André Gattolin : « Par le procès de Jimmy Lai, la Chine veut faire savoir au monde que son pouvoir ne connait aucune frontière »

Par Etienne Fauchaire
1 décembre 2024 19:39 Mis à jour: 1 décembre 2024 21:10

ENTRETIEN – Le procès hautement symbolique de Jimmy Lai depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale, imposée à Hong Kong par la Chine continentale en 2020, a repris le 20 novembre. Accusé de publication séditieuses et de collusion avec des forces étrangères, le patron de presse catholique et soutien revendiqué de Donald Trump a déclaré que son journal Apple Daily incarnait et promouvait « la liberté ». Opacité des procédures, mise en scène spectacle, accusations de torture destinée à arracher des aveux fabriqués… L’ancien sénateur français André Gattolin, dont le nom est cité plusieurs fois dans ce dossier au même titre que d’autres membres de l’Alliance interparlementaire sur la Chine (IPAC), analyse les aspects marquants et les retombées prévisibles de cette glaçante affaire politico-judiciaire qu’il qualifie sans ambages de « procès de Moscou ».

Epoch Times : Pour vous, quels symboles revêtent l’incarcération et le procès de cette figure emblématique du mouvement pro-démocratie à Hong Kong, et que recherche Pékin ?

André Gattolin : Pour moi, ce procès est un signal très net envoyé par la Chine, non seulement à la population hongkongaise, mais également à Taïwan et à ses entrepreneurs.

Si l’on examine l’histoire contemporaine des procès politiques chinois, celui-ci se distingue par une durée exceptionnellement longue. Débuté le 18 décembre 2023, après plus de deux ans d’instruction, il s’écarte des habitudes chinoises, où les affaires sont généralement jugées rapidement et discrètement. Ce procès évoque, par sa durée et ses méthodes, les procès de Moscou, où l’objectif est d’obtenir des aveux, qu’ils soient spontanés ou extorqués, souvent sur des faits difficilement imputables.

Dans le cas présent, si l’objet principal du procès tient à l’opposition de Jimmy Lai à la loi de sécurité nationale imposée par Pékin à Hong Kong, le narratif construit vise à le présenter non seulement comme un opposant influent, mais comme un agent actif d’un complot international, travaillant avec des réseaux étrangers pour subvertir le pouvoir chinois.

On lui reproche d’avoir participé à des manifestations anti-Pékin et d’avoir contribué à la tentative d’évasion des « HK 12  »  – douze opposants arrêtés en août 2021 alors qu’ils tentaient de fuir vers Taïwan par bateau. Parmi eux, Andy Li, activiste bien connu à Hong Kong, que j’ai eu l’occasion d’inviter au Sénat lorsqu’il était à Paris dans le but d’exposer des preuves des violences lors des manifestations. À l’époque, il avait apporté des objets symboliques de la répression et décrit avec précision l’impact de la loi de sécurité nationale, outil central de Pékin pour soumettre Hong Kong, en violation des accords sino-britanniques en vigueur jusqu’en 2047.

Andy a également joué un rôle crucial dans l’IPAC (Inter-Parliamentary Alliance on China), que nous avons fondée en juin 2020. Brillant informaticien, il gérait la logistique de nos conférences sécurisées durant la période de la crise Covid. Mais son arrestation, en août 2021, a marqué un tournant. Placé en détention, soumis à des traitements inhumains (camisole chimique, torture, isolement), d’ailleurs dénoncés par l’ONU, il a finalement été contraint de témoigner à charge contre Jimmy Lai, malgré le fait qu’il n’ait jamais eu de liens réels avec lui. Les hurlements venant de sa cellule, rapportés par d’autres détenus, témoignent de la violence qu’il a subie.

Ce procès, marqué par plusieurs reports, s’est prolongé de manière inattendue, avec de nouvelles audiences il y a quelques jours. La raison ? En plus de condamner Jimmy Lai, Pékin cherche manifestement à incriminer tout un réseau d’opposants, dont les membres de l’IPAC, cités plus d’une centaine de fois au tribunal. Personnellement, mon nom a été mentionné à de multiples reprises.

Les reports du procès se sont faits à chaque fois sous prétexte de recherches supplémentaires pour réunir des preuves ou des éléments d’accusation. Ces délais ont également coïncidé avec des attaques cybernétiques ciblées contre des personnalités de l’IPAC et des individus impliqués dans des activités liées à Taïwan.

Deux campagnes de hacking notables sont particulièrement significatives : celle menée en 2021 par le groupe APT 31, et une autre attribuée à Storm-0558. J’ai moi-même été victime des deux. Ces intrusions avaient pour but manifeste de compromettre ma correspondance, notamment via des courriels, afin de trouver des preuves d’échanges personnels avec Andy Li, des proches de Jimmy Lai, ou encore d’autres opposants taïwanais que j’ai soutenus.

Le procès est public dans une certaine mesure : des journalistes de Hong Kong, des Philippines et d’Asie du Sud-Est peuvent y assister, mais sans droit de filmer ou d’enregistrer. Malgré tout, grâce à des contacts bien informés, nous avons pu suivre de près ce qui s’y passe, d’où l’information selon laquelle l’IPAC est citée et accusée.

En réponse, l’IPAC a rédigé une lettre adressée au juge du tribunal de Hong Kong, dont je suis signataire, sollicitant une audition pour nous défendre et démontrer que nous ne sommes en aucun cas incriminables en tant qu’agents étrangers ou agents de subversion.

Les accusations portées contre nous étaient sans fondement, notamment celle nous présentant comme co-organisateurs des manifestations populaires massives de l’été 2019. L’IPAC n’existait même pas à cette époque, ce qui rend ces accusations d’autant plus absurdes. Par ailleurs, des discours critiques à l’encontre des actions de Pékin contre les libertés civiles et les droits fondamentaux à Hong Kong ne prouvent en rien l’instigation de manifestations. Comme on pouvait s’y attendre, notre demande d’audition a été refusée, renforçant ainsi le sentiment que l’ensemble du processus était biaisé et destiné à soutenir un narratif déjà forgé.

Au-delà du cas individuel de Jimmy Lai, Pékin envoie un avertissement clair à Taïwan. Lai, figure médiatique respectée et proche des milieux économiques taïwanais, représentait un pont entre les deux territoires. Par ce procès, Pékin veut dissuader les élites économiques taïwanaises – influentes et souvent implantées à l’étranger – de s’opposer à ses ambitions. C’est une stratégie calculée : que Taïwan soit soumis par des élections favorables au Kuomintang, par un blocus ou même par une invasion, Pékin sait qu’il reste un problème plus vaste : le « Taiwanisme » global, enraciné dans ses diasporas et puissamment soutenu à l’étranger, notamment aux États-Unis.

Ce procès vise donc à créer un climat de peur : peu importe votre statut ou votre influence, personne n’est intouchable face au pouvoir de Pékin. Et en parallèle, il alimente une propagande qui prépare l’opinion chinoise et internationale à une éventuelle invasion ou un potentiel blocus contre Taïwan. En cela, Jimmy Lai, harcelé depuis 20 ans, devient un symbole : maisons incendiées, attaques physiques, menaces, procès ; son cas montre que la résistance à Pékin a un coût exorbitant.

Des responsables taïwanais de haut niveau m’ont fait savoir qu’ils jugent cette lecture pertinente. Ce procès, largement ignoré par les médias chinois continentaux mais abondamment couvert à Hong Kong et en Asie, est une démonstration de force : une façon de rappeler au monde que la volonté de Pékin ne connaît ni limites, ni frontières.

Comment interprétez-vous l’asymétrie flagrante dans la couverture médiatique du procès de Jimmy Lai, largement relayé à Hong Kong et à l’international, mais selon vous presque totalement occulté en Chine continentale ?

En Chine continentale, contrairement aux célèbres procès de Moscou, où les accusations étaient abondamment relayées par la presse soviétique, le procès de Jimmy Lai est entouré d’un silence presque total. Ce mutisme qui contraste avec l’attention qui lui est donnée à Hong Kong et dans le reste de l’Asie révèle les enjeux politiques profonds que ce procès incarne.

Pour le régime de Pékin, une publicité excessive de ce procès risquerait de mettre en lumière une résistance populaire hongkongaise qu’il s’efforce de minimiser. La République populaire de Chine, qui fonde sa légitimité sur un pouvoir censé émaner du peuple, ne peut se permettre d’être associée à une opposition déterminée. C’est pour cette raison que le pouvoir central a rapidement restreint, manipulé et contrôlé les processus électoraux dans la région.

De la même manière, l’ampleur des manifestations pro-démocratiques de 2019 a été largement minorée, car Pékin redoute que ce type de contestation puisse inspirer d’autres mouvements ailleurs en Chine.

Jimmy Lai incarne un défi unique pour Pékin. Sa détermination à ne pas céder, malgré les menaces, les procès et l’emprisonnement, le rend particulièrement gênant pour les autorités chinoises. Ses origines renforcent encore la portée symbolique de son combat : fils d’une famille autrefois fortunée, il a vu son monde basculer avec l’arrivée des communistes au pouvoir en 1949. Sa mère, persécutée, a été envoyée dans des camps de travail, tandis que son père s’est réfugié à Hong Kong, où il a perdu toute sa richesse.

Jimmy Lai, alors jeune garçon, a dû se débrouiller seul dans les rues de Hong Kong, enchaînant les petits boulots. À force de persévérance et d’audace, il a réussi à bâtir un empire médiatique, symbolisant l’esprit d’entreprise et la résilience de Hong Kong. C’est précisément cette indépendance et cette réussite qui le rendent intolérable aux yeux de Pékin, car il représente tout ce que le régime cherche à contrôler : une voix libre, puissante et profondément enracinée dans la culture hongkongaise.

« Je suis catholique » : ce sont les premiers mots prononcés par Jimmy Lai devant le tribunal à Kowloon, ce 20 novembre, en présence du cardinal Zen, fervent défenseur de la foi catholique en Chine. Enfermé depuis quatre ans dans une prison de haute sécurité à Hong Kong, celui-ci a été privé de communion depuis un an. Le Vatican, toutefois, ne dit mot. Comment analysez-vous ce silence ?

Jimmy Lai ne se distingue pas seulement par sa ténacité et son engagement pour la liberté, mais aussi par sa foi catholique. Cet aspect de son identité ajoute une couche de complexité dans son opposition à Pékin. En effet, la République populaire de Chine entretient une relation ambivalente avec l’Église catholique, marquée par un accord tacite avec le Vatican : aucun évêque ne peut être nommé en Chine sans l’aval explicite du pouvoir central.

Depuis des décennies, la diplomatie vaticane adopte une attitude prudente, voire complaisante, vis-à-vis de Pékin. Pour maintenir une présence catholique en Chine et préserver la foi des dizaines de millions de fidèles chinois, le Saint-Siège accepte manifestement de se plier aux exigences du régime, notamment en se montrant silencieux sur des sujets sensibles.

Cette stratégie du silence a des répercussions évidentes. Par exemple, le Vatican n’a jamais pris de position claire sur des figures emblématiques comme le Dalaï Lama, malgré sa reconnaissance internationale en tant que défenseur de la paix et de la liberté religieuse. Ce dernier, proche de l’archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu, n’a jamais bénéficié d’un soutien similaire de la part des papes.

À Hong Kong, la situation est bien différente. Protégée historiquement par les institutions britanniques, l’Église catholique hongkongaise a conservé son indépendance et sa liberté d’expression. Cette autonomie religieuse constitue une épine dans le pied du régime communiste, pour qui toute institution, même spirituelle, doit se soumettre à son contrôle.

Le procès a subi de multiples ajournements car le gouvernement de Hong Kong, notoirement sous influence de Pékin, a empêché Jimmy Lai d’être représenté par Timothy Owen, avocat britannique des droits humains. À la dernière minute, celui-ci a été jugé non éligible suite à l’adoption en urgence d’une loi interdisant les avocats étrangers de plaider dans des affaires de sécurité nationale. Que vous inspire ce rebondissement ?

Le procès de Jimmy Lai illustre aussi une volonté claire de redéfinir les fondements juridiques hérités de l’époque britannique. Jimmy Lai, en tant que citoyen britannique, bénéficie encore, au moins théoriquement, de la protection des mécanismes juridiques établis sous l’autorité de l’Angleterre. Pourtant, ces protections sont méthodiquement érodées, au mépris du principe « un pays, deux systèmes » censé garantir l’autonomie judiciaire de Hong Kong jusqu’en 2047.

L’intervention contre Tim Owen, avocat britannique de renom, en est une démonstration frappante. Alors qu’il se préparait à défendre Jimmy Lai, une loi d’urgence a été instaurée, interdisant aux avocats étrangers de plaider dans les affaires liées à la sécurité nationale. Cette mesure, taillée sur mesure pour entraver la défense de Lai, a bafoué le statut juridique particulier de Hong Kong.

Comme je le soulignais plus tôt, je suis aussi persuadé que cette manœuvre visait aussi à accorder le temps nécessaire aux autorités pour assembler un dossier à charge, incluant des preuves qui viseraient non seulement Lai, mais également des figures occidentales perçues comme menaçantes pour la stabilité du pouvoir chinois.

À ce sujet, en février, le procureur général a présenté comme élément de preuve à charge un article d’Apple Daily datant d’août 2020, dans lequel était rapportée une conférence de presse de Donald Trump à la Maison-Blanche. Le républicain y qualifiait Jimmy Lai d’« homme brave ». Ce dernier, en réponse sur Twitter, le remerciait, ajoutant que « Hong Kong ne peut réussir sans la liberté ». « J’ai toujours soutenu Trump et les Républicains », a déclaré l’accusé lors de son procès. Durant sa campagne présidentielle, Donald Trump a promis de « libérer à 100% » Jimmy Lai. Mais la question demeure : pensez-vous que la liberté de Jimmy Lai pourrait devenir un levier stratégique dans un jeu de négociation pour extorquer des concessions de la part des États-Unis ?

Je pense que, malgré sa volonté, Trump ne peut pas renverser en un jour des situations géopolitiques aussi inextricables.

Cependant, obtenir la libération de Jimmy Lai, même après une condamnation, n’est pas inenvisageable. À 77 ans, il n’est pas exclu que la Chine consente à l’expulser vers les États-Unis ou un autre pays, sous prétexte de raisons humanitaires, afin de redorer son image internationale.

Aujourd’hui amaigri et en mauvaise santé, Jimmy Lai n’est pas cependant victime de mauvais traitements physiques en prison. Cela semble délibéré : Pékin cherche à projeter une image d’équité judiciaire, malgré les accusations d’instrumentalisation de la justice à des fins politiques.

Sa libération servirait bien sûr également de levier politique dans un dialogue avec Washington, même s’il est peu probable que jouer cette carte suffise à établir une position de force dans ses négociations avec les États-Unis.

Ce serait plutôt une manœuvre préliminaire, une sorte d’« apéritif » diplomatique, en vue d’établir des relations plus raisonnées entre Pékin et Washington. Je ne rentrerai pas dans les détails, mais je peux vous confier que plusieurs voyages de responsables républicains en Chine ont eu lieu avant l’élection de Donald Trump. Ces initiatives, sans naïveté face au régime chinois, visaient à poser les bases d’un dialogue sérieux, loin des aboiements auxquels nous avons été habitués sous Joe Biden.

Il est intéressant de savoir que contrairement aux relations entre les États-Unis et la Russie, qui disposent d’un téléphone rouge pour éviter des escalades militaires incontrôlées, aucun mécanisme de ce type n’existe actuellement entre Washington et Pékin. Par exemple, lorsqu’un missile balistique russe a été tiré le 21 novembre dernier sur une usine à Dnipro, en Ukraine, Moscou a préalablement averti les États-Unis, précisant qu’il ne s’agissait pas d’une frappe nucléaire.

Quel était l’objectif recherché par ces émissaires républicains dans le cadre de cette mission ?

Ils étaient en mission pour sonder la Chine et évaluer la véritable portée de ses intentions belliqueuses vis-à-vis de Taïwan, réelles ou simplement symboliques. Les États-Unis ne toléreraient pas que Pékin devienne la puissance dominante mondiale ou qu’elle établisse un contrôle sur des voies stratégiques, mais ils explorent également des moyens de maintenir un dialogue ferme mais rationnel avec la Chine.

Selon la Heritage Foundation, la Chine, qui construirait annuellement 100 nouvelles ogives nucléaires, ambitionne de développer un arsenal atomique surpassant celui des États-Unis dans les deux prochaines décennies. Parallèlement, le Center for a New American Security suggère que Pékin, dans le cadre d’un conflit américano-chinois consécutif à une invasion de Taïwan, pourrait recourir à l’arme nucléaire pour forcer la reddition d’une Amérique en manque rapide d’armements conventionnels. Ce scénario représente-t-il un facteur pris en compte par Washington dans ses calculs stratégiques ?

Sur ce dernier point, j’ai des réserves. Je pense que la capacité des États-Unis à entrer en économie de guerre serait simplement stupéfiante. En outre, imaginez si, demain, on demandait à Elon Musk de mettre en place un programme similaire au projet Manhattan, avec des armes et des instruments de dissuasion entièrement nouveaux. Il pourrait le faire, et je ne suis même pas certain que de tels programmes n’existent déjà en sous-main.

Je reste également sceptique concernant l’évaluation de la puissance nucléaire sur la seule base du nombre d’ogives. Il existe trois types d’ogives nucléaires. Les premières sont les ogives statiques, installées sur des territoires terrestres. La probabilité de parvenir à leur destruction, avant ou après leur lancement, est extrêmement élevée. C’est pourtant précisément le domaine dans lequel la Chine est essentiellement investi.

Puis, il y a les ogives aéroportées, qui offrent une bien plus grande agilité. Cependant, pour un conflit généralisé, cela nécessiterait un nombre massif de bases, ce que les États-Unis possèdent, mais que la Chine n’a pas encore. Certes, des porte-avions peuvent aider les déplacements, mais un porte-avions dans l’océan est comparable à un éléphant dans un couloir : il est repérable très rapidement, et donc vulnérable.

Dans la dissuasion atomique, les ogives les plus redoutables sont celles qui sont à bord de sous-marins nucléaires. Ces armes sont mobiles, invisibles, furtives, et très difficiles à localiser, malgré les systèmes de commandement et d’échange d’informations. La Chine a bien développé une flotte de sous-marins nucléaires, mais, bien que de bonne qualité, ils ne sont pas encore au niveau technologique des sous-marins d’attaque les plus avancés.

Un autre problème majeur pour la Chine est son accès maritime. Les mers à partir desquelles ses sous-marins peuvent être lancés, telles que la mer de Chine méridionale, sont particulièrement peu profondes. En d’autres termes, un sous-marin qui se déplace dans cette région est pratiquement visible à l’œil nu — ou presque. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Taïwan revêt une importance stratégique et tactique.

L’intérêt de Taïwan ne se limite pas simplement aux ressources, comme les supraconducteurs, ou au contrôle des voies maritimes. Il réside également dans sa position, offrant la possibilité de créer des installations stratégiques en profondeur sur un territoire maîtrisé. C’est pourquoi, pour l’instant, je pense que les conditions stratégiques de la Chine ne sont pas encore suffisamment favorables pour envisager un conflit de cette ampleur.

Cependant, si la Chine parvient à soumettre Taïwan dans les dix prochaines années, cela modifierait radicalement la donne. De plus, si elle continue de développer des bases militaires maritimes, comme celles qu’elle a déjà établies en mer Rouge, ou les nouvelles installations qu’elle construit avec la complicité du Cambodge à seulement 20 kilomètres de Sihanoukville, ou encore au Sri Lanka, en Afrique, et en Amérique latine, alors le danger deviendrait véritablement considérable.

Depuis l’instauration de la Loi sur la sécurité nationale en 2020, des actions telles que remettre en question le statut de Hong Kong, chanter en faveur de l’indépendance ou commémorer le massacre de Tian’anmen peuvent entraîner de sévères sanctions. Dans ce cadre, quel avenir percevez-vous pour Hong Kong ?

Lors de mes rencontres avec des Hongkongais à Washington et à Londres, j’ai perçu un sentiment profond de pessimisme quant à l’avenir. Malheureusement, je ne vois pas de retour en arrière possible. L’erreur fondamentale a été commise au moment même où la situation s’est envenimée.

À ce moment-là, Londres, englué dans ses crises politiques internes et obnubilé par le Brexit, n’a pas réagi. Le Foreign Office, concentré sur l’organisation de la sortie de l’Union européenne, n’a pas porté une attention suffisante à la question de Hong Kong, d’autant plus que le Premier ministre de l’époque, David Cameron, grand ami de la Chine, n’a pas réagi. Aujourd’hui, le Royaume-Uni affiche des positions bien plus fermes, mais il est déjà trop tard.

L’un des leviers que le Royaume-Uni aurait pu utiliser à l’époque est le traité sino-britannique qui garantit le statut de Hong Kong jusqu’en 2047. Ce traité, qui prévoyait un cadre de « un pays, deux systèmes », ne comportait pas de clause permettant de réévaluer sa mise en œuvre ou d’introduire des rectifications en fonction des circonstances.

Si le Royaume-Uni avait agi plus rapidement, il aurait pu saisir les Nations Unies ou les tribunaux internationaux pour faire valoir le non-respect de l’accord par la Chine. Cela aurait constitué une forme de pression légale sur Pékin, en invoquant notamment la Convention de Vienne, qui régit l’interprétation et la révision des traités internationaux : le traité entre la Chine et le Royaume-Uni, signé sous la garantie de plusieurs autres pays, ne contenait aucune flexibilité.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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