L’inculpation de l’ancien président Donald Trump, accusé de détenir des documents militaires et d’en avoir empêché la saisie par le gouvernement, repose sur une interprétation de la loi qui est inédite et qui présente de nombreuses faiblesses, selon plusieurs avocats et autres experts.
Trump a été mis en accusation et a plaidé non coupable des 37 chefs d’accusation le 13 juin.
« Me menacer de 400 ans de prison pour avoir possédé mes propres documents présidentiels, ce que presque tous les autres présidents ont fait, voilà une des théories juridiques les plus scandaleuses et les plus vicieuses jamais avancées dans un tribunal américain », a déclaré l’ancien président.
Les médias ont présenté l’affaire sous l’angle de la conservation par Trump de documents classifiés à l’époque où il était président. Pourtant, l’acte d’accusation passe rapidement sur cette question et préfère s’appuyer sur une clause de la loi sur l’espionnage (Espionage Act), qui criminalise le fait de ne pas transmettre des informations relatives à la défense nationale. L’acte d’accusation affirme en outre que Trump et son collaborateur Waltine Nauta ont caché certains documents que le gouvernement voulait saisir.
Les infractions présumées prévues par la loi sur l’espionnage exigent des preuves solides, et soulèvent la question de savoir si la loi aurait dû être appliquée dès le départ ou si l’enquête sous-jacente avait vocation à justifier d’accusations d’obstruction, ont expliqué certains avocats à Epoch Times.
« La question juridique clé ici est la façon dont la loi sur les archives présidentielles et la loi sur l’espionnage s’articulent », a déclaré Will Scharf, un ancien procureur fédéral.
La loi sur les archives présidentielles de 1978 stipule qu’après le départ d’un président, il revient à la National Archive and Records Administration (NARA) de conserver l’ensemble de ses archives officielles.
La loi autorise les anciens présidents à conserver des documents personnels tels que des « journaux intimes, journaux ou autres notes personnelles » qui ne sont pas utilisés dans le cadre des affaires gouvernementales.
« Si un ancien président ou vice-président trouve des documents présidentiels parmi ses effets personnels, il est tenu de contacter la NARA en temps opportun en vue d’en assurer le transfert à la NARA », peut-on lire sur leur site Web.
Toutefois, la loi sur les archives présidentielles ne relève pas du droit pénal. Si un ancien président refuse de remettre certains documents ou affirme que des documents manifestement officiels relèvent selon lui des documents personnels, le pire qu’il puisse encourir est un procès civil.
Il existe peu de jurisprudence en la matière. En 2012, Judicial Watch a voulu que l’ancien président Bill Clinton remettent des dizaines d’enregistrements d’entretiens datant de sa présidence. Celui-ci a fait valoir que ces enregistrements étaient personnels, et le tribunal lui a finalement donné raison. La juge Amy Berman Jackson, nommée par le président Barack Obama, est même allée jusqu’à affirmer que la Cour n’avait aucun moyen de remettre en question l’affirmation d’un président sur ce qui est ou n’est pas personnel.
« Étant donné que le président est entièrement responsable de la gestion et même de la destruction des documents présidentiels pendant son mandat, il serait difficile pour cette Cour de conclure que le Congrès souhaite restreindre son autorité en ce qui concerne des documents qu’il considère comme personnels », avait alors écrit Mme Jackson.
Selon Trump , cette décision du juge est « un précédent crucial » qui lui permet de conserver tous les documents qu’il souhaite. Il a fait remarquer que les enregistrements de Clinton comprenaient des conversations sur des sujets sensibles tels que les négociations commerciales, les conversations avec des dirigeants étrangers ou les activités militaires.
Cependant, l’affaire a été jugée à Washington, D.C., et ne constitue pas un précédent en Floride, où Trump est inculpé.
Le ministère de la justice estime désormais que les anciens présidents peuvent être inculpés en vertu de la loi sur l’espionnage de 1917 s’ils ont conservé des documents datant de leur présidence.
« Il s’agit d’une question juridique totalement nouvelle », a déclaré M. Scharf. « Elle n’a jamais été testée auparavant. La loi sur l’espionnage n’a jamais été utilisée pour engager des poursuites dans ce type de contexte. »
Selon certains avocats, la loi sur l’espionnage ne peut pas être utilisée de cette manière, la loi n’ayant pas été conçue à cet effet. Avant 1978, les anciens présidents étaient propriétaires de tous les documents relatifs à leur présidence, y compris les informations relatives à la défense nationale. Il n’a jamais été suggéré que le fait de conserver ces documents constituait une violation de la loi sur l’espionnage.
« Le Congrès a été très clair sur le fait que la loi qui s’applique aux présidents comme aux anciens présidents est la loi sur les documents présidentiels (Presidential Records Act). En dehors de ces cas, c’est en effet la loi sur l’espionnage qui s’applique, les exigences étant différentes », a déclaré Jesse Binnall, un avocat qui a représenté Trump dans une autre affaire.
Mike Davis, de l’organisation conservatrice Article III Project, a exprimé une opinion similaire.
« Cela voudrait dire que même si le président décidait de déclassifier ses archives présidentielles et de les emporter, il pourrait toujours être inculpé en vertu de la loi sur l’espionnage », a-t-il ajouté. (…) Cette lecture de la loi n’a aucune chance d’être acceptée par la Cour Suprême », a-t-il écrit dans un tweet.
Intention criminelle
Une grande partie de l’acte d’accusation repose sur le fait que la rétention de documents relatifs à la défense nationale par Trump aurait été « délibérée », c’est-à-dire, le fruit d’une intention criminelle.
Pourtant, le document ne fournit aucune preuve de cette intention.
Le 11 mai 2022, le ministère de la Justice a obtenu une citation à comparaître obligeant Trump à remettre tous les documents portant le sceau de la classification, y compris les documents électroniques.
L’une des accusations principales vise le fait que Trump aurait demandé à son collaborateur, M. Nauta, de déplacer certaines boîtes de documents avant que son avocat ne vienne récupérer les documents réclamés par le ministère de la justice.
M. Nauta aurait sorti 64 cartons d’un local de stockage où Trump conservait des objets et des documents de sa présidence et les aurait déplacés dans la résidence de Trump – trois cartons le 24 mai, 50 cartons le 20 mai et 11 cartons le 1er juin. Il aurait ensuite ramené 30 boîtes le 2 juin, peu avant que l’avocat de Trump de l’époque, Evan Corcoran, ne viennent récupérer les documents en question. C’est ce qui ressort de l’acte d’accusation, qui s’appuie sur les images de vidéosurveillance de la résidence de Trump à Mar-a-Lago qui elles aussi ont été réquisitionnées.
L’acte d’accusation allègue que les cartons ont été déplacés dans le but d’empêcher M. Corcoran d’accéder à des documents pertinents. L’accusation fait état d’un SMS dans lequel M. Nauta dit que Trump lui a demandé de mettre des cartons dans sa chambre.
« Je pense qu’il voulait faire le tri », a déclaré M. Nauta.
On ne sait pas si Trump s’est effectivement penché sur ces cartons ni, le cas échéant, ce qu’il y cherchait.
« Ces cartons contenaient toutes sortes d’effets personnels, beaucoup de choses, des chemises, des chaussures et tout le reste », a déclaré Trump.
En outre, d’après la chronologie esquissée par l’acte d’accusation, il n’est pas certain que Trump ait pu examiner leur contenu.
« Je n’ai pas eu l’occasion de passer en revue tous les cartons. C’est un travail long et fastidieux – qui prend beaucoup de temps – ce que j’étais prêt à faire, mais j’ai une vie très occupée », a-t-il déclaré.
Le 8 août 2022, lorsque le FBI a perquisitionné la résidence de l’ancien président à Mar-a-Lago, à West Palm Beach, 102 documents portant des mentions confidentielles ont été trouvés dans la salle de stockage et dans son bureau.
Certains avocats ont fait valoir que Trump aurait dû contester l’assignation à comparaître devant un tribunal, celle-ci étant trop large, certains documents marqués classifiés ayant peut-être été déclassifiés entre temps. Des quantités importantes de documents de ce type sont par exemple disponibles en ligne.
Par ailleurs, la citation à comparaître ne faisait aucune mention d’informations relatives à la défense nationale, les documents de ce type n’ayant pas besoin de porter de sceau de la classification.
Selon l’acte d’accusation, le crime présumé de Trump, à savoir la rétention délibérée de 31 documents en rapport à des questions de défense nationale, a commencé le 21 janvier 2021, quand celui-ci a apparemment « fait expédier » des cartons de la Maison Blanche vers sa résidence de Mar-a-Lago.
Les détails concernant le transport des cartons à Mar-a-Lago ne sont pas clairs. Newsweek a rapporté que 27 cartons ont été expédiés à son domicile par accident. L’ancien avocat du président, Timothy Parlatore, a déclaré que le transport des documents avait été effectué par l’administration des services généraux (General Services Administration).
L’acte d’accusation n’explique pas comment Trump était censé avoir connaissance de ces documents spécifiques. Il ne présente aucune preuve d’une quelconque intention criminelle de sa part.
« Les arguments qu’ils utilisent présentent de sérieuses lacunes juridiques », a déclaré M. Scharf.
Si les accusations liées à la loi sur l’espionnage ne résistent pas à un examen judiciaire, les accusations supplémentaires d’obstruction ne devraient pas non plus être retenues, a-t-il fait valoir.
« Le ministère de la justice a pour pratique de longue date de ne pas inculper pour obstruction, ou pour tout autre délit lié à la procédure, à moins qu’il n’y ait un délit sous-jacent », a déclaré M. Scharf. « Ainsi, dans le cadre d’une enquête lancée par le ministère de la justice, si quelqu’un donne l’impression de faire obstruction à cette enquête, mais qu’il s’avère que l’enquête elle-même n’était pas fondée, alors il n’y aura généralement pas d’inculpation [pour obstruction] contre cette personne ».
Mais lorsqu’il s’agit d’enquêtes impliquant Trump, les procureurs ont souvent retenu des accusations de délit de procédure, comme ce fut le cas pour l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Trump, le lieutenant-général Michael Flynn, et pour son conseiller de la campagne présidentielle de 2016, George Papadopoulos.
« Je pense que dans cette affaire, en particulier, on assiste à une instrumentalisation des procédures par le FBI. Le FBI ouvre une enquête sur quelqu’un en se basant sur des prémisses fragiles ou circonstancielles et, au cours de l’enquête, il va chercher à porter des accusations d’ordre pénal », a déclaré l’ancien agent du FBI et lanceur d’alerte Steve Friend.
Certains commentaires ont pointé du doigt un enregistrement audio dans lequel Trump s’entretient avec deux collaborateurs de son ancien chef de cabinet, Mark Meadows. La transcription indique que Trump a sorti un document qui, selon lui, est un plan d’attaque de l’Iran préparé par l’armée américaine. Trump voit en ce document quelque chose de « très confidentiel » et une « information secrète », et selon l’acte d’accusation aucun des deux collaborateurs n’avaient d’habilitation qui leur permettait d’être les récipiendaires de ce type d’information. Pourtant les accusations ne portent pas sur la divulgation d’informations classifiées, et rien n’indique que le document en question fasse partie de ceux qu’il est accusé d’avoir illégalement conservés.
Le traitement Clinton
Certains éléments indiquent que Trump s’attendait à pouvoir traiter avec le gouvernement de la même manière que Bill Clinton et son épouse, l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton.
Lors d’une réunion publique organisée par CNN au début de l’année, Trump a déclaré qu’en vertu de la loi sur les archives présidentielles (Presidential Records Act), il était autorisé à « négocier » avec la NARA sur ce qu’il pouvait conserver ou non en tant qu’objets personnels. La NARA a rejeté cette interprétation. Trump faisait probablement référence à l’affaire Clinton de 2012.
L’acte d’accusation indique également que Trump a interrogé ses avocats pour savoir s’il pouvait traiter l’assignation de la même manière qu’Hillary Clinton l’a fait en 2015, lorsque ses avocats ont, de façon tristement célèbre, trié ses emails lorsqu’elle travaillait au département d’État, et en ont effacé environ la moitié, sous prétexte qu’ils n’étaient pas de nature professionnelle. Le FBI a découvert par la suite que des milliers d’autres emails professionnels avaient disparu dans la moitié du lot qui avait été communiqué par les avocats d’Hillary Clinton.
« Ne serait-il pas préférable de leur dire que nous n’avons rien ici ? » Trump aurait demandé à ses avocats. Il a également cité la cas de l’épisode Clinton à plusieurs reprises.
Selon M. Binnall, il s’agit là de « questions juridiques tout à fait valables » de la part de Trump.
« Vous dites : ‘Attendez un peu. Si légalement [les avocats de Mme Clinton] ont pu faire cela, et que cela a fonctionné, pourquoi ne pourrions-nous pas faire la même chose ?' »
Les procureurs dans la ligne de mire
La dernière plainte contre Trump a été déposée par Jack Smith, un ancien procureur fédéral qui a été nommé conseiller spécial par le procureur général Merrick Garland le 18 novembre 2022.
M. Smith a été critiqué par les Républicains qui lui reprochent d’avoir permis à ses procureurs d’agir de manière irresponsable, à la fois dans cette affaire et dans son rôle précédent de chef de la section de l’intégrité publique du ministère de la justice.
M. Binnall a rappelé qu’il y a dix ans, des procureurs sous la direction de M. Smith avaient enfreint les droits constitutionnels d’un accusé devant un grand jury, ce qui avait conduit le tribunal à complètement abandonner les charges retenues contre l’accusé. Dans la même affaire, les procureurs ont saisi le téléphone de son client et n’ont pas utilisé les équipes de filtrage qui auraient permis d’empêcher les enquêteurs d’avoir accès aux communications confidentielles de M. Binnall avec son client, a-t-il déclaré.
Dans l’affaire Trump, M. Smith a réussi à obtenir une ordonnance judiciaire lui permettant de lever la confidentialité des communications entre Trump et son avocat, au cours de la procédure initiale devant le grand jury à Washington, avant que l’affaire ne soit transférée en Floride. Mais cette décision peut toujours être remise en cause, a suggéré M. Binnall.
« Je pense que vous verrez des requêtes pour que les preuves obtenues sur la base de la levée du secret professionnel soient supprimées », a-t-il déclaré.
Timothy Parlatore, qui a été un des avocats de Trump, a abondé dans ce sens. Il a expliqué à CBS News qu’une grande partie des communications avocat-client divulguées dans l’acte d’accusation n’auraient jamais dû être divulguées.
« Je pense que cela a irrémédiablement entaché la procédure du grand jury », a-t-il déclaré.
Il a souligné que la juge responsable du tribunal de district, Beryl Howell, a transmis les communications entre M. Corcoran et M. Trump aux procureurs si rapidement que Trump n’avait plus le droit de faire appel de cette décision et n’a pas pu demander à la cour de circuit que celle-ci soit suspendue.
« Je m’attends à ce que cette décision soit renversée », a-t-il déclaré.
Les avocats de Trump pourraient également tenter de retirer du procès les preuves obtenues lors de la perquisition à Mar-a-Lago au motif que le mandat de perquisition était trop large, selon William Shipley, un ancien procureur fédéral qui représente aujourd’hui de nombreuses personnes inculpées dans le cadre de la manifestation et de l’intrusion au Capitole du 6 janvier.
Le problème est que le mandat ne décrit pas « avec précision » les objets à saisir », a écrit M. Shipley dans un tweet.
Si les preuves obtenues lors de la perquisition étaient annulées, l’affaire serait sérieusement compromise, ou du moins retardée, a-t-il ajouté.
« L’annulation de la perquisition mettrait un terme à l’affaire et obligerait le gouvernement à monter jusqu’à la Cour d’appel », a écrit M. Shipley dans un tweet.
M. Binnall a également prédit qu’ils allaient tenter de faire rejeter l’affaire pour vice de forme de la part du procureur.
M. Parlatore a déclaré aux médias qu’il a été témoin de plusieurs cas de conduites problématiques lorsqu’il a volontairement accepté d’être interrogé par un grand jury. L’un des procureurs l’a accusé de « refuser » de répondre à une question portant sur des conversations privilégiées entre un avocat et son client, et M. Parlatore a dû rappeler aux jurés qu’il ne refusait pas de répondre, mais qu’il était juridiquement tenu par les règles éthiques de sa profession, a-t-il déclaré à CBS News.
Il a également été rapporté que les procureurs avaient laissé entendre à l’avocat de M. Nauta que sa candidature à un poste de juge à Washington pourrait être subordonnée à la volonté de son client de coopérer.
« Il s’agit là d’un autre exemple clair de conduites problématiques de la part des procureurs », a déclaré M. Binnall, qui estime que la nomination de M. Smith par M. Garland a une influence sur ses préjugés. « Le personnel choisi fait partie intégrante de la politique menée ».
« Merrick Garland savait exactement ce qu’il faisait lorsqu’il a nommé Jack Smith, l’avocat spécial. Il a nommé un fanatique. Il a nommé un détracteur de Trump. Il a nommé quelqu’un dont il savait qu’il ne reculerait devant rien pour poursuivre et attaquer Trump. »
Le contraste entre la poursuite agressive de l’affaire par Jack Smith et l’approche prudente du FBI dans son enquête sur les emails d’Hillary Clinton témoigne d’une application inégale de la loi, a-t-il déclaré.
« Ce que nous avons ici, c’est l’idée que l’on trouve toujours une excuse quand il s’agit d’exonérer des gens comme Joe Biden et Hillary Clinton, et que l’on trouve toujours une excuse quand il s’agit de s’en prendre à Donald Trump », a déclaré M. Binnall.
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