« Oleg Sentsov peut mourir à chaque minute »: de nouveaux appels à libérer le cinéaste ukrainien, détenu en Russie, ont été lancés mardi, au 100e jour de sa grève de sa faim , face à une apparente indifférence du Kremlin. Le cinéaste de 42 ans, opposé à l’annexion de la Crimée, a cessé de s’alimenter le 14 mai et n’est maintenu en vie que par les compléments alimentaires injectés par l’administration pénitentiaire russe. Il exige la libération de « tous les prisonniers politiques » ukrainiens emprisonnés en Russie.
Moscou refuse de céder sur cette affaire, le réalisateur doit demander une grâce pour l’obtenir
En dépit des nombreux appels d’écrivains, acteurs ou cinéastes occidentaux en faveur du réalisateur, Moscou refuse de céder sur cette affaire, rappelant la gravité des charges de « terrorisme » lui ayant valu sa condamnation et assurant que le réalisateur doit demander une grâce pour l’obtenir.
« S’il restait aujourd’hui quelque chose à sauver d’une affirmation politique des démocraties européennes, elles le perdraient définitivement avec la mort d’Oleg Sentsov », écrivent dans une tribune publiée dans le quotidien français Le Monde des dizaines de personnalités du monde culturel, du cinéaste Jacques Audiard au philosophe Slavoj Zizek. « Oleg Sentsov peut mourir à chaque minute qui passe », ajoutent les signataires, appelant les dirigeants européens à faire pression sur la Russie.
Des cinéastes tchèques feront une grève de la faim jusqu’au 25 août,
A Prague, plusieurs cinéastes tchèques ont annoncé qu’ils seraient en grève de la faim jusqu’au 25 août, appelant leurs collègues à prendre le relais les jours suivants, afin de manifester leur solidarité avec Oleg Sentsov. En 2015, Oleg Sentsov a été condamné à 20 ans de détention pour « terrorisme » et « trafic d’armes » à l’issue d’un procès qualifié de « stalinien » par Amnesty International et dénoncé par Kiev, l’Union européenne et les États-Unis.
Les ambassadeurs du G7 à Kiev ainsi que de nombreuses personnalités du monde culturel, comme le cinéaste suisse Jean-Luc Godard ou l’acteur américain Johnny Depp, ont déjà appelé à sa libération. Le secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères Alan Duncan s’est dit mardi, dans un communiqué, « extrêmement préoccupé » par l’état de santé du cinéaste ukrainien.
« Oleg Sentsov observe sa grève de la faim depuis 100 jours. C’est un chiffre effrayant », a déclaré mardi sur Twitter la porte-parole de la diplomatie ukrainienne, appelant les Occidentaux à « renforcer la pression sur la Russie ».
Diverses manifestations
A Kiev, plusieurs dizaines de personnes ont manifesté devant l’ambassade de Russie à Kiev, brandissant des pancartes « Liberté pour Sentsov » ou « Stop Poutine ». Le réalisateur « n’entend pas abandonner sa grève, ni demander à Poutine de le gracier », a assuré sa cousine Natalia Kaplan aux journalistes. « Moralement, c’est le même Oleg. Il n’est pas brisé. »
Dans un entretien à l’AFP la semaine dernière, elle s’était montrée alarmiste quant à son état de santé: « Oleg perd espoir » et « ne croit plus » en une libération. Qualifié de « kamikaze ukrainien » par son avocat, qui le dit « prêt à mourir », le réalisateur a toutefois consenti depuis plusieurs semaines à prendre des compléments alimentaires destinés habituellement aux malades incapables de se nourrir.
D’après une militante russe le prisonnier se tient debout et marche
D’après Zoïa Svetova, une militante russe qui a pu le rencontrer le 14 août dans la colonie pénitentiaire de Labytnangui (nord), le prisonnier se tient debout et marche, regarde la télévision, écrit et reçoit « beaucoup de lettres ». Le cinéaste dit avoir perdu 17 kilogrammes, mais « les médecins de la prison parlent de 11 kilos« , selon Mme Svetova.
Les autorités pénitentiaires russes ont annoncé mi-août que des membres de la commission de surveillance publique des prisons avaient rendu visite au cinéaste qui, au cours de la conversation, « ne s’est plaint de rien ». Le 10 août, le président français Emmanuel Macron a fait par téléphone « plusieurs propositions » à Vladimir Poutine afin de « trouver de façon urgente une solution humanitaire », sans donner plus de détails sur ces propositions.
Vladimir Poutine et le président ukrainien Petro Porochenko avaient évoqué en juin au téléphone un éventuel « échange de prisonniers » entre les deux pays, mais cela ne s’est pas concrétisé. Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a lui répété à plusieurs reprises qu’une grâce ne pouvait être accordée qu’à la demande du prisonnier, mais Oleg Sentsov s’y refuse. Kiev a cependant balayé cet argument, rappelant que la pilote ukrainienne Nadia Savtchenko, emprisonnée en Russie puis libérée à l’issue d’un échange de prisonniers en 2016, n’avait jamais demandé à être graciée.
DC avec AFP
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