femmes étudient dans plus de 150 instituts privés et une dizaine d’écoles publiques octroyant un diplôme en deux ans d’infirmières, sages-femmes, assistantes dentaires, laborantines, etc.

Si instaurée, l’exclusion « mènera à des souffrances, des maladies et de possibles décès de femmes et d’enfants afghans, aujourd’hui et dans les générations futures, ce qui pourrait équivaloir à un féminicide », ont alerté des experts de l’ONU.

La mortalité maternelle et infantile en Afghanistan est l’une des plus élevées au monde.

« Les étudiantes sont souvent très motivées, surtout en maïeutique. Nombre d’entre elles ont perdu une mère, une tante ou une sœur à l’accouchement, ce qui les a motivées pour devenir sage-femme », relate M. Magnusson Watterdal, directeur pays de l’ONG Norwegian Afghanistan Committee (NAC). « Ce n’est pas seulement une profession mais une vocation, donc il y a beaucoup de désespoir. »

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