L’ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye, a provoqué la colère de nombreux pays en déclarant que les pays provenant de l’ex-Union soviétique n’avaient pas de statut souverain. Selon les experts, cette remarque apparemment involontaire révèle une crainte profonde du Parti communiste chinois (PCC) au cours des trois dernières décennies, à savoir que les phénomènes de l’effondrement soudain de l’URSS et de la disparition du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS) ne se reproduisent en Chine.
Dans une interview accordée à la chaîne de télévision française LCI le 21 avril, Lu Shaye a nié la souveraineté des États qui formaient à l’époque l’Union soviétique. Selon lui, ces États « n’ont pas le statut effectif dans le droit international parce qu’il n’y a pas d’accord international pour concrétiser leur statut de pays souverain ».
Cette déclaration a suscité l’indignation dans les pays de l’ex-Union soviétique, tels que l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, l’Ukraine et autres, et a choqué le monde entier. Pour apaiser l’opinion publique, le ministère chinois des Affaires étrangères a annoncé que la déclaration de Lu Shaye n’était pas une annonce politique, mais un point de vue personnel.
Cependant, Wu Guoguang, chercheur principal au Centre d’étude de l’économie et des institutions chinoises de l’université de Stanford et ancien membre du groupe de réflexion de l’ex-secrétaire général du PCC Zhao Ziyang, estime que les propos de M. Lu reflètent les pensées les plus intimes des hauts responsables de l’État-parti chinois.
« Qui ose dire que les propos de l’ambassadeur Lu, qui a été directeur du Bureau de recherche politique du Bureau central des affaires étrangères, ne sont pas conformes à la politique étrangère du Parti communiste chinois ? » a-t-il écrit dans un article.
Parmi les émissaires étrangers du PCC, Lu Shaye est probablement celui qui connaît le mieux les intentions diplomatiques des dirigeants de son pays. Il a travaillé aux côtés du chef du PCC Xi Jinping et a été directeur du Bureau de recherche politique du Groupe directeur des Affaires étrangères du Comité central entre 2015 et 2016. Le patron de cette équipe était Xi Jinping, a précisé Wu Guoguang.
Pourquoi l’échelon supérieur du PCC déprécie-t-il les États de l’ex-Union soviétique ?
Un tweet de François Godement, directeur du programme Asie et Chine du Conseil européen des relations extérieures, a révélé la stratégie voilée du PCC.
« En effet, si Lu Shaye est un cas isolé dans la forme, il peut aussi exprimer à haute voix ce qui est une position chinoise implicite. Après tout, lisez les commentaires faits par Xi Jinping en 2012 sur la façon dont Gorbatchev a détruit l’Union soviétique. »
Les « leçons profondes » de l’effondrement de l’Union soviétique
Anders Corr, fondateur de Corr Analytics et éditeur du Journal of Political Risk, a déclaré à Epoch Times que les dirigeants de l’État-parti chinois craignaient que la désintégration qui s’est produite en Union soviétique ne touche également la Chine.
« L’URSS n’a pas pu garder la cadence du développement économique et militaire de l’Occident qui l’a lourdement sanctionnée. La même chose pourrait arriver à la Chine », a-t-il expliqué.
Encore en décembre 2012, lors d’une visite dans la province du Guangdong, Xi Jinping, qui venait d’accéder au poste de chef du PCC, a mis en garde les membres du Parti que le PCC devrait tirer les « leçons profondes » de ce qui s’est passe en Union soviétique, où la corruption politique, l’hérésie idéologique et la déloyauté militaire avaient conduit à la chute du Parti communiste au pouvoir.
« Pourquoi l’Union soviétique s’est-elle effondrée ? Pourquoi le Parti communiste de l’Union soviétique s’est-il effondré ? L’une des principales raisons est que ses idéaux ont été ébranlés », a-t-il dit, ajoutant que « finalement, Mikhaïl Gorbatchev – le dernier dirigeant de l’Union soviétique – a annoncé la dissolution du Parti communiste de l’Union soviétique d’un seul mot, et l’immense Parti a disparu ».
Xi Jinping a également parlé de ces « leçons profondes » dans un discours interne au début de l’année 2013.
En 2013, la Commission centrale de l’inspection de la discipline, l’Académie chinoise des sciences sociales (CASS) et sa filiale, le Centre mondial de recherche socialiste, ont émis un documentaire DVD en quatre parties intitulé Vingt ans après la mort de l’Union soviétique, affirmant que l’effondrement du régime communiste a fait tomber l’autrefois puissante Union soviétique au rang de pays de deuxième ou de troisième catégorie.
Ce documentaire attribue l’effondrement de l’Union soviétique et la disparition de son Parti communiste à deux causes principales : l’introduction par Gorbatchev de réformes démocratiques occidentales qui ont relâché le strict contrôle idéologique du Parti et la volonté de Boris Eltsine, qui a succédé à Gorbatchev, de privatiser les entreprises d’État.
Les fonctionnaires chinois de tous les niveaux, des dirigeants des départements centraux jusqu’aux membres des comités locaux du Parti, étaient tenus de regarder ce DVD.
Le PCC, « chef de tout »
Le PCC a renforcé son emprise sur toutes les sphères de la société, de peur que le régime ne suive la même voie que celui de l’Union soviétique.
En 2017, le PCC a révisé sa propre constitution en y ajoutant un paragraphe unique : « Le Parti est le chef de tout : du Parti, du gouvernement, de l’armée, du peuple, du milieu universitaire, de l’Est, de l’Ouest, du Nord, du Sud et du Milieu. »
En décembre 2014, Xi Jinping a affirmé que le Parti devrait contrôler la direction des collèges et des universités. Dans ce contexte, les campus universitaires chinois ont été le théâtre d’incidents au cours desquels des rapporteurs du Parti ont surveillé les cours des professeurs, des étudiants ont signalé que les professeurs ne suivaient pas la ligne du Parti et des caméras ont été installées dans les salles de classe des universités.
Le PCC a également établi des unités du Parti dans les entreprises publiques et privées.
Selon le rapport du portail chinois Sina du 1er juillet 2017, en 2008, la société chinoise Alibaba comptait trois comités du Parti de « deuxième niveau » ayant un total de 2094 membres du PCC ; Baidu et Tencent ont tous deux créé des comités du Parti en 2011, avec respectivement 2500 et 3386 membres ; et Jingdong a mis en place 154 branches du Parti dans tout le pays, avec 10.730 membres.
Le PCC a également installé ses unités dans des entreprises étrangères, telles que la succursale chinoise de la société française de cosmétiques L’Oréal et la coentreprise chinoise du constructeur automobile français Renault, selon l’édition en langue chinoise du Wall Street Journal.
Le Quotidien du peuple, organe officiel du Parti communiste, a admis qu’en 2016, quelque 75.000 entreprises étrangères avaient des branches du Parti, représentant 70,8% de toutes les entreprises étrangères en Chine.
Le régime totalitaire à parti unique a suscité un mécontentement croissant de la part de la population. En novembre dernier, un incendie à Urumqi, dans le Xinjiang, a déclenché un mouvement de protestation des « feuilles blanches » à l’Institut des médias de Nanjing, qui s’est rapidement transformé en une vague de manifestations à l’échelle nationale. À Shanghai, des centaines de personnes ont scandé « À bas le PCC ».
Suppression des entreprises privées
Comme l’indique le documentaire susmentionné, la disparition de l’Union soviétique peut être attribuée en partie à la privatisation des entreprises d’État. Par conséquent, le PCC a lancé une campagne de répression contre les entreprises privées en visant l’accroissement du nombre et le renforcement d’entreprises d’État.
En novembre 2020, l’introduction en bourse d’Ant Financial Services d’Alibaba a été interrompue à la dernière minute par les régulateurs du PCC. C’était le début d’une répression à grande échelle des entreprises privées qui a frappé ces entreprises dans les secteurs de la technologie, de la finance, des jeux, de l’éducation et de l’immobilier. Cette campagne a fait disparaître plus de 1000 milliards de dollars de valeur marchande des entreprises chinoises dans le monde entier.
Yao Yang, directeur de l’Institut national de recherche sur le développement de l’université de Pékin, a souligné lors d’un forum qu’une étude des marchés publics montrait que de nombreuses entreprises privées ne pouvaient pas obtenir de commandes gouvernementales, a rapporté le média financier chinois Caixin le 1er mars.
De plus en plus d’entreprises sont contraintes de se faire nationaliser. Rien qu’entre 2018 et 2021, 90 sociétés cotées en bourse sont passées du statut d’entreprises privées à celui d’entreprises d’État, et plus de 400 sociétés ont changé de direction – en moyenne une société cotée en bourse changeait de PDG tous les trois jours.
Pour les grandes entreprises du secteur privé, le PCC a également pratiqué l’acquisition des « actions privilégiées » pour les contrôler. Le 4 janvier, un fonds d’investissement d’État créé par le Bureau d’information sur l’Internet a acquis des actions de la filiale d’Alibaba, Guangzhou Green Education Information Technology Company. Le projet du gouvernement d’acquérir les actions privilégiées de Tencent est également à l’étude, selon le Financial Times.
Récession économique
La politique de suppression des entreprises privées pour éviter la disparition du Parti a toutefois plongé l’économie chinoise dans la récession.
Au cours des 11 premiers mois de 2021, quelque 4,37 millions de petites et moyennes entreprises chinoises ont fermé définitivement leurs portes, soit plus de trois fois le nombre de nouvelles entreprises créées au cours de la même période. Le secteur privé, qui constitue l’épine dorsale de l’économie et de l’emploi en Chine, est en déclin. Les petites entreprises, en particulier, disparaissaient à un rythme rapide, selon le reportage du South China Morning Post du 30 décembre 2021.
En 2022, l’économie chinoise n’a progressé que de 3% – la plus basse croissance annuelle du PIB depuis la fin de la révolution culturelle en 1976. Le taux de chômage des jeunes a atteint un niveau record. Selon le rapport du Bureau national des statistiques chinois, le taux de chômage parmi les jeunes Chinois (âgés de 16 à 24 ans) a atteint 19,6% en mars.
En raison de la falsification des données officielles, la récession économique réelle pourrait être en Chine beaucoup plus grave.
Anders Corr a souligné que le contrôle excessif du Parti sur le secteur privé réduit son efficacité et sa capacité d’innovation, ce qui « nuit à la Chine et au PCC à long terme ».
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