André Bercoff : « Le risque d’une tentative d’assassinat contre Donald Trump était bel et bien réel »

Par Etienne Fauchaire
14 juillet 2024 13:04 Mis à jour: 14 juillet 2024 18:14

ENTRETIEN – Stupeur et tremblements aux États-Unis. L’Amérique est sous le choc après la tentative d’assassinat qui a visé Donald Trump ce samedi 13 juillet, lors d’un meeting à Butler, en Pennsylvanie. Auteur de Donald Trump : les raisons de la colère et seul journaliste français à avoir interviewé le candidat républicain à la présidentielle, André Bercoff partage dans cet entretien son analyse à chaud sur cet attentat qui n’est pas sans rappeler le meurtre de John F. Kennedy. L’animateur de Sud Radio revient également sur l’actualité politique en France post-législatives, évalue le différentiel de liberté d’expression entre la France et les États-Unis, et partage sa vision du journalisme suite à la mise en garde que lui a adressée l’Arcom, qui lui reproche les propos « climatosceptiques » de l’un de ses invités.

Epoch Times : Comment analysez-vous cette tentative d’assassinat contre Donald Trump ?

André Bercoff : Hélas, le risque d’une tentative d’assassinat contre Donald Trump était bel et bien réel. Avant l’élection présidentielle, plusieurs personnes aux États-Unis, comme Tucker Carlson et d’autres, avaient évoqué ce danger. Sans surprise, ils avaient été immédiatement qualifiés de « complotistes ».

Cet attentat par balle évoque immanquablement le souvenir de l’assassinat du président John Fitzgerald Kennedy à Dallas, le 22 novembre 1963. Fort heureusement, cette tentative d’homicide a échoué et Trump en est sorti indemne, comme en témoigne cette photo impressionnante où il lève le poing pour montrer qu’il est bien vivant.

La question qui se pose désormais : quel impact cette affaire aura-t-elle sur les élections présidentielles ? Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : une enquête devra être menée pour faire toute la lumière sur cet évènement.

Plusieurs éditorialistes aux États-Unis ont immédiatement dénoncé un discours obsessionnellement haineux contre Donald Trump au cours des dernières années, affirmant qu’il n’était pas possible de le comparer perpétuellement à Hitler sans que cela n’engendre de graves conséquences. À vos yeux, est-ce là une cause plausible pour expliquer cette tentative assassinat ou y a-t-il selon vous d’autres pistes à explorer ?

À ce stade, il est bien entendu impossible d’établir un lien direct entre cette tentative d’assassinat et la rhétorique anti-Trump des médias mainstream, dont le personnage suscite une haine stupéfiante chez bien des journalistes. Toutefois, que ce soit aux États-Unis, en France et ailleurs, ils sont parvenus à véhiculer la croyance selon laquelle Donald Trump serait un fou dangereux. Cette piste n’est donc pas à exclure.

Hier soir, je me trouvais au bal traditionnel des pompiers à Paris, dans le 18ᵉ arrondissement, à la veille des célébrations du 14 juillet. Alors que je venais d’apprendre que Trump avait été blessé, j’en ai informé une personne, au demeurant sympathique, qui s’y trouvait. Sa réaction : « Cela pourrait être une bonne chose, car les Américains doivent choisir entre un fou et un sénile ». C’est dire…

Pour ma part, ce sont là des spéculations, mais je pense qu’il n’est pas impossible que le tireur n’ait pas été motivé uniquement par la croyance que Trump est un déséquilibré mental. Sur la BBC, un témoin présent au meeting de l’ancien président a affirmé avoir, avec ses amis, informé la police et les services de renseignement de la présence d’un homme clairement armé d’un fusil sur le toit depuis lequel le tir est parti. Il a été ignoré. Nous attendrons les conclusions de l’enquête.

À la suite de la tentative d’assassinat contre Donald Trump, CNN a titré : « Les services de renseignement escortent précipitamment Donald Trump de l’estrade après qu’il est tombé pendant le rassemblement ». Et le Washington Post : « Trump est exfiltré d’un meeting après des bruits forts ». Que cela vous inspire-t-il ?

Le ministère de la Vérité selon Orwell. Immédiatement après ce drame, la presse mainstream se précipite pour déployer un écran de fumée. Mais de la part de ces médias, on ne pouvait s’attendre à autre chose. Même Joe Biden, interrogé à la Maison-Blanche à la suite de cet attentat, s’est refusé à dire qu’il s’agissait là d’une tentative d’assassinat contre Donald Trump…

Comment jugez-vous l’acharnement judiciaire et médiatique contre Donald Trump et à quoi pourrait-on s’attendre selon vous si celui-ci est réélu lors de la prochaine présidentielle en novembre ?

Il est évident que Donald Trump est victime d’un acharnement judiciaire et médiatique qui vise à tout prix à empêcher sa candidature. Même un anti-trumpiste primaire pourrait le voir et le comprendre.

On observe d’ailleurs la crainte grandissante du camp démocrate par rapport à la capacité de Joe Biden à l’emporter lors de la prochaine présidentielle, notamment par les retournements de vestes chez bien des journalistes, comme Chris Cuomo chez CNN, qui sont saisissants.

Au-delà de cela, au regard de l’engouement, de la ferveur et de l’enthousiasme observés lors des meetings de Donald Trump, on se doute bien que l’État profond américain fera tout pour l’empêcher de se présenter, et à plus forte raison de gagner. Réussiront-ils ? Nous verrons bien. Ce qui est certain, c’est que s’il est réélu, il devra affronter ce Deep State avec détermination.

Revenons en France, où l’actualité a été marquée par les élections législatives. À l’issue du second tour, de nombreux observateurs ont parlé d’un échec électoral pour le Rassemblement national, malgré l’augmentation de ses sièges au Parlement. Quelles conclusions tirez-vous de ces résultats ?

Tout d’abord, il est essentiel de distinguer le réel de la perception du réel. Si les sondages indiquaient que le Rassemblement national frôlait la majorité absolue avant le second tour des élections législatives, il a finalement obtenu 143 sièges. Les sondages reflètent la perception du réel, le vote en incarne sa véritable expression. Ici, l’écart est manifeste.

Deuxième leçon de cette élection : il est évident que le nombre de voix n’est pas proportionnel au nombre de sièges obtenus. Qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, le RN demeure le premier parti en nombre de voix (près de 11 millions). Pourtant, le Nouveau Front populaire a obtenu 178 sièges en recueillant 7 millions de suffrages, tandis que le camp présidentiel en a emporté 166, avec un peu plus de 6 millions de votes. Personnellement, je ne suis pas surpris par ce résultat dès lors que ces législatives se déroulent sur le mode du scrutin majoritaire à deux tours.

Durant l’entre-deux-tours, la fantaisie idéologique du nécessaire front républicain face au Rassemblement national a ainsi pu resurgir avec force, donnant lieu à ce que j’appellerais la concurrence des « têtes de gondole » sous la forme de ces fameux désistements qui se sont effectués grâce à la magie d’extraordinaires magouilles et marchandages entre partis, de gauche à droite, de la France insoumise aux Républicains. Dans ces conditions, peut-on encore parler de démocratie ?

En raison de l’écart entre le nombre de suffrages remportés par le Rassemblement national et le nombre de députés élus, le scrutin majoritaire à deux tours, peu courant dans les autres démocraties, fait l’objet de critiques. Selon vous, la France devrait-elle basculer vers un système à la proportionnelle ?

D’un point de vue moral, si tant est que l’on puisse encore parler de morale en politique, il serait normal que le plus grand nombre de sièges revienne au parti qui a remporté le plus grand nombre de voix. Cela relève presque de la tautologie.

Pour autant, le scrutin à la proportionnelle n’est pas non plus dénué d’effets pervers. Avec la multiplicité des partis et des tendances politiques, il suffit qu’un parti représentant une minorité de voix s’allie avec un parti électoralement plus puissant pour créer une situation de blocage, comme ce fut le cas en Israël.

C’est pourquoi je suis personnellement favorable à un scrutin majoritaire à un tour. J’insiste bien : un seul tour. Seulement ensuite les tractations pourraient-elles avoir lieu entre appareils politiques, une fois que les citoyens ont voté.

En France, notre mode de scrutin à deux tours nous mène à des situations ubuesques. Une fois que les électeurs se sont exprimés, on leur demande de retourner aux urnes avec, cette fois, par exemple, la France insoumise appelant ses électeurs à voter pour le ministre de l’Intérieur, alors qu’ils leur ont expliqué plus tôt que « la police tue », et pour Elisabeth Borne, alors qu’ils ont vitupéré nuit et jour sur son usage excessif du 49.3.

Moralement, la proportionnelle est souhaitable. Pragmatiquement, le scrutin majoritaire à un tour est préférable. Bien qu’il n’y ait jamais de solution idéale.

Par ailleurs, pour s’assurer du maximum de confiance dans l’intégrité du scrutin, je préconise l’interdiction totale du vote électronique comme celui par correspondance, car ces systèmes de vote facilitent la fraude, comme on l’a vu aux États-Unis, mais pas seulement. En outre, il faudrait s’assurer d’un maximum de contrôle sur les votes par procuration pour éviter toute suspicion de tricherie aux élections. En France, et ailleurs, ce n’est actuellement pas le cas.

Comment analysez-vous la décision de La France insoumise de faire du conflit israélo-palestinien un thème central de sa campagne ?

Écartant toutes considérations morales, certains partis politiques opèrent selon une logique de marché. En remarquant qu’une large part de la population se révèle particulièrement sensible à une question donnée, ceux-ci décideront d’en faire un thème de campagne. C’est une stratégie visant à gagner. Et pour La France insoumise, elle a fonctionné. Aux européennes, 62 % des électeurs musulmans ont accordé leur suffrage à la liste menée par Manon Aubry.

L’Arcom a adressé une « mise en garde » à Sud Radio en raison de propos « climatosceptiques » tenus par François Gervais, auteur de L’urgence climatique est un leurre, dans votre émission du 7 décembre 2023. Que cela dit-il de l’état de la liberté d’expression en France ?

En ce qui concerne mon émission sur Sud Radio, je tiens tout d’abord à remercier la chaine, respectueuse de ma liberté tant d’expression qu’en matière de choix des invités, quand bien même nous ne partageons pas tous en interne les mêmes convictions. S’agissant de l’Arcom, celle-ci me reproche « un traitement sans contradiction », lorsque j’avais interviewé François Gervais.

Tout d’abord, mon émission incarne en elle-même une forme de contradiction, puisqu’elle donne la parole à des scientifiques ou des experts invisibilisés par la plupart des médias mainstream, qui tiennent dans leur ensemble un seul discours sur le climat, le Covid-19, ou encore la guerre en Ukraine.

Il est préoccupant de constater que des experts reconnus, comme le Pr Didier Raoult, microbiologiste à la renommée mondiale, le Pr Christian Perronne, grand infectiologue, ou encore l’épidémiologiste Laurent Toubiana, soient traités comme de vulgaires charlatans. Même le prix Nobel Luc Montagnier, dont j’ai réalisé la dernière interview avant sa disparition, avait été trainé dans la boue simplement en émettant l’idée que, peut-être, le virus était sorti d’un laboratoire et non issu de l’accouplement d’un pangolin et d’une chauve-souris.

Souvenons-nous des affirmations, aujourd’hui démenties, selon lesquelles le vaccin contre le virus était efficace à 95 % et prévenait sa transmission, amplifiées à grand renfort de slogans gouvernementaux « tous vaccinés, tous protégés ». À cette époque, émettre un simple doute pouvait pourtant vous valoir d’être voué aux gémonies par la quasi-totalité des médias !

Idem pour la guerre en Ukraine. Poser des questions et estimer que Poutine n’était pas Hitler et que Zelensky n’était pas Churchill entrainait illico les accusations de factieux, de conspirationniste, de pro-russe, de Poutiniste.

Pour ma part, lorsque l’on m’accuse désormais de remettre en cause le consensus scientifique, cette fois-ci, du Giec, je m’interroge : le Giec est-il l’Évangile, le Coran ou la Torah ?

En réalité, l’Arcom ne me reproche pas tant un soi-disant « manque de contradiction » que de tendre le micro à des voix dont l’avis diverge par rapport au récit officiel. La science repose pourtant sur le débat, la discussion, la contestation. À mes yeux, le journalisme doit être une quête de vérité à travers le questionnement. N’étant pas expert, j’invite des personnes qualifiées, souvent ignorées, à partager leur perspective. Ensuite, c’est au citoyen, à l’auditeur, de se forger son propre avis en écoutant diverses opinions. Là se situe mon rôle, je le crois.

À côté de cela, vous avez d’autres façons de procéder, qui ne posent manifestement pas de souci à l’Arcom en matière de pluralité et de contradiction. Celle de France Inter par exemple, dont la directrice, Adèle Van Reeth, revendiquait ouvertement « de ne pas donner la parole à des personnes qui contesteraient le fait même du réchauffement climatique ».

Aux États-Unis, les thèses sur l’origine anthropique du réchauffement climatique sont ouvertement contestées, y compris au sein du Parti républicain et dans des médias bien établis. Comment expliquez-vous cette différence de liberté de ton et d’expression entre la France et les États-Unis ?

On peut reprocher bien des choses aux États-Unis, mais une des qualités de cette nation tient à la vigueur de ses contre-pouvoirs. Des mécanismes d’équilibre qui sont, sans conteste, bien plus robustes qu’en France. À titre d’exemple, les commissions d’enquête de la Chambre des représentants sur Anthony Fauci.

Autre exemple, tout frais : vendredi, Elon Musk, PDG de X, anciennement Twitter, a révélé que la Commission européenne lui avait proposé un accord par lequel, s’il acceptait que des publications puissent être censurées selon leurs propres désidératas, sa plateforme ne se verrait pas imposer des amendes. Contrairement aux autres réseaux sociaux, celui-ci a refusé. Une manifestation symbolique de l’amour que vouent bien des Américains à la liberté d’expression.

Par ailleurs, si l’Union européenne a réellement formulé une telle requête, cela soulève des questions inquiétantes sur la nature même de la démocratie qui se caractérise précisément par la pluralité des opinions.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.