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Allemagne : une exposition sur la mode musulmane suscite la polémique

avril 5, 2019 12:57, Last Updated: avril 5, 2019 12:57
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Après un passage au De Young Museum de San Francisco, l’exposition Contemporary Muslim Fashions s’installe au musée des Arts appliqués de Francfort, en Allemagne. Un événement qui suscite la polémique outre-Rhin.

À compter du 5 avril, le musée des Arts appliqués de la ville de Francfort accueille une exposition consacrée à la mode musulmane contemporaine. Un événement dont la promotion a été assurée par le biais de clichés de la série Al-Kouture du photographe américano-irakien Wesaam Al-Badry.

Parmi les photos utilisées pour faire la publicité de l’exposition, des portraits de femmes arborant des niqabs colorés dessinés par de prestigieuses griffes occidentales comme Chanel ou Valentino, qui ne laissent apparaître que les yeux des femmes qui les portent.

De quoi susciter l’ire du journal local, le Frankfurter Allgemeine Zeitung, un des quotidiens les plus lus en Allemagne.

« Une gifle aux petites filles et aux femmes du monde entier »

« Nous ne sommes pas pour l’oppression des femmes ici, mais on peut accepter un peu d’oppression symbolique si les voiles sont colorés et suivent la mode ? », écrit le journal dont les propos ont été relayés par Courrier international.

Dans une tribune intitulée La tolérance nous rend aveugle, le quotidien hessois condamne les « inquiétants dérapages » auxquels la volonté de faire la promotion d’une société multiculturelle conduirait selon lui :

« L’exposition plaide pour une dépolitisation du vêtement, or celui-ci n’est justement pas qu’une mode. Adoptant la perspective occidentale qu’ils entendent précisément remettre en question, les défenseurs de la diversité culturelle aiment à clamer haut et fort : c’est juste différent de ce qui se fait chez nous, pas mauvais en soi ! »

Plusieurs féministes sont également montées au créneau, l’organisation Terre des femmes n’hésitant pas à affirmer que l’exposition représentait « une gifle aux petites filles et aux femmes du monde entier », d’après les propos rapportés par Der Spiegel.

Journaliste et militante féministe originaire d’Iran, Monireh Kazemi a également fustigé la décision d’accueillir l’exposition incriminée : « En Iran, nous devons porter le voile. Nous savons par expérience ce que c’est que de devoir, contre sa volonté, se couvrir le corps et se voiler la tête. »

« Le marché de la mode islamique est en pleine croissance »

Conservatrice du musée des Arts appliqués de Francfort-sur-le-Main, Jill d’Alessandro a tenté de justifier la tenue de cet événement controversé : « La mode peut être vectrice de changement positif, de compréhension, et réduire certaines barrières à néant. »

« L’exposition se concentre sur un type de robes à la mode et modestes afin de montrer l’éventail de choix dont disposent les nombreuses femmes musulmanes », a-t-elle ajouté.

« Par ‘modeste ’, il faut ici comprendre la mode ’décente’ ou ‘pudique’, dans laquelle se lancent de plus en plus de marques : Uniqlo, H&M, Dolce&Gabbana… et de grands créateurs », écrit le journal Le Point.

De fait, la mode musulmane représente un marché de plusieurs milliards d’euros qui ne laisse évidemment pas les marques indifférentes.

« Le marché de la mode islamique est en pleine croissance. Les musulmanes ont consacré 44 milliards de dollars à la mode en 2016 et 2017, soit un sixième des achats de vêtements de tous les musulmans », souligne le Süddeutsche Zeitung.

« Des marques comme DKNY coordonnent leurs campagnes avec le ramadan. Harrods de Londres a lancé le Harrods Hajj pour donner le coup d’envoi de la saison des pèlerinages. Des blogueuses, vlogueuses et influenceuses comme l’Indonésienne Dian Pelangi comptent des millions de followers. Des plateformes comme le site turc Modanisa et The Modist de Dubaï font du port du voile une tendance », poursuit le journal bavarois.

« On en sort de bonne humeur »

S’il regrette que l’exposition n’insiste pas davantage sur l’ambiguïté du voile, le Süddeutsche Zeitung se veut nettement moins critique que son homologue francfortois. « Malgré tout, l’exposition se veut une vitrine de l’auto-affirmation des femmes et de l’imagination féminine. Elle y parvient très bien à plus d’un égard », écrit-il.

« Quand on tombe sur les vêtements de Nurzahra, dont les combinaisons de plusieurs couches réinterprètent de façon totalement nouvelle les motifs bleu et blanc des anciens colons néerlandais, on se demande pourquoi des modèles de ce type ne sont pas dans un musée depuis longtemps », ajoute le quotidien munichois.

Un point de vue partagé par Der Spiegel : « On en sort de bonne humeur. On peut voir des robes, des tenues de stylistes du monde entier. Pas de burqa, pas de voile intégral, pas de cage de textile noir. Il s’agit davantage de réponses fières à la contrainte et à l’uniformité. On combine, on cite, on associe, on parodie et on usurpe. »

Ouverte au public à partir du 5 avril, l’exposition se tiendra au musée des Arts appliqués de Francfort jusqu’au 15 septembre 2019 avant de rallier Rotterdam puis New York. Avant même le vernissage, le musée francfortois a reçu plusieurs lettres de menaces et a dû se résoudre à renforcer les contrôles à l’entrée pendant toute la durée de l’exposition afin d’assurer la sécurité des visiteurs et des employés.

« Le voile, comme toutes les modes ‘islamiques’, est chargé d’ambivalence : il est émancipateur pour l’une, oppresseur pour l’autre. Une femme qui porte le voile en Allemagne fait peut-être passer un message politique, sa coreligionnaire qui vit en Irak ou au Yémen ne fait que céder à la pression sociale. C’est surtout vrai pour les femmes pauvres, il est déprimant de constater que les élites aisées, éduquées, cosmopolites peuvent se permettre bien plus de choses », conclut le Süddeutsche Zeitung.

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