Afin d’empêcher la diffusion d’un film sur le prélèvement forcé d’organes, des agents chinois multiplient les menaces

Si les efforts de harcèlement aboutissent à quelque chose, ce n'est pas dans le sens voulu par Pékin, a déclaré le directeur

Par Eva Fu
10 décembre 2024 20:43 Mis à jour: 13 décembre 2024 10:24

Menaces de fusillades de masse. Explosions de bombes. Piratage systématique.

Au cours des deux derniers mois, au rythme d’environ une tous les deux jours, des menaces en chinois ont été envoyées aux boîtes mail de journalistes, de salles de cinéma, de la police et de législateurs locaux, pour la plupart basés aux États-Unis et à Taïwan. Ces menaces ont un seul objectif : empêcher la projection d’un film intitulé State Organs.

Ce documentaire canadien, en lice pour les Oscars 2025, retrace le parcours de deux familles à la recherche de leurs proches disparus, avec pour toile de fond le macabre prélèvement forcé d’organes cautionné par le régime communiste chinois.

State Organs a été projeté dans 15 villes taïwanaises depuis le mois d’octobre, ainsi qu’à San Francisco, à New York et au Japon.

« Vous feriez mieux de réfléchir avant d’agir », peut-on lire dans un courriel transmis [par son destinataire] à Epoch Times. L’expéditeur prétendait avoir obtenu les informations personnelles des membres du personnel de quatre cinémas de Taïwan. Les cinémas avaient programmé des projections de State Organs et avaient reçu des menaces stipulant que les informations relatives à leur personnel seraient divulguées si les projections avaient lieu.

Au moins deux courriels contenaient des images d’armes à feu, avec des menaces de tirs sur les spectateurs si les cinémas n’annulaient pas les projections du film. Un autre courriel, adressé cette fois à une journaliste, prétendait que des explosifs avaient été placés à Taipei, au siège de son entreprise, et qu’ils exploseraient si elle ne supprimait pas un article sur le film.

Avant une projection organisée le 30 novembre dans le bâtiment du conseil municipal de Taipei, un autre message menaçait d’éventuelles attaques au couteau.

Il s’est avéré que toutes ces menaces étaient vides de sens. Le bureau des enquêtes criminelles de Taïwan a lancé une investigation et renforcé la sécurité lors des événements. Il n’a trouvé aucune preuve de l’existence d’explosifs ou d’autres risques pour la sécurité publique. Selon la police, ce schéma correspond aux campagnes de cyberharcèlement menées depuis la Chine.

Pour le réalisateur, Raymond Zhang, dont le nom a été directement mentionné dans un courriel de harcèlement, certains éléments du film semblent se dérouler dans la vraie vie.

« Dissimulation, menaces et intimidation, voilà comment les autorités chinoises ont traité les familles des victimes », a-t-il déclaré à Epoch Times. « Et elles font maintenant exactement la même chose en dehors de la Chine. »

L’équipe de production du film a déclaré qu’elle avait l’intention de rassembler toutes les menaces et de les soumettre aux forces de l’ordre américaines.

Le prélèvement forcé d’organes est un sujet fortement censuré par le Parti communiste chinois (PCC), tout comme la persécution du Falun Gong, un sujet étroitement lié. Les deux personnes disparues présentées dans le documentaire pratiquent le Falun Gong, une méthode de méditation reposant sur trois principes : la vérité, la compassion et la tolérance. On estime que 100 millions de Chinois – soit près d’une personne sur 12 – ont adopté cette discipline de développement personnel avant que le PCC ne lance sa campagne nationale de répression contre la pratique en 1999.

Au cours des 25 dernières années, les personnes qui ont refusé d’abandonner leur foi ont été victimes d’arrestations arbitraires, de longues périodes d’emprisonnement et de diverses méthodes de torture mentale et physique.

En 2019, le China tribunal, basé à Londres, a conclu que les pratiquants de Falun Gong étaient la cible principale du programme de prélèvement forcé d’organes soutenu par le PCC, qui commercialise également ses services auprès d’une clientèle internationale de patients en attente d’un prélèvement d’organes rapide.

Cette question « touche un point sensible pour le PCC », a souligné M. Zhang. « Le PCC a peur de révéler au monde ce crime génocidaire, et il fait tout ce qu’il peut pour le dissimuler depuis 25 ans. »

Il est clairement établi que le régime chinois surveille et censure activement les discussions et la libre circulation des informations sur le prélèvement forcé d’organes, tant en Chine qu’à l’étranger.

Des législateurs américains, tant au niveau du Congrès que des États, ont reçu des appels ou des courriels de diplomates chinois les incitant à revenir sur leur position concernant le programme caché de prélèvement forcé d’organes du PCC.

En mars 2023, la loi visant à mettre fin au prélèvement forcé d’organes, qui a été adoptée par la Chambre des représentants cet été, a incité un représentant de l’ambassade de Chine à écrire au principal auteur du projet de loi, le député Chris Smith (Parti républicain du New Jersey), en déclarant que la mesure était « absurde » et en lui demandant d’arrêter « le battage médiatique sans fondement et les manœuvres antichinoises ».

Le président de la sous-commission, le représentant Chris Smith (Parti républicain du New Jersey) (3e à g.), salue le président de l’Association d’aide à la Chine, Bob Fu (4e à g.), Geng He (5e à g.), l’épouse de l’avocat et dissident chinois Gao Zhisheng, Sophie Luo (6e à g.), l’épouse de l’avocat chinois Ding Jiaxi, et le président de la Fondation pour la mémoire des victimes du communisme, Andrew Bremberg (à dr.), avant une audition au Capitole, à Washington, le 20 avril 2023. (Alex Wong/Getty Images)

En 2016, des fonctionnaires consulaires chinois ont fait la route de Chicago au Minnesota pour rendre visite à des sénateurs de l’État avant le vote dans cet État d’une résolution condamnant le prélèvement forcé d’organes. Selon Alice Johnson, sénatrice de l’État, les fonctionnaires n’ont pas mentionné les abus eux-mêmes, mais ont passé toute la réunion à répéter la propagande haineuse du PCC contre le Falun Gong.

La tactique s’est retournée contre eux et la mesure a été soutenue à l’unanimité.

Droits ou accès au marché ?

La sortie de State Organs ne s’est pas faite sans heurts.

Un distributeur de films italien qui avait initialement manifesté son intérêt pour la diffusion du film auprès du public italien en octobre 2023 a fait volte-face le lendemain. Le distributeur a fait ses « plus grands compliments » sur le contenu et le rythme du film, mais a admis que les œuvres sur la persécution du Falun Gong « ont toujours été rejetées par les chaînes de télévision italiennes ».

Un distributeur américain a été plus direct, déclarant à son personnel, en présence d’un producteur de State Organs, qu’accepter un film relatif à la persécution du Falun Gong par le PCC entraverait l’accès de la société au marché chinois.

Les obstacles et les menaces n’ont pas découragé M. Zhang. Et si les efforts de harcèlement aboutissent à quelque chose, a-t-il noté, ce n’est pas dans le sens voulu par Pékin.

À Los Angeles, les actes d’intimidation et les menaces de violence ont rassemblé un groupe de militants pour la démocratie, qui ont organisé une manifestation sur le Hollywood Walk of Fame.

« À l’exception du PCC, aucun autre régime au monde ne fera de l’assassinat de personnes pour leurs organes une activité commerciale », a lancé l’organisateur dans un discours.

Quelques semaines plus tôt, à Middletown, dans l’État de New York, un cinéma local a dû ajouter des sièges temporaires, puis une autre salle de visionnage pour accueillir la foule, a expliqué M. Zhang. Au Cinema Village de New York, où le film devait être projeté pendant une semaine, le cinéma a prolongé la projection à deux semaines.

Wang Ting-yu, président de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense nationale de Taïwan, s’exprime lors d’une audition de la commission sur les menaces contre State Organs et la portée étendue du régime chinois, à Taipei, Taïwan, le 27 novembre 2024. (Sung Pi-lung/Epoch Times)

À Taïwan, où la campagne de harcèlement s’est concentrée cette saison, les projections ont fait salle comble et les législateurs sont venus y assister pour apporter leur soutien, soulignant que leur présence était un acte de défense de la liberté. Le mois prévu pour la projection de State Organs a été prolongé jusqu’en décembre.

La commission des Affaires étrangères et de la Défense nationale de Taïwan a jugé la question suffisamment préoccupante pour organiser une audition à ce sujet et a demandé aux hauts fonctionnaires de l’île comment ils comptaient répondre aux tentatives d’ingérence du régime.

Bien que le choix de regarder ou non le film relève de la liberté individuelle, le fait que le PCC puisse « priver State Organs de la liberté d’organiser des projections à Taïwan » pose un problème de sécurité nationale, a déclaré Wang Ting-yu, président de la commission, à Epoch Times. Si le PCC peut agir de la sorte aujourd’hui à l’égard d’un film, a-t-il ajouté, il fera de même à l’avenir pour menacer des élections démocratiques et d’autres activités.

M. Zhang a déclaré qu’il n’éprouvait aucune rancune à l’égard des personnes qui tentent de l’intimider et d’intimider le public. Peut-être, suggère-t-il, que certaines d’entre elles agissent également sous la contrainte du régime ou se sont laissées aveugler par les narratifs de ce dernier. Il espère qu’elles trouveront le moyen de regarder le film et de décider par elles-mêmes comment considérer les questions abordées.

(De g. à dr.) Roman Balmakov, animateur du débat, Raymond Zhang, réalisateur, et Wang Zhiyuan, directeur de l’Organisation mondiale pour enquêter sur la persécution du Falun Gong (WOIPF), s’expriment lors d’une discussion organisée après la projection du film State Organs au Village East by Angelika, à New York, le 9 novembre 2024. (Samira Bouaou/Epoch Times)

L’attention internationale se porte de plus en plus sur la nécessité de répondre aux rapports substantiels concernant les crimes de prélèvement forcé d’organes par le PCC.

Trois États américains ont adopté des lois interdisant aux compagnies d’assurance maladie de financer des transplantations d’organes liées à la Chine. La loi sur la protection du Falun Gong (Falun Gong Protection Act), adoptée par la Chambre des représentants des États-Unis en juin, vise à sanctionner les personnes qui facilitent ces crimes d’une peine pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison et à demander aux fonctionnaires américains compétents d’examiner les pratiques de transplantation d’organes en Chine, ainsi que les subventions américaines accordées dans ce domaine dans le pays. Ces mesures permettraient également de déterminer si la persécution du Falun Gong constitue une « atrocité » au sens de la loi Elie Wiesel de 2018 sur la prévention des génocides et des atrocités.

Le projet de loi est toujours en attente d’un vote au Sénat américain.

Ce film doit inciter les gens à réfléchir et, espérons-le, à agir, a souligné M. Zhang.

Après la Seconde Guerre mondiale, les gens disaient : « Plus jamais ça », a-t-il ajouté. « Mais c’est en train de se produire. »

« Nous pouvons aujourd’hui changer l’histoire en agissant. »

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