Apposé sur la face avant des emballages des aliments, le logo nutritionnel Nutri-score à cinq couleurs permet aux consommateurs de juger de la qualité nutritionnelle globale des aliments, afin de les aider à orienter leurs choix au moment de l’achat vers les alternatives de meilleure qualité nutritionnelle.
S’appuyant sur des bases scientifiques solides, le Nutri-score a récemment été mis à jour pour être plus performant et plus en accord avec les recommandations nutritionnelles les plus récentes.
Il n’est cependant toujours pas obligatoire, du fait de la réglementation européenne. Mais les choses pourraient changer. En effet, dans le cadre de sa stratégie « Farm to fork », la Commission européenne s’est engagée en 2020 à changer sa réglementation sur l’information des consommateurs. Elle s’est engagée à proposer, d’ici 2023, un logo d’information nutritionnelle obligatoire à l’échelle de toute l’Union européenne.
Mais cette annonce n’est pas du goût de tous : certains lobbys industriels très actifs depuis la première proposition du Nutri-score par les scientifiques, en 2014, poursuivent leur mobilisation pour empêcher son adoption au niveau européen. Et ce, en dépit des arguments scientifiques qui démontrent clairement la supériorité de ce logo sur les alternatives proposées.
Une efficacité scientifiquement établie
De très nombreuses études scientifiques réalisées au cours des dernières années ont permis de valider l’algorithme qui sous-tend le calcul du Nutri-score et de démontrer son efficacité pour aider les consommateurs à orienter leur choix vers des aliments de meilleure qualité nutritionnelle et donc plus favorable à leur santé.
Plus d’une centaine d’études ont été publiées depuis 2014 démontrant l’intérêt de ce logo, en particulier pour les populations défavorisées, ainsi que ses performances supérieures par rapport aux autres logos.
C’est également ce que conclut le rapport du Centre commun de recherche européen (JRC) de la Commission européenne : les consommateurs, y compris ceux à faibles revenus, préfèrent les logos simples, colorés et évaluatifs (comme Nutri-score) par rapport aux logos monochromes non évaluatifs plus complexes (comme le Nutrinform proposé par l’Italie comme alternative au Nutri-score).
Par ailleurs, le Nutri-score évolue régulièrement pour améliorer ses performances et prendre en compte les évolutions les plus récentes en matière de nutrition, comme le montre sa dernière mise à jour.
Un Nutri-score mis à jour pour être plus performant
La récente mise à jour de l’algorithme du Nutri-score par un comité scientifique composé d’experts européens indépendants a permis de corriger certaines des « limites » identifiées depuis sa mise en place et d’améliorer encore sa cohérence avec les recommandations nutritionnelles actuelles de santé publique.
– Modifications pour les aliments solides :
- Les produits riches en sel ou en sucre sont finalement classés moins favorablement ;
- Les céréales de petit déjeuner à teneur relativement élevée en sucre ne peuvent plus être classées A et passent en C ;
- Les produits laitiers sucrés sont moins favorablement classés ;
- Les pains complets sont principalement classés A alors que les pains raffinés se répartissent entre B et C (selon leur teneur en sel) ;
- L’huile d’olive passe en B ainsi que les huiles végétales à faible teneur en acides gras saturés (colza, noix, tournesol oléique). L’huile de tournesol passe en C. Les autres produits de la catégorie demeurent inchangés ;
- Les noix et graines sans sel ni sucre ajoutés, sont classées en A ou B, alors que les versions salées et/ou sucrées sont en moyenne en C ou même D ;
- Les plats composés (plats prêts-à-manger, pizzas, etc.) passent en moyenne des classes A/B aux classes B/C ou même D pour certaines catégories de produits notamment les pizzas ;
- Les fromages à pâte dure à faible teneur en sel (type Emmental) sont maintenant classés C ; les autres fromages restent D ou E en fonction de leur contenu en sel et en acides gras saturés ;
- La viande rouge est moins bien classée et se retrouve globalement dans des classes de notes inférieures à celles de la volaille et du poisson.
– Modifications pour les boissons :
- Les laits de vache écrémés et partiellement écrémés sont en majorité classés B et le lait entier C ;
- Les boissons lactées sucrées (laits aromatisés), ne peuvent plus être A ou B et se retrouvent principalement en D et E (certains à faible teneur en sucre en C) ;
- Les boissons fermentées à base de lait (incluant les yogourts à boire sucrés et aromatisés) ne peuvent plus être A et sont différenciées en fonction de la teneur en sucre entre C et E ;
- Les cacaos et cafés en poudre sont inclus comme boissons pour le calcul de leur Nutri-score si leur déclaration nutritionnelle est indiquée comme consommée (c’est-à-dire après reconstitution avec du lait ou de l’eau) plutôt que comme vendue et se retrouvent moins bien classées ;
- Les boissons à base de plantes (soja, amande, avoine, riz…) ne sont plus classées en A comme actuellement mais se distribuent entre B e E ;
- Les boissons sucrées avec des quantités très limitées de sucre (<2 g/100mL) passent en B, tandis que celles avec des quantités élevées de sucre sont maintenues en D/E ;
- Les boissons contenant des édulcorants sont pénalisées et se trouvent classées au moins en C (voire D ou E si elles contiennent des édulcorants et du sucre).
Récemment, 320 scientifiques et professionnels de santé ont publié un rapport reprenant l’ensemble des arguments scientifiques robustes en faveur du Nutri-score. Ils y pointent également la forte demande sociétale justifiant le choix du Nutri-score au niveau européen.
Un logo largement soutenu
Sur la base des données scientifiques probantes, de nombreuses associations scientifiques et sociétés savantes européennes ont apporté leur soutien à l’adoption du Nutri-score en Europe, notamment l’European Public Health Association (EUPHA), l’European Childhood Obesity Group (ECOG), l’European Heart Network (EHN), l’European Academy of Paediatrics, United European Gastroenterology…
C’est également le cas pour de nombreuses associations de consommateurs (en particulier le Bureau européen des Unions de Consommateurs (BEUC), qui regroupe 46 organisations de consommateurs de 32 pays européens) ainsi que de nombreuses ONG.
Dans le même sens, la consultation publique lancée à l’initiative de la CE entre décembre 2021 et mars 2022 a montré que la majorité des organisations de consommateurs et des ONGs, les citoyens, les institutions de recherche et d’éducation et les autorités de santé publique soutiennent massivement un logo nutritionnel qui fournit des informations graduelles sur la qualité nutritionnelle globale des aliments. Ce qui correspond totalement aux caractéristiques du Nutri-score.
Malgré tout, certaines certaines grandes firmes refusent toujours de l’afficher sur leurs produits, et militent pour éviter la Commission ne l’adopte.
Un intense lobbying anti-Nutri-Score
Dès la naissance du Nutri-score et sa proposition, en 2014, par les scientifiques, de puissants lobbys qui ont tenté de bloquer sa mise en place. A l’issue d’une bataille qui a duré près de 4 ans, ce logo a finalement été adopté en France et dans six autres pays européens, mais sur une base volontaire. La réglementation européenne empêche en effet les états-membres de rendre obligatoire un logo d’information nutritionnelle.
Si aujourd’hui plus de 900 marques en France l’ont adopté (ce qui correspond à 60 % du marché alimentaire), il n’est que facultatif et certaines grandes firmes refusent toujours de l’afficher sur leurs produits.
À l’origine des pressions anti-Nutri-Score, on retrouve plusieurs grandes entreprises alimentaires qui s’opposent depuis toujours à son implémentation (Ferrero, Lactalis, Coca-Cola, Mars, Mondelez, Kraft…) ainsi que certains secteurs agricoles, notamment ceux du fromage et des charcuteries et leur puissante représentation européenne (COPA-COGECA).
Leurs actions de lobbying sont relayées au niveau des structures européennes par divers partis politiques et des politiciens, et surtout par le gouvernement italien (particulièrement depuis les dernières élections italiennes) instrumentalisant Nutri-score comme un complot de l’Europe contre les produits « made in Italy ».
Bien que ce lobbying s’appuie sur des arguments non scientifiques, il semble avoir été suffisamment efficace pour amener la Commission européenne à ne pas tenir ses engagements concernant le calendrier de l’évolution de la réglementation européenne concernant l’étiquetage nutritionnel des aliments.
En outre, les déclarations de certains de ses représentants laissent entendre que la Commission pourrait finalement ne pas retenir le Nutri-score comme logo nutritionnel obligatoire pour l’Europe, considérant qu’il serait trop « polarisant ».
Il est pourtant clair que le Nutri-score dans sa version mise à jour est un moyen simple et efficace d’aider les consommateurs à tendre vers des choix alimentaires plus favorables sur le plan nutritionnel. Ce faisant, ils réduisent leur risque de développer bon nombre de maladies chroniques liées à la nutrition (obésité, maladies cardiovasculaires, diabète, certains cancers…), lesquelles constituent des problèmes de santé publique don le coût humain, social et économique majeur n’est plus à démontrer.
Espérons donc que la Commission européenne prendra en considération les données issues de la science pour motiver une décision en faveur de la santé publique plutôt que de la défense d’intérêts économiques ou politiques.
Article écrit par Serge Hercberg, Professeur Émérite de Nutrition Université Sorbonne Paris Nord (Paris 13) – Praticien Hospitalier Département de Santé Publique, Hôpital Avicenne (AP-HP), Equipe de Recherche en Épidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm, Inra, Cnam, Université Sorbonne Paris Nord; Amandine Garde, Professor of Law, University of Liverpool; Chantal Julia, Maitre de Conférence Université Paris 13, Praticien Hospitalier, Hôpital Avicenne (AP-HP), Équipe de Recherche en Épidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm, Inra, Cnam, Université Sorbonne Paris Nord; Mathilde Touvier, Directrice de l’Équipe de Recherche en Épidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm, Inra, Cnam, Université Sorbonne Paris Nord, Inserm et Pilar Galan, Médecin nutritionniste, Directrice de Recherche INRAe, Équipe de Recherche en Épidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm, Université de Paris, Université Sorbonne Paris Nord, Cnam, Inrae.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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