Face aux agressions, les maires se sentent « esseulés » et déplorent que la justice ne soit « pas au rendez-vous ».
De jeunes campeurs qui s’en prennent à un élu, un autre frappé par des fêtards : une année après la mort violente du maire de Signes, des élus subissent toujours des agressions et déplorent que la justice ne soit « pas au rendez-vous ».
« Si nous ne sommes pas aidés par la justice, cela ne sert à rien de se lever le matin pour faire en sorte que la vie communale se passe bien », a affirmé Francis D’Hulst, élu de la localité de Portbail dans la Manche, victime d’une agression jeudi dernier.
Âgé de 70 ans, il avait informé trois campeurs d’une vingtaine d’années qu’un arrêté municipal leur interdisait d’installer leur tente sur le parking de la plage. Il les avait alertés également sur les dangers de faire un feu à proximité d’une pinède en période de sécheresse.
L’un des individus l’a d’abord insulté, puis menacé de mettre le feu à sa voiture, avant de le frapper à la nuque et dans le dos. « Mais c’est le coup porté le lendemain par le parquet qui m’a fait le plus mal », a commenté M. D’Hulst, qui avait porté plainte. Son agresseur n’a écopé que d’un rappel à la loi : « Cette décision de justice est dramatique pour tous les maires », regrette cet élu qui assure avoir reçu de nombreux messages de soutien de la part de ses collègues depuis.
« Nous déplorons que la réponse pénale ne soit pas au rendez-vous »
Pour Agnès Le Brun, vice-présidente et porte-parole de l’Association des maires de France (AMF), le cas Portbail démontre à quel point les maires sont esseulés face à des « actes délictueux ». « Nous déplorons que la réponse pénale ne soit pas au rendez-vous », a-t-elle affirmé, regrettant que les auteurs d’agressions ne répondent pas plus vite de leurs actes devant la justice.
« Cette année, 233 élus ont déjà subi un acte de violence » contre 383 sur l’ensemble de l’an dernier et 361 en 2018, a-t-elle souligné. Des chiffres qu’elle juge d’autant plus « parlants que beaucoup d’agressions ne sont pas déclarées ».
Un an après la mort du maire de Signes, ses agresseurs présumés ne sont pas jugés. La série d’agressions récentes de maires appelle plus que de la compassion mais des actes de gouvernement : justice plus réactive, protection pénale renforcée. Rien n’a changé, rien n’a été fait. https://t.co/rdYEpr0xbe
— AMF | maires de France (@l_amf) August 5, 2020
« Le maire représente l’État dans sa commune »
La semaine dernière, un autre maire, Philippe Becheau, avait aussi été frappé à Saint-Philippe d’Aiguille, une commune de quelque 400 habitants à l’est de Libourne (Gironde), lors d’une intervention contre du tapage nocturne sur la place du village. Face à ce genre de situation, « nous demandons qu’une réponse pénale soit immédiatement apportée et qu’elle soit proportionnée », a affirmé la porte-parole de l’AMF. « Il ne faut pas oublier que le maire représente l’État dans sa commune ».
Ces agressions se sont produites une année après la mort de Jean-Michel Mathieu, maire de Signes, une petite commune du Var, renversé par une camionnette dont il voulait verbaliser les occupants pour avoir jeté des gravats sur le bord de la route. Ce décès violent avait indigné la classe politique et entraîné un renforcement de la protection juridique des maires. Des mesures jugées aujourd’hui insuffisantes par le président (LR) de la commission des Lois du Sénat, Philippe Bas.
Francis D’Hulst, maire de Portbail, a été insulté et frappé dans le dos.
L’agresseur a écopé d’un simple rappel à la loi …Après cette décision, il n’y a plus aucun doute : les racailles sont effrayées par la « justice » et les déclarations répétées de @GDarmanin ! pic.twitter.com/TCdUComxQl
— Tancrède ن (@Tancrede_Crptrs) August 10, 2020
Des sanctions « rapides » et « proportionnées »
Le sénateur de la Manche a écrit au Premier ministre Jean Castex pour lui demander d’aller plus loin afin que « toute forme de violence à l’égard des maires soit sanctionnée de manière rapide et proportionnée ». « Il est également indispensable que la protection fonctionnelle soit systématiquement accordée aux élus victimes de violences, de menaces ou d’outrages, sans qu’il soit besoin d’une délibération préalable du conseil municipal », a-t-il ajouté.
Depuis ma lettre à @JeanCASTEX, un maire de la #Manche à #Portbail a été agressé de dos alors qu’il intervenait pour faire respecter un arrêté. Je suis consterné que sa plainte ait été classée sans suite après simple rappel à la loi. L’Etat doit défendre ses représentants. https://t.co/zamF68F07H
— Philippe Bas (@BasPhilippe) August 9, 2020
En d’autres termes, « il faut une prise en charge automatique des frais de justice par l’État », a expliqué la porte-parole de l’AMF, qui estime que l’épidémie de coronavirus « n’a pas arrangé les choses ». « Toutes les personnes qui sont allergiques aux règles en développent encore plus », a-t-elle constaté.
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