Suite aux mesures prises par les États-Unis et leurs alliés, la Chine est confrontée à des difficultés croissantes pour accéder aux semi-conducteurs de pointe et à la technologie nécessaire à leur fabrication. Ce revirement est perceptible même dans les grandes conférences mondiales sur l’intelligence artificielle (IA), où les sujets liés à la Chine sont devenus visiblement absents.
Le 29 mars, l’administration Biden a annoncé qu’elle révisait ses réglementations de manière à limiter davantage la capacité de la Chine à se procurer des puces d’intelligence artificielle américaines et l’équipement nécessaire à leur production. Ces amendements s’appuient sur des mesures initialement introduites l’année précédente, destinées à mettre un terme à l’exportation vers la Chine de puces d’IA avancées, qui sont développées par des entreprises telles que Nvidia. Les États-Unis craignent que les progrès du secteur technologique chinois ne soient utilisés pour renforcer les capacités militaires du Parti communiste chinois (PCC).
Ces nouvelles dispositions, détaillées dans un document de 166 pages, visent les ordinateurs portables et autres appareils équipés de puces sophistiquées et imposent des restrictions nettement plus strictes quant à leur exportation.
Des rapports indiquent que les États-Unis se préparent également à identifier les principaux fabricants chinois de semi-conducteurs qui se verront interdire l’acquisition d’outils de fabrication essentiels. Cette mesure vise à freiner plus efficacement le flux de technologies critiques vers la Chine et à garantir le respect de ces restrictions par les entreprises américaines. La liste des installations visées devrait être publiée prochainement.
Dans un contexte d’escalade de la concurrence technologique avec les États-Unis, SMIC, le premier fabricant chinois de puces, a enregistré l’année dernière une baisse significative de 60 % de son bénéfice net. Selon son rapport annuel publié le 28 mars, ses revenus sont tombés à 45,25 milliards de yuans (6 milliards d’euros), soit une baisse de 8,61 % par rapport à l’année précédente, tandis que le bénéfice net attribuable à la société mère s’est effondré à 4,823 milliards de yuans (630 millions d’euros), soit une baisse de 60,25 % d’une année sur l’autre.
Ce recul marque la première baisse de ses bénéfices depuis la mise en place des sanctions américaines en 2020, les État-Unis reprochant à SMIC d’avoir fourni des technologies au PCC dans le cadre de ses efforts militaires.
Les alliés internationaux et l’embargo sur les semi-conducteurs
En plus de renforcer leurs restrictions sur la technologie des semi-conducteurs, les États-Unis ont fait pression sur des alliés tels que les Pays-Bas, l’Allemagne, la Corée du Sud et le Japon pour qu’ils appliquent des mesures similaires. Ces pays accueillent des acteurs essentiels de la chaîne d’approvisionnement mondiale en semi-conducteurs, d’où l’importance stratégique de leur coopération.
Lors d’une visite d’État en Chine les 26 et 27 mars, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a apparemment abordé le sujet d’ASML, une entreprise néerlandaise de premier plan et premier fournisseur mondial de machines de lithographie pour la fabrication de puces électroniques. La question de savoir si le gouvernement néerlandais autoriserait ASML à assurer l’entretien des équipements de lithographie de grande valeur que l’entreprise a vendus à la Chine a fait l’objet de nombreuses spéculations.
En 2023, les Pays-Bas ont mis en place des contrôles à l’exportation qui limitent l’expédition d’équipements de fabrication de semi-conducteurs avancés vers la Chine. Ces contrôles incluent l’entretien et la maintenance de ces équipements une fois que les licences actuelles expirent, ce qui est le cas pour de nombreux équipements depuis le 31 décembre de cette année.
À la suite de ces discussions, les médias d’État chinois ont choisi de ne pas mentionner la question des équipements, mais ont rapporté la phrase de Xi Jinping selon laquelle le droit de la Chine au développement est légitime et qu’ « aucune force » ne peut entraver ses progrès technologiques, laissant ainsi supposer que les pourparlers n’ont pas donné satisfaction à la Chine.
L’Allemagne est dans une situation similaire, puisque Carl Zeiss AG fournit des composants optiques à ASML pour la fabrication de puces de haute technologie. Les États-Unis ont exprimé le souhait que l’entreprise allemande cesse de livrer ces composants à la Chine.
En outre, le gouvernement allemand a envisagé l’année dernière de limiter les exportations de produits chimiques pour semi-conducteurs vers la Chine. Alors que le chancelier allemand Olaf Scholz se prépare à une visite en Chine en avril, la position du gouvernement allemand sur cette question reste incertaine.
De même, les États-Unis encouragent les entreprises japonaises à limiter les exportations vers la Chine de produits chimiques spécialisés dans la fabrication de puces, y compris la résine photosensible, essentielle à la production de semi-conducteurs.
Position mondiale sur le contrôle des exportations de semi-conducteurs
Le gouvernement sud-coréen réfléchit actuellement à la possibilité de s’aligner sur les États-Unis en imposant des contrôles à l’exportation pour les équipements de semi-conducteurs destinés à la Chine. L’agence de presse Yonhap a rapporté le 13 mars que les États-Unis préconisent la mise en œuvre de contrôles à l’exportation par la Corée du Sud depuis la seconde moitié de l’année dernière. Bien que le gouvernement sud-coréen n’ait pas encore arrêté sa décision, il reconnaît l’importance de satisfaire dans une large mesure aux exigences américaines.
Quant à Taïwan, un allié clé des États-Unis et plaque tournante de la technologie des semi-conducteurs, elle a franchi une étape importante en décembre dernier lorsqu’elle a élaboré une liste exhaustive de technologies essentielles dans cinq secteurs : la défense, l’espace, l’agriculture, les semi-conducteurs et la cybersécurité.
Afin de sauvegarder ces actifs technologiques, Taïwan a modifié la « loi sur la sécurité nationale » en mai de l’année précédente. Cet amendement criminalise le transfert de technologies nationales essentielles à des entités étrangères, y compris Hong Kong, Macao et d’autres entités considérées comme des forces hostiles, et impose des peines pouvant aller jusqu’à 12 ans d’emprisonnement.
Des amendes peuvent également être imposées, pouvant être doublées en fonction des gains illicites réalisés dans le cadre de ces activités. Quant aux personnes travaillant dans des secteurs technologiques sensibles qui reçoivent des fonds publics, elles doivent demander l’autorisation avant de se rendre en Chine continentale.
Jason Ma, un expert en IA basé aux États-Unis, s’est entretenu avec Epoch Times le 2 avril. Il estime que ces mesures représentent un effort collectif de la part des Occidentaux pour se dissocier stratégiquement du PCC dans le domaine des technologies avancées.
Il a souligné que ces restrictions représentent un revers important pour le PCC, car cela va notamment faire grimper les coûts de développement associés à l’IA. Cette approche concertée souligne un effort international plus large visant à atténuer les risques associés au transfert de capacités technologiques essentielles à la Chine, reflétant les préoccupations croissantes en matière de sécurité nationale et le paysage concurrentiel mondial dans les industries de haute technologie.
La conférence mondiale sur l’IA met l’accent sur l’éloignement de la Chine
La « NVIDIA GPU Technology Conference (GTC) », l’un des principaux événements mondiaux dans le domaine de l’intelligence artificielle, s’est déroulée du 18 au 21 mars à San Jose, en Californie, en plus d’être retransmise en ligne. Jensen Huang, le PDG de NVIDIA, a prononcé un discours intitulé « Witnessing AI’s Disruptive Moment », dans lequel il souligne l’importance de la conférence en tant que point de rencontre des derniers développements dans le domaine de l’intelligence artificielle. Avec plus de 900 sessions, plus de 200 exposants et plus de 20 discussions techniques, l’événement a été une confluence d’innovations et d’opportunités de réseautage.
Pourtant, au milieu de toute cette vitrine technologique et ces discussions, l’un des magnats chinois présents a fait une observation frappante : la Chine ne faisait pas partie des sujets de conversation. Cette observation a été partagée par un blogueur connu sous le nom de « Left Hand Ink », qui compte de nombreux abonnés sur X. Il s’est rendu compte lui aussi que l’évènement semblait avoir mis la Chine et ses contributions à l’IA sur le banc de touche.
L’expérience du magnat chinois, qui a décrit la conférence comme un « spectacle d’intelligence et de magnificence », a été assombrie par la constatation que le dialogue sur le développement de l’IA en Chine ou la perspective des entreprises américaines à l’égard de la Chine était manifestement absent.
Cette omission a été ressentie malgré la présence de nombreux ingénieurs et investisseurs chinois, dont certains avaient fait le voyage depuis la Chine. Le blogueur a noté que l’identité ou les antécédents des participants chinois ne semblaient pas avoir attiré l’attention ou suscité un réel intérêt, témoignant ainsi d’un désengagement plus général vis-à-vis de la Chine.
Ce revirement a été attribué, en partie, à la diminution de la dépendance financière de NVIDIA vis-à-vis du marché chinois, qui ne représente plus que 5 % de son chiffre d’affaires, soit une baisse significative par rapport aux 20 à 25 % atteints précédemment. En d’autres termes, NVIDIA pourrait être en train de recalibrer ses stratégies commerciales et ses domaines de prédilection, et se détourner de ce marché jadis très influent.
Zhou Xiaohui, chroniqueur à Epoch Times, estime que la diminution de l’attrait du marché chinois n’est pas un phénomène isolé.
Ce revirement est en partie le résultat des politiques fluctuantes du gouvernement chinois et son manque d’égard pour les entreprises étrangères, auxquelles s’ajoutent les réglementations désormais strictes du gouvernement américain. En conséquence, les entreprises de haute technologie voient leurs bénéfices diminuer en Chine, ce qui les incite à réévaluer leurs stratégies commerciales et, dans certains cas, à se retirer complètement du marché chinois.
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