Dans un contexte où, à travers le monde, les gouvernements font pression sur les agriculteurs afin qu’ils réduisent leur empreinte carbone, certaines entreprises et universitaires présentent les cultures génétiquement modifiées comme la solution aux impacts de l’agriculture sur les changements climatiques.
Depuis 2019, le discours entourant les cultures génétiquement modifiées (GM) connaît un changement palpable. Des journaux scientifiques, des recherches universitaires et des entreprises qui investissent dans ces cultures, soutiennent que les cultures GM sont plus respectueuses de l’environnement que leurs homologues biologiques.
« L’utilisation des terres agricoles est un élément clé des deux côtés de l’équation net-zéro (…) les cultures peuvent être [génétiquement] modifiées pour capturer plus efficacement le gaz carbonique et le transformer en oxygène, ou le stocker dans le sol », peut-on lire sur le site Web du Forum économique mondial.
En raison de l’intensité des sécheresses qui sévissent dans des régions agricoles clés à travers le monde et de la controverse entourant l’utilisation d’engrais azotés et leurs impacts sur les changements climatiques, certains gouvernements qui interdisent depuis longtemps les cultures génétiquement modifiées, reconsidèrent leur décision.
En juillet, la Commission européenne a pris le pouls de la situation en révisant des règles encadrant l’usage d’organismes génétiquement modifiés (OGM).
Un de ses membres a déclaré que l’assouplissement des politiques régionales, réputées strictes en matière d’interdiction des OGM, et l’inclusion de certaines plantes obtenues par une technologie d’édition génétique plus récente, permettrait aux agriculteurs en difficulté d’obtenir des cultures plus résistantes.
À l’heure actuelle, 26 pays interdisent, partiellement ou totalement, la culture GM.
Nombre d’entre eux sont des pays européens, dont la France, l’Allemagne et l’Italie.
L’Inde, la Russie et la Chine sont également au banc des pays réfractaires. Selon une analyse récente publiée dans la revue GM Crops & Food, 60 autres pays imposent également des « restrictions significatives » à l’utilisation des OGM.
La même étude relève un « manque de confiance du public dans les processus de réglementation des OGM ».
Dans un contexte où un nombre croissant de preuves remettent en cause la capacité des cultures génétiquement modifiées à atténuer les changements climatiques, les partisans de l’agriculture biologique prennent la parole.
« Nous devons être prudents et ne pas considérer les cultures génétiquement modifiées comme une solution miracle, traitant tous les aspects des impacts de l’agriculture sur les changements climatiques », déclare Zahid Adnan à Epoch Times.
M. Adnan est le fondateur de The Plant Bible, un site dédié aux pratiques de jardinage et à l’agriculture biologique. Il estime que l’agriculture biologique joue un rôle crucial dans la résolution des enjeux climatiques. Ces aspects comprennent la préservation de sols sains, la promotion de la biodiversité et la minimisation des intrants externes.
Réserves mises à part, les cultures génétiquement modifiées font désormais partie du débat sur les changements climatiques.
Face à la sécheresse
L’un des arguments en faveur des cultures génétiquement modifiées est qu’elles peuvent nécessiter moins d’eau.
Alors que ces affirmations circulent dans la communauté scientifique depuis une dizaine d’années, les conditions de sécheresse qui ont sévi dans de nombreuses régions de culture au cours des deux dernières années les ont mises à rude épreuve.
Selon certaines estimations, les cultures génétiquement modifiées nécessitent jusqu’à 25% moins d’eau. À première vue, il s’agit d’une excellente nouvelle. En particulier, pour les culture de base touchés par la sécheresse, tels que le maïs et le soja.
Toutefois, un problème subsiste. Jusqu’à présent, les cultures génétiquement modifiées subissent aussi durement la sécheresse que leurs homologues biologiques.
Environ 94% du soja et 92% du maïs plantés aux États-Unis sont des cultures génétiquement modifiées.
La sécheresse prolongée ravagent les deux cultures.
En janvier, le ministère américain de l’Agriculture (USDA) a revu à la baisse ses estimations pour le maïs en 2022 de près d’un quart de million de boisseaux (6000 tonnes métriques), soit 9% de moins qu’en 2021. Il s’agirait de l’estimation la plus basse pour le maïs depuis 2012.
La récolte de soja de 2022, dont les projections étaient d’abord optimistes, s’est conclue par une baisse de 4% par rapport à l’année précédente.
Les sombres prévisions de sécheresse pour les cultures génétiquement modifiées les plus répandues ne s’arrêtent pas là.
En juin, 58% du Midwest américain a connu des conditions de sécheresse modérée ou intense.
En conséquence, selon la USDA, 64% de la production de maïs et 57% de la production de soja de la région ont été touchés.
En outre, le phénomène ne se limite pas aux États-Unis. Dans d’autres grands pays agricoles, les cultures génétiquement modifiées peinent à résister à la sécheresse.
En Argentine, les cultures génétiquement modifiées représentent 63% du total des cultures. Parallèlement, le géant agricole sud-américain voit sa production de maïs et de soja génétiquement modifiés s’étioler sous l’effet d’une sécheresse historique.
L’USDA a revu à la baisse les projections de l’Argentine pour le maïs et le soja en mars. Les estimations pour le soja ont été réduites de 20%, soit la plus importante baisse mensuelle pour le soja argentin en plus de 10 ans.
Curieusement, l’Argentine représente 13% de l’ensemble des cultures génétiquement modifiées dans le monde.
Selon M. Adnan, à l’autre bout du spectre, l’agriculture biologique utilise des méthodes de conservation de l’eau éprouvées. Nul besoin du génie génétique.
« Les pratiques biologiques telles que le paillage et les techniques d’irrigation optimisées contribuent à conserver l’eau, une préoccupation vitale dans les régions confrontées à une pénurie d’eau en raison des changements climatiques. »
Autres variables
« De nombreuses recherches suggèrent que les cultures GM peuvent être conçues pour utiliser moins d’eau et émettre moins de gaz à effet de serre que les cultures conventionnelles », a déclaré Kafi Sajjad à Epoch Times.
« Cependant, il est important de noter que toutes les cultures génétiquement modifiées ne sont pas égales. »
M. Sajjad travaille dans le domaine de la recherche à Organic Foods Corner. Selon lui, toutes les cultures génétiquement modifiées ne sont pas en mesure de rencontrer les critères de protection du climat dont la liste s’allonge rapidement.
« Certaines cultures génétiquement modifiées sont conçues pour résister aux herbicides, tandis que d’autres sont conçues pour résister aux parasites. L’impact des cultures génétiquement modifiées sur l’environnement varie en fonction des caractéristiques spécifiques qui ont été développées. »
Selon M. Sajjad, les cultures biologiques offrent autant, sinon plus, d’avantages pour l’environnement.
« Les cultures biologiques sont cultivées sans l’utilisation de pesticides et d’engrais synthétiques, qui peuvent polluer les cours d’eau et nuire à la faune et à la flore. En outre, les cultures biologiques peuvent contribuer à améliorer la santé des sols, permettant de séquestrer le carbone et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. »
Cependant, selon certains partisans des cultures génétiquement modifiées, les OGM nécessitent moins d’engrais et de produits chimiques que les cultures biologiques.
Traditionnellement, les cultures biologiques n’ont pas recours aux pesticides ou engrais synthétiques – et dans le pire des cas, elles n’utilisent que de petites quantités de ces produits. La plupart des pesticides et des engrais synthétiques ne sont pas autorisés sur les cultures ou les produits certifiés biologiques, un label de l’USDA très convoité.
Selon les entreprises agricoles et les groupes de génie génétique, la mauvaise réputation des OGM relève principalement d’une conception erronée concernant les types de produits chimiques utilisés sur les cultures.
Cela rappelle la débâcle « Monsanto-Roundup » débutée en 1996.
Monsanto, aujourd’hui disparu, avait mis sur le marché un soja génétiquement modifié résistant au glyphosate, un produit chimique allégué être cancérigène.
Le glyphosate est un ingrédient important du tristement célèbre herbicide « Roundup » de la société. Quelques années plus tard, Monsanto a mis sur le marché un maïs génétiquement modifié résistant au glyphosate.
Pendant des décennies, les agriculteurs ont utilisé le Roundup dans leurs champs, en particulier avec des cultures génétiquement modifiées.
En 2020, deux ans après que Bayer ait racheté Monsanto, le géant pharmaceutique a été contraint de régler plus de 100.000 litiges relatifs à des cancers causés par l’exposition au Roundup, s’élevant à près de 10 milliards d’euros.
Monsanto avait affirmé, par le passé, que le Roundup était « plus sécuritaire que le sel de table ».
Suivre l’argent
Cela soutient le contre-argument que beaucoup ont mis en avant : les ingénieurs spécialisés dans les cultures génétiquement modifiées ont vendu sciemment un produit chimique reconnu comme cancérigène depuis des dizaines d’années. Dès lors, comment le public est-il censé faire confiance aux autres acteurs de l’agriculture industrielle ?
Eh bien, il n’a pas à faire confiance à d’autres acteurs, car Bayer est l’un des plus grands vendeurs de semences génétiquement modifiées au monde.
À eux seuls, Bayer et Corteva dominent environ 40% du marché mondial des semences.
« Il est important de comprendre le contexte plus large et les effets de la dépendance à long terme des cultures [génétiquement modifiées] pour saisir le rôle de l’agriculture dans le changement climatique », a déclaré Robert Oates à Epoch Times.
M. Oates est directeur général d’Arbtech, un consultant en écologie et en arboriculture de premier plan au Royaume-Uni. Il déclare que son travail dans le domaine de l’agriculture biologique lui a permis de tirer de précieux enseignements en matière d’agriculture durable.
Le plus important est la nécessité d’adopter ce qu’il appelle une « stratégie intégrée » qui tient compte de facteurs tels que la biodiversité et la santé des sols.
Des études récentes montrent qu’un sol sain est essentiel pour capturer le carbone.
« Entre autres avantages, il a été démontré que les méthodes d’agriculture biologique, qui mettent l’accent sur les processus naturels et l’adaptation des cultures aux régions, augmentent le carbone du sol, réduisent l’érosion et favorisent les populations de pollinisateurs », relève M. Oates.
Si l’agriculture biologique traditionnelle n’a que peu ou pas recours aux engrais ou produits de synthèse, et que les cultures génétiquement modifiées se révèlent incapables de résister à la sécheresse, pourquoi recourir aux cultures génétiquement modifiées ?
Pour répondre à cette question, certains affirment qu’il faut suivre l’argent. Il existe des liens entre les recherche alléguant que les cultures génétiquement modifiées sont favorables au climat et les grands investisseurs dans les semences génétiquement modifiées.
L’Alliance pour la science (Alliance for Science) en est un exemple. Depuis 2020, cet organisme publie des articles vantant les « avantages environnementaux significatifs » des cultures génétiquement modifiées en matière de changement climatique.
Le principal sponsor de l’Alliance pour la science est la Fondation Bill et Melinda Gates, un investisseur important dans les cultures génétiquement modifiées. En 2010, la fondation a été critiquée pour ses investissements dans Monsanto.
Cela rappelle les anciennes publicités télévisées et de magazines de la première moitié du XXe siècle, mettant en scène des médecins vantant les mérites de leurs marques de cigarettes préférées.
Une campagne de marketing impensable aujourd’hui. Pourtant, pendant des années, les géants du tabac ont supprimé les données scientifiques indépendantes qui établissaient de manière concluante un lien entre la cigarette et le cancer.
Par ailleurs, certains partisans des cultures biologiques affirment que les cultures biologiques et les OGM ne s’excluent pas nécessairement.
« Le débat entre les cultures biologiques et les cultures génétiquement modifiées concernant leur impact sur le changement climatique ne se résume pas à une simple dichotomie », a déclaré M. Adnan.
Il soutient que les deux approches ont des mérites et peuvent contribuer à une agriculture durable, mais qu’il est difficile de s’opposer à la voie naturelle.
« Les principes qui sous-tendent l’agriculture biologique répondent bien aux objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. En tant qu’horticulteurs, notre rôle est d’explorer des moyens innovants d’intégrer les atouts de diverses méthodes agricoles afin de créer un système alimentaire plus résilient et durable pour l’avenir. »
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