JOHANNESBOURG – À la suite des élections du 29 mai, l’Afrique du Sud devrait connaître une ère de coalition politique chaotique qui limitera considérablement la capacité du parti actuellement au pouvoir, l’ANC, à définir des orientations politiques et économiques claires, et réduira la stabilité de l’économie la plus développée d’Afrique.
Depuis son accession au pouvoir sous la direction de Nelson Mandela en 1994, l’ANC jouit d’un pouvoir quasi illimité, après des décennies de domination par la minorité blanche.
Son écrasante majorité au parlement lui a permis de faire adopter des politiques qui, selon ses détracteurs, ont enrichi une certaine élite noire mais n’ont pas permis aux millions de personnes vivant dans le pays de sortir du chômage et de la pauvreté.
L’ANC a nommé des fidèles du parti à la tête des entreprises d’État, entraînant d’importants cas de corruptions et de mauvaise gestion.
La fourniture de services est également mise à mal, l’Afrique du Sud subissant régulièrement de longues coupures d’électricité et d’eau, économiquement débilitantes.
La criminalité violente est montée en flèche, les agences de sécurité semblant impuissantes à ralentir un taux d’assassinat de 84 personnes par jour, qui, comme le chômage dans le pays, est aujourd’hui le plus élevé au monde.
Ces crises, et d’autres, font que l’ANC n’a jamais été aussi impopulaire, la plupart des sondages pré-électoraux situant son soutien actuel entre 39 et 46 %.
« Si l’ANC tombe à moins de 40 %, [le parti] sera confronté à un choix difficile : renoncer à gouverner ou accepter de s’associer aux Combattants pour la liberté économique (EFF), un parti radical de gauche », a déclaré le professeur Adam Habib, directeur de l’École des études orientales et africaines de l’université de Londres.
Le manifeste de l’EFF promet de mettre fin aux droits de propriété privée en confiant le contrôle des terres à l’État, dans le cadre d’une « redistribution équitable » en faveur des 22 millions de citoyens noirs pauvres.
L’EFF, qui, comme l’ANC, entretient des liens étroits avec le Parti communiste chinois et le Parti Russie unie du président russe Vladimir Poutine, souhaite « nationaliser » les entreprises privées, notamment les banques et les mines.
L’Afrique du Sud possède l’un des secteurs financiers les plus développés de l’hémisphère Sud et certaines des plus grandes réserves de minerais d’or et de platine de la planète.
En termes de représentation au parlement, l’EFF est le troisième parti politique d’Afrique du Sud, après l’Alliance démocratique libérale centriste.
Les sondages d’opinion prévoient que l’EFF obtiendra entre 10 et 12 % des voix le jour de l’élection.
Le parti est dirigé par un ancien de l’ANC, Julius Malema, âgé de 43 ans, souvent accusé d’inciter à la violence contre les Blancs.
À l’instar de ses partisans, souvent violents, M. Malema, généralement coiffé d’un béret rouge et vêtu d’une salopette rouge, affiche son attachement au communisme.
Il promet de « libérer » l’Afrique du Sud des personnes qui, selon lui, « possèdent réellement » le pays et ses richesses : les capitalistes blancs locaux et étrangers et quelques « vendus noirs », dont l’ANC.
M. Malema a indiqué qu’il est prêt à former une coalition avec l’ANC si le gouvernement accepte de mettre en œuvre les politiques radicales de son parti.
Pourtant, « l’adoption d’une seule de ces politiques entraînera une fuite des investisseurs », prévient M. Habib. « L’économie s’effondrera et le pays deviendra un État en faillite. »
Selon Angelo Fick, directeur de l’Institut de recherche socio-économique Auwal à Johannesburg, l’EFF est raciste, et est « dirigée par des démagogues qui vivent dans un luxe absolu. »
Selon lui, les promesses de l’EFF d’aider les pauvres ne sont qu’un « écran de fumée ».
« L’EFF veut copier le modèle du Zimbabwe, qui s’est emparée de toutes les formes de richesse du pays », a-t-il déclaré.
« Le Zimbabwe est un pays riche en minerais, mais sa population compte parmi les plus pauvres du monde, car toutes les richesses vont dans les poches des camarades du parti au pouvoir. »
M. Malema considère Robert Mugabe comme « l’un des plus grands héros d’Afrique ».
Mugabe a été à l’origine d’une catastrophe économique sans précedent au Zimbabwe au début des années 2000 en confisquant les fermes appartenant aux Blancs et en les redistribuant à des proches. L’agriculture, qui était l’une des principales activités économiques du pays, s’est effondrée, et la faim, l’hyperinflation et le chômage de masse ont suivi.
M. Malema a déclaré à Epoch Times qu’il « aimait » M. Mugabe parce que celui-ci « n’acceptait pas les bêtises » des Blancs. « Après toutes ces années, il y a encore beaucoup d’Africains noirs qui croient encore à ce mythe de la supériorité des Blancs », a déclaré M. Malema. « L’EFF ne déteste pas les Blancs, mais nous aimons simplement les Noirs. Les Blancs sont les bienvenus en Afrique du Sud, mais ils doivent comprendre qu’ils sont ici selon les conditions posées par les Noirs. »
« L’Afrique appartient aux Noirs, pas aux Blancs. »
M. Malema a souvent été accusé d’être l’instigateur de violences, de racisme et de discours de haine à l’encontre des Blancs, qui ne représentent que 7 % des 62 millions d’habitants de l’Afrique du Sud.
Selon lui, les Blancs restent les citoyens les plus prospères.
Depuis qu’il a érigé la « lutte des Noirs pour vaincre l’oppression des Blancs » en symbole national, le dirigeant de l’EFF et ses partisans chantent souvent une vieille chanson antiapartheid intitulée « Dubula ibhunu », qui veut dire « Tuer le Boer ».
« Boer » est un mot afrikaans qui signifie « fermier blanc ».
Il est utilisé de manière générale pour décrire les Blancs afrikaners, dont les ancêtres néerlandais, allemands et français étaient pour la plupart des fermiers.
Ce mot est aussi parfois utilisé par les Noirs pour désigner les Sud-Africains blancs en général.
Lors d’un rassemblement politique en 2016, M. Malema a déclaré que l’EFF « n’appelait pas au massacre des Blancs, du moins pas pour l’instant ».
Le dirigeant de l’EFF a également qualifié ses opposants de « cafards » et a déclaré que « tous les Blancs sont des criminels et doivent être traités comme tels » parce que leurs ancêtres « colonialistes » ont « volé la terre ».
En 2022, lors d’un rassemblement politique dans la province du Cap-Occidental, M. Malema a déclaré à ses partisans qu’ils ne devaient « pas avoir peur de tuer » et que « tuer est un acte révolutionnaire ».
Lors de cette manifestation, des représentants de l’EFF ont brandi des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : « La lune de miel est terminée pour les Blancs en Afrique du Sud » et « Un révolutionnaire doit devenir une machine à tuer, motivée par la haine pure ».
La commission sud-africaine des droits de l’homme a estimé par la suite que les slogans et les commentaires de M. Malema constituaient une « incitation à la violence et un discours de haine » et a ordonné au leader de l’EFF de retirer ses déclarations et de présenter des excuses.
Il a refusé mais les procureurs ont renoncé à poursuivre l’affaire.
M. Malema a insisté sur le fait que l’EFF n’avait pas l’intention de procéder à des invasions de fermes et à des « expulsions massives » de fermiers blancs à la manière du Zimbabwe.
« Si nous le faisons, cela menacera la sécurité alimentaire », a-t-il déclaré.
« Notre intention est de prendre les terres improductives et de les donner à l’État. »
« Beaucoup de ces fermes appartenant à des Blancs ne produisent pas de nourriture. Nombre d’entre elles sont ce qu’on appelle des fermes à gibier. Or, quand on s’y rend, il n’y a pas de gibier du tout, pas même de petits impalas. »
« Pendant ce temps-là, des milliers de Noirs pauvres vivent dans des townships surpeuplés à proximité de ces fermes d’élevage de gibier. »
« Pourquoi ces terres ne seraient-elles pas utilisées pour le bien public ? »
M. Malema a déclaré que, s’il le pouvait, aucun citoyen n’aurait le droit de posséder des terres.
« Ma vision est que les agriculteurs sont les gardiens de la terre. Le gouvernement doit posséder toutes les terres et les agriculteurs doivent produire de la nourriture pour le compte de l’État », a-t-il déclaré.
« Il en va de même pour toutes ces personnes, blanches et noires, qui possèdent de nombreuses maisons dans un pays où des millions de personnes vivent dans des cabanes. La loi doit stipuler que les citoyens ont droit à une seule propriété, pas plus. »
Le mantra de M. Malema est : « Donnez les richesses du pays aux pauvres. » Pourtant, celui qui s’autoproclame « communiste pour toujours » ne mentionne jamais qu’il est lui-même très riche, possédant plusieurs grandes demeures et des véhicules de luxe.
M. Malema a déclaré qu’il n’avait « aucun doute » sur le fait qu’il deviendrait « un jour » président.
« Que ce soit maintenant ou plus tard, cela arrivera. Je ne m’en irai pas. J’ai une mission et un destin », a-t-il déclaré.
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