L’échelon supérieur de la Corée du Nord a récemment connu une nouvelle évolution : Kim Ju-ae, la fille adolescente du dirigeant suprême Kim Jong-un, a été qualifiée de « leader suprême » par les médias officiels. Les observateurs politiques suggèrent que cela pourrait signifier que la dynastie Kim a identifié la future héritière et dirigeante du régime.
Le principal défi auquel sont confrontés les régimes autocratiques contemporains, en particulier ceux de nature communiste, est le transfert sans heurt du pouvoir ultime. L’incapacité à rendre ce processus légitime peut conduire à l’effondrement du système et aux troubles sociaux qui s’ensuivent.
Est-ce que la Corée du Nord a résolu ce problème en adoptant la méthode ancestrale de transmission du pouvoir par la lignée familiale ? Est-ce que d’autres régimes autocratiques, comme celui qui règne sur la Chine, pourront suivre cet exemple ?
Une forme de gouvernance politique atypique
Le 3 avril, au cours de l’émission Pinnacle View, le commentateur politique Heng He a noté que le régime des Kim en Corée du Nord diffère légèrement par sa forme de gouvernance du régime établi en Chine par le Parti communiste.
Il a noté qu’en Chine, la révolution de 1911 a renversé le système impérial en laissant place à la république de Chine dont le gouvernement s’est finalement replié sur l’île de Taïwan après sa défaite face aux forces communistes en 1949. En revanche, la Corée du Nord n’a pas eu de transfert social similaire. Le Japon a colonisé la Corée du Nord pendant un demi-siècle, puis le pays est passé directement au socialisme, un régime autoritaire. « À proprement parler, la Corée du Nord n’a pas connu de processus démocratique. »
D’autre part, poursuit M. Heng, « la dynastie Kim a occupé une position vénérée et idolâtrée en Corée du Nord, sans nécessairement adhérer aux principes communistes ».
Toutefois, le Parti communiste chinois (PCC), qui continue à clamer qu’il dirige une société socialiste – cette phase initiale de la société communiste – insiste à appeler la Corée du Nord un pays socialiste, souligne Shi Shan, rédacteur en chef de l’édition chinoise d’Epoch Times. Le PCC reconnaît officiellement qu’il n’existe que cinq pays socialistes dans le monde : la Chine, la Corée du Nord, le Viêt Nam, le Laos et Cuba.
Selon les coutumes traditionnelles, fondées sur la croyance aux divinités, les pays d’Asie de l’Est, dont la Chine ancienne, ont un point commun : une monarchie héréditaire et la succession dynastique basée sur la volonté des dieux.
Mais aujourd’hui les choses ont changé.
En se réclamant officiellement de la République populaire démocratique de Corée, la Corée du Nord a rompu avec la pratique traditionnelle des systèmes héréditaires. Son système est atypique, car il ne provient ni d’inspiration divine ni d’élection dans une démocratie, a précisé M. Heng.
« À l’heure actuelle, parmi les pays socialistes d’Asie de l’Est, la succession familiale du pouvoir en Corée du Nord semble relativement stable par rapport à celle de la Chine communiste, où le système de succession du pouvoir au sein du PCC est plus fragile.”
Le pouvoir symbolisé par le « mont Paektu »
La famille Kim, également connue sous le nom de dynastie Kim ou de lignée du mont Paektu dans le discours idéologique du Parti du travail de Corée (PTC) au pouvoir, est une lignée de trois générations de dirigeants nord-coréens.
Au début des années 1950, Kim Il-sung a assuré son pouvoir en massacrant les dirigeants et les membres d’autres fractions, a rappelé Heng He. « Après avoir éliminé tous les opposants, [Kim Il-sung] a posé la clé de voûte de son pouvoir et l’a transmise à son fils, car personne ne pouvait plus le défier. »
Le mont Paektu, connu sous le nom de montagne Changbai en chinois, est situé à la frontière entre la Chine et la Corée du Nord. Dans les années 1920, lorsque le Japon a colonisé la péninsule coréenne, certains Coréens se sont réfugiés dans la région de la montagne Changbai, en Chine, pour poursuivre leurs diverses activités antijaponaises, y compris plusieurs assassinats.
Guo Jun, rédactrice en chef de la version hongkongaise d’Epoch Times, a souligné au cours de l’émission Pinnacle View que ce mouvement de résistance était devenu un pilier spirituel essentiel pour les Coréens. Lorsque les Japonais ont occupé la Mandchourie, en Chine, dans les années 1930, les guérilleros de ce mouvement se sont réfugiés en Union soviétique, dont ils ont accepté la direction générale pendant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale. Plus tard, lorsque le Japon s’est rendu et que l’Union soviétique a pris le contrôle de la zone située au nord du 38e parallèle en Corée, les Soviétiques ont choisi un dirigeant au sein de ces combattants, et cet homme s’appelait Kim Il-sung, a expliqué Mme Guo.
Kim Jong-il, le fils de Kim Il-sung, s’est présenté comme le premier à la lignée du mont Paektu. Il est dit que Kim Jong-il est né en 1942 à la base des combattants coréens au mont Paektu. En réalité, Kim Jong-il est né en Union soviétique. « Ainsi, par nécessité politique, les autorités officielles ont [faussement] fait en sorte qu’il ‘naisse’ au mont Paektu. »
Compte tenu de « l’importance politique sacrée » du mont Paektu, la Corée du Nord a demandé à l’État-parti chinois de lui céder la montagne dans les années 1950. Selon Mme Guo, Pékin a ensuite cédé plus de 47% de cette montagne à la Corée du Nord.
Le nouveau totalitarisme du super-esclavage
Guo Jun a suggéré que la logique du règne autoritaire en Corée du Nord – la famille Kim hérite de la lignée du mont Paektu – partageait à l’époque le même concept que la deuxième génération du Parti communiste chinois : « Je me suis battu pour installer le royaume et, bien sûr, ce sont toujours mes descendants qui seront assis sur le trône. »
Au début, la lignée du mont Paektu désignait un groupe de militaires et proches collaborateurs de Kim Il-sung mais, par la suite, elle a désigné directement les membres de la famille Kim.
Tout au long du règne politique de la dynastie Kim, l’accent a été mis sur la légitimité du futur héritier afin d’assurer une transmission en douceur du pouvoir au sein de la famille – et ce, en modifiant même l’identité politique du communisme, du socialisme et du marxisme. Ainsi, « la Corée du Nord est passée d’une dictature communiste à une dictature impériale », estime Mme Guo.
Selon elle, le sous-développement prolongé et la fermeture du pays sont deux conditions indispensables pour que la Corée du Nord puisse maintenir ce type de dictature impériale.
« La Corée du Nord est aujourd’hui un système de soi-disant ‘propriété en commun’ : toutes les activités économiques, les entreprises, les terres et les ressources minérales appartiennent à l’État. Même chaque individu n’appartient pas à lui-même, mais à l’État. Les gens n’ont pas de liberté et n’ont pas de propriété privée. »
« La Corée du Nord est un système de super-esclavage. Tout le monde est asservi, sauf celui qui détient le pouvoir le plus élevé. »
Un autre problème de la Corée du Nord est l’isolement politique et la fermeture des frontières. « Des gens sont condamnés à mort pour avoir écouté des émissions sud-coréennes ou même regardé une série télévisée sud-coréenne. Il existe également une bureaucratie qui bénéficie d’un traitement politique et économique bien meilleur que celui réservé aux gens ordinaires – la seule chose qu’elle doit faire est de rester politiquement loyale. Bien entendu, nous pouvons voir qu’il s’agit d’une structure politique instable et que les luttes politiques internes à haut niveau sont très extrêmes et sanglantes. » Mme Guo s’est référée à une réunion du Parti en décembre 2013, au cours de laquelle Kim Jong-un a fait traîner en public son oncle Jang Song-thaek et l’a fait exécuter par la suite.
Un pouvoir héréditaire
D’après M. Heng, le chef du PCC Xi Jinping n’a pas pu imiter le système de pouvoir héréditaire de la famille Kim, bien qu’il ait réussi à obtenir son troisième mandat en changeant l’ordre établi par son Parti. « Xi n’avait pas le même culte de la personnalité et les gens n’avaient que peur de lui, contrairement à la dynastie de Kim, qui a établi son propre culte d’admiration au sein du régime. »
M. Heng pense que le chef le plus autoritaire du PCC, Mao Zedong, avait envisagé de transmettre le trône à son fils Mao Anying. Mais ses espoirs ont finalement été anéantis lorsque Mao Anying a été tué sur le champ de bataille lors de la guerre de Corée en novembre 1950.
La nature héréditaire du pouvoir dans les régimes autoritaires prévoit que chaque génération doit avoir une main de fer capable de préserver fermement le pouvoir, bien que, a indiqué Heng He, cette probabilité soit « aléatoire ».
« De Kim Il-sung à Kim Jong-il et Kim Jong-un, trois générations ont produit des dirigeants assez forts et influents pour gouverner la société. Cependant, il reste à voir si la quatrième génération produira un dirigeant du même calibre. Si ce n’est pas le cas, et si un dirigeant plus faible émerge, ce type de succession pourrait s’écrouler assez rapidement. »
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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