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Agriculture biologique : les microfermes peuvent tirer leur épingle du jeu

décembre 21, 2017 19:22, Last Updated: décembre 21, 2017 19:22
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Tout laisser, acheter un petit lopin de terre à la campagne et se lancer dans l’agriculture biologique, c’est le rêve que sont prêts à vivre de nombreux jeunes adultes aux parcours très divers.

Ce rêve est-il réalisable et peut-on en vivre ? C’est la question à laquelle ont voulu répondre une équipe de chercheurs dans un article publié en novembre 2017 dans la revue scientifique Agricultural Systems.

Principal enseignement de l’étude : les « microfermes » biologiques peu mécanisées peuvent avoir, sur une surface agricole inférieure, un meilleur taux de viabilité que des fermes maraîchères plus mécanisées.

Moins d’1,5 hectare

En Europe et en Amérique du Nord, l’industrialisation de l’agriculture s’est appuyée sur l’exploitation de surfaces de plus en plus importantes pour amortir l’augmentation du coût des nouvelles technologies et des intrants (fertilisants, pesticides, machinisme). Cette industrialisation s’accompagne d’une perte de diversité des cultures, d’une dépendance aux marchés globaux et d’une déconnexion de la production des besoins locaux.

C’est dans ce contexte que l’on observe une popularité croissance des microfermes maraîchères biologiques en France depuis 5 ans (bien que des fermes maraîchères sur de petits espaces aient toujours existé). Ces fermes présentent donc une faible surface (moins de 1,5 hectare, en dessous donc des recommandations officielles), sont très diversifiées (plus de 30 cultures différentes par ferme) et pratiquent une commercialisation en circuits courts (vente directe aux consommateurs avec un intermédiaire maximum).

Elles répondent à un souci de préservation de l’environnement, de stimulation des dynamiques locales via les circuits courts, et de création d’emploi au niveau local.

La microferme, une question de surface, mais pas seulement (AgroParisTech, novembre 2016).

Sortir des standards de l’agriculture

Les microfermes attirent une nouvelle génération, non issue du milieu agricole. Ces nouveaux arrivants ont ainsi été à l’initiative de 30 % des 5000 installations agricoles aidées en France pour 2014 (sur environ 13 000 nouvelles installations au total).

Cherchant à sortir des standards de l’agriculture classique, ils souhaitent avant tout agir pour un monde meilleur et se reconnecter à la nature. 63 % de ces néo-paysans sont attirés par l’agriculture biologique, 58 % par les circuits courts et 23 % par le maraîchage. Cette agriculture est d’autant plus attractive qu’elle requiert peu d’investissements matériels et fonciers.

Pour mieux comprendre le phénomène des microfermes, nous avons choisi de comparer 18 stratégies différentes à l’œuvre dans ces espaces avec pour variables les techniques de production, la commercialisation et l’investissement. Mille simulations ont été réalisées pour chaque scénario grâce au modèle Merlin (Microfarms : an Exploratory Research on Labour and Income), développé à partir des données collectées dans 20 microfermes du nord de la France.

Trois modèles sur le banc d’essai

D’un point de vue technique, trois grands modèles de microfermes ont été considérés, avec des préoccupations écologiques et une recherche d’optimisation de l’espace croissantes :

Le système classique qui consiste à reproduire en maraîchage biologique diversifié (de 30 à 50 espèces différentes dans une exploitation) les logiques des fermes industrielles pour la mécanisation (tracteur pour la plupart des tâches culturales) et l’utilisation d’intrants du commerce. Ce modèle technique permet de limiter le temps de travail par unité de surface, mais ses coûts de production élevés le rendent moins viable économiquement que les deux autres systèmes quand il est appliqué à une petite surface. En effet, la faible surface ne permet pas de produire suffisamment pour amortir ses charges (mais ce système peut être cohérent et pertinent sur des surfaces plus élevées). De plus, même si la mécanisation des exploitations signifie moins de travail pour les agriculteurs, l’espace laissé aux machines fait perdre de la densité aux cultures, favorise le développement des mauvaises herbes et requiert des interventions de désherbage plus fréquentes.

Le système bio-intensif qui, en plus de diversifier les cultures, limite sa dépendance aux intrants industriels par des pratiques écologiques (engrais verts, compostage, paillage, etc.) et limite l’emploi de la mécanisation uniquement au travail du sol. Dans les hypothèses de l’étude, il s’agit du système le plus productif et le plus viable de tous. Il donne en effet les meilleurs rendements par heure de travail avec de faibles coûts de production. Soit une plus grande marge pour le producteur.

Le système manuel s’inspire de la permaculture et limite au maximum l’utilisation des produits pétroliers (pas d’intrant du commerce ni de mécanisation) par des pratiques écologiques. Dans ce système, la contrepartie est l’augmentation du travail manuel et donc une plus faible productivité par heure de travail. Cependant, comme pour le système bio-intensif, l’économie des coûts technologiques permet une plus importante viabilité que dans le système classique.

Les bons résultats des systèmes manuel et bio-intensif pourraient même s’améliorer avec l’expérience de l’agriculteur et la mise en place de stratégies différenciées en fonction des cultures. Par exemple, il pourrait être judicieux d’utiliser une agriculture manuelle pour des cultures à haute valeur ajoutée (par exemple les jeunes pousses de salade) et une agriculture plus mécanisée pour les produits à faible valeur ajoutée sur de grands espaces (par exemple les pommes de terre).

Et en ville ?

Un investissement initial minimal est nécessaire pour augmenter les chances de viabilité d’une microferme. Ainsi, d’après l’étude, les jeunes fermiers qui choisissent de construire eux-mêmes leurs équipements à partir de matériaux recyclés diminuent la viabilité de leur exploitation les premières années : le temps consacré à l’autoconstruction pourrait plutôt être consacré à leur exploitation.

À chaque paysan de trouver un sage compromis entre l’autoconstruction (qui peut répondre à une volonté d’autonomie et de recyclage) et le recours à un minimum d’investissement (emprunts) pour s’équiper de manière satisfaisante.

Les microfermes sont un sujet d’intérêt grandissant pour les villes où les espaces disponibles sont limités. Quand le maraîchage classique nécessite au moins 15 000 m2 pour faire vivre un agriculteur, les microfermes n’ont besoin que de 2000 à 8000 m2. Une économie d’espace de 10 000 m2 en moyenne, qui peuvent être dédiés à d’autres productions complémentaires au maraîchage (fruitiers, miel, petit élevage), à des engrais verts ou à la biodiversité.

Les possibilités de réussite des microfermes en milieu urbain restent cependant à explorer, car la ville peut apporter un grand nombre de contraintes supplémentaires (pollution des sols, contrainte foncière, vols).

Soutenir ces nouveaux agriculteurs

Ce travail de recherche montre donc qu’il est possible d’atteindre un certain niveau de viabilité sur des surfaces inférieures à ce qui était recommandé en utilisant des pratiques alternatives.

Néanmoins, si les microfermes présentent de réels atouts, atteindre un revenu satisfaisant reste un vrai défi comme dans n’importe quelle ferme, et ce surtout pendant la phase d’installation ! Les difficultés sont réelles et la situation des microfermes maraîchères biologiques ne doit pas être idéalisée. D’ailleurs, elles font l’objet de vives controverses : si pour certains, elles incarnent l’émergence d’une nouvelle agriculture plus durable, pour d’autres, elles restent des initiatives anecdotiques et utopiques qui n’auront que peu d’impact sur le paysage agricole français. Des recherches sur le terrain sont actuellement en cours pour mieux documenter ce débat.

Dans tous les cas, les microfermes permettent à un nombre croissant de jeunes agriculteurs, non issus du milieu agricole, de se lancer en agriculture, ce qui recrée des dynamiques dans les territoires et peut participer à un changement des mentalités. Pour que ce changement puisse avoir un impact à plus grande échelle, il est nécessaire qu’un dialogue sans préjugés mutuels puisse s’établir entre ces néo-paysans et les agriculteurs en place.

Et il serait aussi nécessaire de s’interroger sur des changements politiques plus profonds qui permettraient à de jeunes agriculteurs de s’installer sur des surfaces plus importantes avec d’autres productions (céréales, élevage) en favorisant l’accès au foncier et à l’investissement (emprunts), pour que les nouveaux installés n’aient pas à se contenter des miettes de foncier comme c’est encore trop souvent le cas.

Kevin Morel, Docteur en sciences agronomiques. Chercheur en agroécologie, Université Catholique de Louvain; François Léger, Enseignant-chercheur en agroécologie, Agro ParisTech – Université Paris-Saclay et Magali San Cristobal, Directrice de recherche en biostatistiques, INRA

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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