Sophie Lavaud, 55 ans, devenue lundi dernier la première Française tous genres confondus à avoir grimpé les quatorze montagnes de plus de 8.000 m au monde, est une femme discrète mais tenace, lancée dans l’alpinisme sur le tard.
« Je suis encore dans l’ambiance de l’expédition, un état de fatigue immense… mais au fond de moi je commence à savourer », s’est réjouie jeudi la quinquagénaire blonde auprès de l’AFP depuis le camp de base du Nanga Parbat (Pakistan), sommet qu’elle a gravi quelques jours plus tôt.
Se décrivant d’une voix timide comme une « femme ordinaire », Sophie Lavaud est pourtant entrée, grâce à son ascension, dans un cercle réservé aux légendes de l’Himalayisme : celui de ceux ayant atteint le sommet des 14 montagnes les plus hautes du monde.
Ils sont une quarantaine à pouvoir s’en vanter, dont une petite poignée seulement de femmes. Pas de quoi faire tourner la tête de cette ancienne cheffe d’entreprise dans l’événementiel, qui a quitté son emploi en 2015 pour se consacrer à son ambition.
Un rêve qui est venu petit à petit
« Je ne réalise pas vraiment. Le projet a d’abord été un rêve qui est venu petit à petit (…) A la base, c’était une expédition après l’autre et ensuite on verra », se souvient Sophie Lavaud.
Contrairement à Reinhold Messner, montagnard italien ayant été le premier à avoir gravi les quatorze « 8.000 », la jeune Sophie, née à Lausanne et détentrice d’une triple nationalité (française, canadienne et suisse), n’a pas passé son enfance à crapahuter entre les cimes, préférant se consacrer à la pratique de la danse classique.
« Il n y a pas d’alpiniste dans la famille mais mes parents aimaient la montagne et le ski et nous avions, enfant, un appartement dans la vallée de Chamonix », raconte-t-elle quand on l’interroge sur sa découverte de l’alpinisme.
En 2004, une expédition entre amis la mène au sommet du Mont Blanc, plus haut sommet d’Europe (4.810 mètres). Elle s’y découvre une passion dévorante pour les hauteurs.
« Très vite, j’ai été attirée par la très haute altitude, j’aime l’aventure qui s’inscrit dans chaque expédition, j’aime les pays, les villages qu’on traverse, les rencontres, la vie sur les camps de base, définir une stratégie d’ascension, partager avec les autres membres d’expédition », détaille Sophie Lavaud.
Huit ans à atteindre son premier « 8.000 »
A son rythme, elle va mettre quasiment huit ans à atteindre son premier « 8.000 », le Cho Oyu, un sommet tibétain, avant de conquérir l’Everest en 2014, où l’idée de collectionner les quatorze va germer.
« C’est un projet qu’elle n’avait pas elle-même prémédité mais qui s’est presque imposé, sommet après sommet », commente l’alpiniste François Damilano, qui a réalisé plusieurs documentaires sur les exploits de son amie.
« Elle n’est pas une professionnelle de la montagne, elle ne sort pas du sérail de la performance (…) c’est une vraie passion de la haute altitude qui a fait basculer sa vie », estime-t-il.
Et qui aurait aussi bien pu la lui enlever… Nombreux sont les grands noms de l’alpinisme français à avoir péri en tentant d’aller au bout d’un tel exploit comme Pierre Béghin, Benoît Chamoux, Chantal Mauduit ou encore Jean-Christophe Lafaille.
Un monde dangereux et très exigeant pour le corps
« Il ne faut pas se tromper c’est un monde dangereux et très exigeant pour le corps. J’y ai perdu plusieurs amis », insiste Sophie Lavaud, « soulagée » d’en avoir terminé.
« Elle a toute les qualités d’un bon himalayiste: détermination, tempérance, résilience. Mais le doute est omniprésent chez Sophie. Après 13 sommets réussis, elle ne savait pas si elle était capable de gravir le Nanga Parbat », se remémore François Damilano.
« C’est peut-être aussi cette sincère humilité qui lui permet de terminer ce challenge sans aucune blessure, sans la moindre gelure, sans la moindre opération de secours », estime-t-il.
L’adage dit qu’il faut se fixer un objectif plus haut que le précédent pour continuer à avancer, pour Sophie Lavaud c’est désormais une impossibilité.
« Mais ce que j’aime c’est l’aventure autour de ces grandes montagnes et les pays qui invitent au voyage. Il n’est pas nécessaire d’aller à 8.000 mètres pour avoir du plaisir », précise l’apiniste. Son aventure n’est donc pas près de se terminer.
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