ENTRETIEN – José Perez est président de la Coordination rurale (CR) du Lot-et-Garonne. Il revient pour Epoch Times sur la situation du monde agricole en France et ses attentes.
Epoch Times : Comment avez-vous réagi à la nomination de Michel Barnier à Matignon début septembre ? Il a été ministre de l’Agriculture sous Nicolas Sarkozy.
José Perez : Pour être honnête, je ne le connaissais pas avant qu’il soit nommé Premier ministre. Effectivement, il était en charge de l’Agriculture à l’époque de Nicolas Sarkozy, mais son bilan n’a apparemment pas marqué les esprits… Même des gens beaucoup plus âgés que moi ne se souvenaient pas de lui !
Au sujet de ce qu’il va faire, je ne me fais pas d’illusions. Il a le même profil que ses prédécesseurs. Rien n’a été fait avant, je ne vois pas ce qui va changer aujourd’hui.
La nomination de la LR Annie Genevard au poste de ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt est-il, selon vous, un signal positif envoyé au monde agricole ?
Non, pas du tout. Bien au contraire ! On se moque de nous ! Je n’ai rien contre les enseignants, mais nommer une professeure de lettres classiques au poste de ministre de l’Agriculture a de quoi surprendre. Pourquoi nomment-ils des personnalités qui ne maîtrisent pas les sujets agricoles qui sont très particuliers ? Il faudra certainement tout lui expliquer. C’est insupportable…
Depuis le début du mouvement de protestations, nous ne faisons que de nous répéter. Et là, nous allons devoir recommencer avec madame Genevard. À la fin, c’est exténuant.
Néanmoins, on peut lui accorder le bénéfice du doute, on ne la connaît pas. Elle va peut-être changer certaines choses, mais cela m’étonnerait quand même.
Quelles sont aujourd’hui les principales attentes des agriculteurs ?
Il existe aujourd’hui au niveau européen une concurrence complètement déloyale. Par exemple, nos voisins agriculteurs italiens et espagnols ne travaillent pas avec les mêmes normes que nous. Même chose sur les produits de protection des cultures. Des produits qui sont interdits en France sont autorisés ailleurs en Europe…
Ce n’est pas tenable. En France, on cherche toujours à laver plus blanc que blanc, à vouloir faire mieux que les autres alors que l’agriculture française est la plus propre d’Europe, voire certainement du monde.
Et en France, le coût de la main-d’œuvre est beaucoup plus élevé que dans le reste de l’Europe. En matière de charges financières, on a atteint le double de l’Espagne. Sans compter la taxe sur les pesticides qui est également élevée. Le Premier ministre a annoncé une revalorisation du SMIC de 2 %. C’est très bien ! Les salariés doivent être correctement payés, mais aujourd’hui on n’y arrive plus avec la pression fiscale qui s’exerce sur nous, et le prix du carburant et de l’électricité.
En parallèle de la lourdeur des charges sociales, il y a évidemment la problématique des prix de ventes qui demeurent bien trop bas. Si on arrivait à produire avec des charges moindres, on pourrait maintenir les prix actuels, mais ce n’est malheureusement pas le cas.
On nous parle également de simplification à longueur de journée, et en même temps, on nous rajoute des contraintes, notamment des contrôles de l’administration. On n’y arrive plus.
Ce mercredi, Michel Barnier recevait la FNSEA à Matignon. La CR va-t-elle être reçue par le gouvernement ?
Oui, notre présidente, Véronique Le Floc’h a déjà été reçue pour porter nos revendications.
Mais le problème n’est plus d’ordre syndical. Il est agricole. Vous pouvez parler avec n’importe quel agriculteur, peu importe son syndicat, il vous dira exactement la même chose : il va vous parler des normes, des prix, des charges sociales, etc.
Êtes-vous prêt à relancer le mouvement de colère de l’an dernier si le gouvernement ne répond pas à vos attentes ?
Bien sûr ! On est en train de s’y préparer activement. Des collègues de différents départements m’ont déjà appelé pour voir quand nous allons repartir. Mais nous sommes encore dans le temps des récoltes. Nous devons les rentrer et si on peut, réimplanter nos blés. Vous savez, beaucoup d’agriculteurs ne pourront même pas repartir sur une nouvelle année culturale parce que financièrement, ça devient très difficile.
C’est la raison pour laquelle la ministre de l’Agriculture a un mois pour se mettre au travail et annoncer des mesures concrètes qui puissent aller dans le bon sens pour le monde agricole.
Jusqu’au mois de novembre, elle a le temps pour reprendre les dossiers et agir. Mais si dans un mois, nous constatons que rien n’a changé, nous nous mobiliserons. Beaucoup d’agriculteurs n’ont plus rien à perdre. Ils seront 30 % à ne pas pouvoir solder leurs dettes à la fin de l’année. C’est énorme.
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