ÉTATS-UNIS

ANALYSE : Avortement, services aux personnes transgenres, communion : comment l’Église catholique et ses dirigeants changent de cap

août 25, 2023 10:27, Last Updated: août 25, 2023 10:27
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Certaines membres de la communauté religieuse s’inquiètent de voir que d’importantes forces au sein de l’église catholique s’associent à des groupes épousant une idéologie radicalement pro-avortement et pro-transsexuelle. L’église catholique s’est par exemple rapprochée d’une organisation qui propose des opérations chirurgicales pour transsexuels et des prestations d’avortement. L’Église a également révisé sa politique concernant les personnes qui peuvent recevoir la communion.

Selon Michael Hichborn, président de l’Institut Lepanto, « il y a une tentative de transition » de la part de l’Église.

Comme il l’explique son site Internet, « l’Institut Lépante pour la restauration de toutes choses dans le Christ est une organisation de recherche et d’éducation dédiée à la défense de l’Église catholique face aux assauts venant de l’extérieur et de l’intérieur ».

Michael Hichborn, président de l’Institut Lepanto (avec l’aimable autorisation de l’Institut Lepanto).

Avortement

Le changement le plus étonnant au sein de l’Église catholique concerne peut-être l’avortement. Bien que la position officielle de l’Église sur l’avortement n’ait pas changé, les critiques soulignent une nouvelle volonté de la part de personnes haut placées dans l’Église de soutenir des compromis de rapprochements avec des organisations ou des personnes en faveur de l’avortement.

Dans un exemple récent, un grand réseau catholique de soins de santé s’est associé à une organisation de santé pour femmes qui affiche publiquement sa volonté de développer des services d’avortement.

CommonSpirit Health est le plus grand réseau catholique de soins de santé au monde et le deuxième plus grand système hospitalier à but non lucratif aux États-Unis.

Selon un rapport de l’Institut Lepanto en date du 14 août, CommonSpirit s’est associé à Tia Women’s Health, un prestataire de services d’avortement médicamenteux à domicile.

CommonSpirit a annoncé son partenariat avec Tia Women’s Health le 31 mars 2021, et a qualifié l’union de « premier partenariat du genre pour créer une nouvelle porte d’entrée vers les soins de santé pour les femmes ».

Annonce du partenariat entre CommonSpirit Health et Tia Women’s Health le 13 mars 2021. (Rapport de l’Institut Lepanto/capture d’écran).

Comme l’explique le communiqué de presse, « le pilote initial Tia-CommonSpirit » sera suivi de la construction d’une clinique à Phoenix « avec des expansions en Arizona [et ailleurs] au cours des prochaines années. »

Le « Centre d’aide Ask Tia » explique que, « en établissant des partenariats, Tia peut se développer et ainsi atteindre plus de personnes et plus d’États, élargir les régimes d’assurance que nous acceptons, essentiels pour accéder à nos services, et ainsi permettre à nos patients d’avoir un accès transparent à des soins spécialisés et à des hôpitaux de premier plan, en commençant par l’Arizona. »

CommonSpirit a également un représentant au sein du « Conseil consultatif sur la diversité, l’équité et l’inclusion » de Tia.

Son nom est Dr. Marijka Grey. Ses posts X reflètent un plaidoyer constant en faveur des politiques de diversité, d’équité et d’inclusion.

Membres du Conseil consultatif sur la diversité, l’équité et l’inclusion de Tia Health (Capture d’écran/Rapport de l’Institut Lepanto d’août 2023).

Dans une déclaration de CommonSpirit datée du 31 mars 2021, Carolyn Witte, cofondatrice et PDG de Tia, est citée comme déclarant que CommonSpirit est « le partenaire idéal » pour aider Tia à étendre son « modèle » au niveau national et lui permettre d’être reconnue pour « son excellence clinique et son engagement de premier plan dans l’industrie de l’équité en matière de santé ».

Le 6 mai 2022, « Ask Tia » a annoncé qu’il fournirait « des services d’avortement médicamenteux à distance dans les États où nous opérons et où il est légal de le faire (actuellement la Californie et New York) ».

Le 24 juin 2022, le jour où la Cour suprême a annulé l’arrêt Roe v. Wade, ils ont expliqué dans un communiqué qu’ils n’abandonneraient pas et qu’ils « redoubleraient d’efforts » pour défendre leur conviction car « l’avortement est un soin de santé, un point c’est tout ».

Comme le rapporte le National Catholic Register le 13 juillet, la Conférence des évêques catholiques des États-Unis (USCCB) a rappelé à son Comité de doctrine qu’il était nécessaire d’aborder la question des opérations chirurgicales et des traitements hormonaux pour les transsexuels, et d’insister sur leur incompatibilité avec l’enseignement de l’Église.

Toutefois, les conclusions d’un autre rapport de l’Institut Lepanto (pdf), publié le 9 juin, montre qu’il s’agit là d’une tâche compliquée, car des hôpitaux du réseau CommonSpirit pratiquent déjà des opérations chirurgicales sur des personnes transgenres ou administrent des bloqueurs de puberté à des enfants.

Le rapport identifie 45 établissements qui opèrent en tant que filiales de CommonSpirit et qui fournissent ce type de services.

En réponse aux conclusions du rapport Lepanto, un article de l’agence de presse catholique (Catholic News Agency) note que « compte tenu de la complexité des systèmes de santé catholiques aujourd’hui, les directives des évêques risquent de ne pas être faciles à appliquer ».

Le rapport mentionne en particulier le cas d’un hôpital de San Francisco qui collabore avec CommonSpirit Health tout en étant un pionnier de la chirurgie du genre et un leader dans ce domaine.

Peter Marlow, porte-parole pour l’archidiocèse de San Francisco, insiste sur le fait que « CommonSpirit Health est un système hospitalier catholique qui ne comprend que des hôpitaux catholiques ».

Il a admis cependant que « lorsque cet alignement a été mis en place, une exception spéciale a été accordée aux hôpitaux non catholiques qui continueraient à pratiquer des stérilisations directes ».

« Ils sont gérés par un conseil de surveillance distinct et les recettes restent séparées », a déclaré M. Marlow.

Les hôpitaux non catholiques ont accepté une « déclaration de valeurs communes » (pdf) avec les hôpitaux catholiques », a-t-il ajouté. « Par conséquent, les hôpitaux non catholiques ne pratiquent pas l’avortement, le suicide médicalement assisté ou la FIV (fécondation in vitro).

Pourtant Tia Health fournit des services d’avortement et oriente les patients vers ce genre de services.

Le formulaire 990 de CommonSpirit pour l’année fiscale 2020 montre qu’elle possède 65% de Tia Arizona, LLC.

Section du formulaire 990 de CommonSpirit Health pour l’année fiscale 2020 (Capture d’écran/Rapport de l’Institut Lepanto).

Il a également confirmé – sous la liste détaillée des « subventions et autres formes d’assistance aux organisations, gouvernements et individus aux États-Unis » – que CommonSpirit a financé des hôpitaux non catholiques.

M. Marlow a admis que la question des services aux transgenres posait un conflit.

« L’accord prévoyait que d’autres questions éthiques et religieuses pourraient à l’avenir être incluses dans les DRE parmi celles que les hôpitaux non catholiques ne pratiquent pas. Cela vient juste d’être révélé, il faut donc l’examiner ».

Le 8 juin 2022, le Dr Grey a partagé un article sur le Mois de la fierté publié par CommonSpirit, dans lequel on peut lire : « Notre mission a toujours été de fournir des soins compatissants et inclusifs à tous. C’est pourquoi nous sommes fiers de soutenir nos patients LGBTQ+. Il ne devrait pas être difficile de trouver des soins sûrs et accueillants – et ici, vous serez toujours les bienvenus. »

Le rapport de M. Hichborn révèle également que CommonSpirit est parrainé par la Catholic Health Care Federation, dont l’autorité est accordée par la Congrégation du Vatican pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique.

Communion

Lors d’une réunion de l’USCCB en novembre 2021 à Baltimore, dans le Maryland, les évêques ont adopté un document controversé de 35 pages intitulé « Le mystère de l’Eucharistie dans la vie de l’Église » (pdf), qui clarifie la position de l’Église sur la question de savoir qui doit recevoir la Sainte Communion.

À la page 21, le document dit : « Les laïcs qui exercent une certaine forme d’autorité publique ont une responsabilité particulière pour former leur conscience en accord avec la foi de l’Église et la loi morale, et pour servir la famille humaine en défendant la vie et la dignité humaines ».

À la page 24, on peut lire : « tout ce qui s’oppose à la vie elle-même, comme tout type de meurtre, de génocide, d’avortement, d’euthanasie ou d’autodestruction volontaire, tout ce qui porte atteinte à l’intégrité de la personne humaine ».

Un prêtre distribue la Sainte Communion lors d’une messe célébrée par le pape Benoît XVI au Nationals Park, à Washington, D.C., le 17 avril 2008. (Win McNamee/Getty Images)

Le document fait suite à des mois de spéculation, beaucoup espérant des directives claires resortirait de ce document qui permettrait aux évêques de refuser la communion aux catholiques qui sont publiquement en désaccord avec l’enseignement de l’Église sur l’avortement.

La question se posait aux Etats-Unis depuis 2004, lorsque le démocrate John Kerry, un catholique partisan de l’avortement, s’est présenté à l’élection présidentielle. À l’époque, l’USCCB, sous la direction du cardinal Theodore McCarrick, avait approuvé ce que l’on a appelé la « doctrine McCarrick », un compromis qui ne refusait pas de manière équivoque la communion aux hommes politiques favorables à l’avortement.

En 2019, M. McCarrick a été défroqué à la suite d’accusations d’abus sexuels.

Cependant, bien qu’en apparence le nouveau document de l’USCCB réitère la doctrine traditionnelle de l’Église catholique sur les questions de la Sainte Communion, du péché public et de qui peut ou ne peut pas recevoir le sacrement, M. Hichborn estime que le document continue, en filigrane, à laisser les prêtres décider de la bonne décision à prendre.

Alors que le document précise que « la réception de la Sainte Communion dans une telle situation est également susceptible de causer un scandale pour d’autres », il précise plus loin que « c’est la responsabilité particulière de l’évêque diocésain de travailler pour remédier aux situations qui impliquent des actions publiques en désaccord avec la communion visible de l’Église et la loi morale ».

Bien qu’ils n’aient pas été nommément cités, M. Hichborn pense que le nouveau document a probablement été rédigé à l’intention de personnalités politiques catholiques, dont Joe Biden et l’ancienne présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, qui ont publiquement exprimé leur soutien à l’avortement.

« Le droit canonique 915 stipule que ceux qui sont sous le coup d’un interdit, excommuniés ou qui persistent obstinément dans un péché grave et manifeste ne doivent pas être admis à la communion », a-t-il expliqué. « Le droit canonique 916 stipule que si vous êtes conscient d’avoir commis un péché mortel, vous ne devez pas vous approcher pour communier. »

Ainsi, alors que cette dernière disposition « incite l’individu à s’abstenir de recevoir la Sainte Communion », le précédent « fait peser la responsabilité sur celui qui distribue la Communion ».

« Dans ces conditions, c’est assez clair », a-t-il déclaré. « La règle dit qu’il ne faut pas donner la communion aux gens dans ces circonstances. »

Dans un cas notable, l’archevêque de San Francisco, Salvatore Cordileone, a invoqué la responsabilité de l’évêque diocésain en mai 2022 lorsqu’il a publiquement interdit à Mme Pelosi de recevoir la communion.

Cependant, Mme Pelosi a ensuite reçu la communion au Vatican.

L’USCCB

Selon son site Internet, l’USCCB est « une assemblée de la hiérarchie des évêques qui exercent conjointement des fonctions pastorales au nom des fidèles chrétiens des États-Unis et des Îles Vierges américaines ». Son but est, entre autres, « d’organiser et de mener des activités religieuses, caritatives et d’assistance sociale dans le pays et à l’étranger » et « de s’occuper des migrants ».

En raison de son nom (« Conférence des évêques catholiques des États-Unis » en français) beaucoup pensent que l’organisation fait partie de l’Église catholique et qu’elle parle en son nom.

Lors de la conférence de presse « Defund the Bishops » (Définancer les évêques, en français) organisée le 20 juillet par les membres de la Deposit of Faith Coalition à Washington, Michael Voris a eu des mots très durs à l’égard de l’USCCB et de ses objectifs.

L’USCCB, bien qu’elle ait le mot « catholique » dans son nom, n’est en aucun cas catholique », a-t-il déclaré. « C’est un organe de lobbying politique ici aux États-Unis et c’est tout ce qu’il fait. Ils ne disent rien sur la « foi ». Ils n’ont aucune autorité contraignante en ce qui concerne « la foi ». Aucun évêque n’est tenu de suivre quoi que ce soit qui émane de l’USCCB ».

Michael Voris, fondateur et président de St. Michael’s Media/Church Militant, sur le plateau pendant la programmation, avril 2023 (avec l’aimable autorisation de Michael Voris).

Michael’s Media/Church Militant, décrite sur son site web comme « une entreprise médiatique créée pour lutter contre la grave érosion de la foi catholique au cours des 50 dernières années ».

Au cours de la conférence de presse, M. Voris a expliqué que son but était de « définancer les évêques et autres membres de ce que nous appellerons la gauche irréligieuse », qui « reçoivent des milliards de dollars des contribuables américains et les réinjectent dans l’agenda du Parti démocrate ».

Financement

Selon lui, l’attention portée par l’Église aux « pauvres » a commencé vers 1968, lorsque l’Église catholique a été initiée à la théologie de la libération, qui allaient dans le sens des « droits des pauvres » et suggérait « que les nations industrialisées s’enrichissaient aux dépens des pays en voie de développement ».

« C’est la force motrice derrière tout cela », a-t-il suggéré. « L’immigration, le changement climatique, la justice sociale, tout cela est centré sur le prétexte de s’occuper des pauvres. »

Cependant, les critiques disent qu’il est difficile d’ignorer la quantité massive de fonds qui transite via l’USCCB à des fins immigrationnistes.

Selon un rapport publié le 24 août 2021 par le journal d’investigation The Pillar – qui se décrit comme « un projet médiatique catholique » – une part importante des revenus de l’USCCB provient de subventions gouvernementales et donc des contribuables.

Le site web USASpending.gov montre que l’USCCB a reçu des subventions de près de 40 millions de dollars du Département d’État américain pour un « programme d’accueil et de placement des réfugiés dont l’admission aux États-Unis a été approuvée ».

Le cardinal Theodore McCarrick prie lors de l’assemblée annuelle d’automne de l’USCCB à Baltimore (Maryland), le 14 novembre 2011. En 2004, l’USCCB a approuvé ce qui est devenu la « doctrine McCarrick », une position plus libérale sur les personnalités publiquement favorables à l’avortement et sur la sainte communion. (Patrick Semansky/AP)

USASpending.gov montre que l’USCCB a également reçu une subvention du DHHS de 18,8 millions de dollars – répartie entre le 1er février 2020 et le 30 avril 2023 – « pour assurer la prise en charge et le placement des mineurs non accompagnés qui sont appréhendés » à la frontière américaine par le biais de son programme « Unaccompanied Alien Children Program » (« Programme pour les enfants étrangers non accompagnés », en français).

Dans un message non daté de l’USCCB, les évêques ont annoncé que leur « Campagne catholique pour le développement humain », créée en 1970, exigeait de « financer des projets tels que l’inscription sur les listes électorales, les organisations communautaires, les écoles gérées par la communauté, les coopératives appartenant à des minorités et les coopératives de crédit », en fournissant « des capitaux pour le développement industriel et les programmes de formation professionnelle, ainsi que pour la mise en place de coopératives rurales ».

« Conformément à leur nature stratégique, ces subventions sont destinées à des initiatives d’une ampleur significative, avec des objectifs ciblés dans le temps d’une importance régionale ou nationale. »

« Il faut rester fidèle à la vérité morale »

Le fondateur de Priests for Life, l’ancien Révérend Frank Pavone connaît bien le travail de M. Hichborn et n’est pas surpris par ses conclusions, notamment en ce qui concerne « les compromis » que l’Église catholique a faits sur « des questions morales essentielles ».

M. Pavone, militant pro-vie bien connu et quelque peu controversé, a longtemps été critiqué pour sa position ferme selon laquelle l’avortement, quelle que soit sa définition, est un péché et que la lutte contre l’avortement devrait être une priorité pour l’Église.

En décembre 2022, M. Pavone a été renvoyé du clergé pour « communications blasphématoires sur les médias sociaux » et « désobéissance persistante aux instructions légales de son évêque diocésain ».

Frank Pavone est le directeur national de Prêtres pour la vie. (Avec l’aimable autorisation de Prêtres pour la vie)

M. Pavone estime que le partenariat de l’Église avec un fournisseur d’avortements, son revirement sur les droits de communion et son attention portée à l’immigration ont des liens très étroits avec l’argent.

L’Église catholique, explique-t-il, possède un grand nombre d’églises et d’organisations caritatives dont le fonctionnement nécessite des millions de dollars.

« Il faut toujours collecter des fonds », a-t-il déclaré. « Pour collecter des fonds, il faut plaire aux donateurs, et pour obtenir des fonds du gouvernement, il faut plaire au gouvernement. Mais il faut rester fidèle à la vérité morale. Même si vous devez vous aliéner le gouvernement ou d’autres donateurs ».

Une façon de rester fidèle à cette vérité morale, suggère-t-il, est de rester ferme sur « la pureté de notre témoignage moral à la société, à savoir que nous ne coopérons en aucune façon avec le meurtre d’enfants par avortement ».

« Si vous devez expliquer pourquoi c’est bien, c’est que quelque chose ne va pas », a-t-il déclaré. « Les gens doivent repartir inspirés, et non pas désorientés ».

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