ENTRETIEN – L’essayiste Julien Rochedy analyse pour Epoch Times l’alliance nouée entre l’aile ciottiste des Républicains et le Rassemblement national en vue des élections législatives anticipées.
Epoch Times : Le président des Républicains Éric Ciotti a annoncé il y a deux semaines une alliance avec le RN, comment avez-vous réagi à la constitution de cette union ?
Julien Rochedy : Cela fait des années, voire des dizaines d’années, que cette alliance se fait attendre. La gauche réussissait souvent à se réunir pour gagner électoralement, mais la droite était jusqu’à présent dans l’impossibilité de répliquer. En cause, une diabolisation à l’extrême du RN, anciennement FN, qui sortait ce parti du fameux « arc républicain ». Autrement dit, nous assistions à une supercherie hypocrite qui permettait à un parti de présenter des candidats et de participer à la démocratie tout en étant pourtant dans l’interdiction de nouer des alliances.
Ceci n’avait pas de sens. Soit le FN/RN devait être interdit pour cause d’extrémisme et de non-respect des principes républicains, soit il était autorisé, car parfaitement légal et légitime, et donc devait pouvoir participer au jeu électoral normal qui consiste à créer des majorités via des alliances. La décision d’Éric Ciotti met enfin un terme à cette situation ubuesque. Il la clarifie et enterre une anomalie qui faisait le jeu de la gauche depuis des années. Désormais, la droite peut présenter un front commun. Enfin !
Comment qualifieriez-vous cette alliance LR-RN sur le plan idéologique ?
En réalité, la distance idéologique entre LR et le RN n’a eu de cesse de se réduire. Du côté de LR, la sensibilité identitaire, sécuritaire et anti-immigration est devenue de plus en plus prégnante. Du côté du RN, on assiste — en particulier ces dernières semaines — à une révision du programme pour le rendre plus conservateur et moins populiste. Les aspects socialistes et antieuropéens sont lissés pour convenir davantage à un public de droite classique, âgé et bourgeois.
Dans l’exercice du pouvoir, on sent bien qu’un Jordan Bardella ne tenterait aucune aventure politique et économique folle : le temps des promesses démagogiques irréalisables s’éloigne à mesure que le pouvoir et ses responsabilités se rapprochent. Ainsi, avec un LR plus identitaire et un RN plus conservateur, les deux mouvements ont des connivences idéologiques de plus en plus marquées.
Les LR ciottistes et le RN parviendront-ils à surmonter durablement leurs divergences sur les questions économiques et de politique étrangère ?
Comme je vous le disais, je crois qu’il y aura de moins en moins de divergences. Qu’on le veuille ou non, la France a toujours besoin, selon le mot de Giscard d’Estaing, « d’être gouvernée au centre », et ce, pour une raison très simple : la moyenne d’âge de la population, et tout particulièrement celle des électeurs.
Le RN ne devra sa réussite et sa survie électorale qu’à sa capacité à faire tomber dans son escarcelle une grosse partie des retraités. Ceux-là sont prêts à des politiques plus énergiques sur l’immigration et l’insécurité, mais je doute qu’ils soient prêts à une révolution dans le domaine économique et en politique étrangère. Sans ces électeurs-là, le RN perdra les élections, et cela conditionnera nécessairement sa politique.
Selon un sondage de l’IFOP, le RN et ses alliés LR seraient en mesure d’obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Quelle est votre analyse ?
Je crois que le bloc « de droite » LR-RN est promis à un grand avenir. La droite ne peut plus se passer du RN, trop fort électoralement, et le RN ne peut pas se passer de LR pour gouverner. Les mécanismes démographiques et mondiaux font que la France souhaite un pouvoir conservateur et autoritaire qui sera parfaitement représenté par cette alliance.
Avec celle de la gauche qui, en face, a créé le Nouveau Front Populaire, nous entrons donc dans une nouvelle séquence de bipolarisation politique droite-gauche qui sera extrêmement claire et qui durera au moins dix ou quinze ans selon moi. Donc oui, cette droite peut avoir dès le 7 juillet une majorité absolue, et diriger le pays pendant longtemps.
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