Le Parti communiste chinois applique un régime de censure de l’Internet tellement strict que lorsqu’il y a un trou – en particulier un grand trou, évident et béant – les observateurs sont enclins à conclure qu’il doit être laissé délibérément.
Ainsi, peu de temps après le 28 septembre 2012, où il avait été annoncé que Bo Xilai, le fonctionnaire expulsé du Politburo, avait été aussi exclu du Parti, et que la recherche de termes politiquement sensibles tels que «prélèvements à vif» et «prélèvements meurtriers» avait été autorisée sur plusieurs sites populaires, les analystes ont essayé de comprendre ce que cela signifiait.
Ethan Gutmann, un chercheur et auteur de nombreux ouvrages sur les pratiques abusives de transplantation d’organes en Chine, avait écrit dans un courriel: «Je pense que très peu de gens savent réellement ce que cela signifie».
Il est tentant d’imaginer que cela suggère que quelqu’un au sommet du Parti envoyait un message à la ligne dure et aux partisans cachés de Bo, quelque chose du genre «Nous aurions pu aller beaucoup, beaucoup plus loin dans les accusations contre Bo. Donc, nous lui faisons une faveur. Eloignez-vous. Oubliez tout cela. C’est Chinatown». La dernière phrase est tirée du film Chinatown de Roman Polanski en 1974, signifiant d’une certaine manière que de graves injustices restent parfois impunies.
Deux grandes plateformes Sina Weibo et Tencent Weibo (weibo signifie «microblog» en chinois), avaient levé l’interdiction sur les recherches associées aux prélèvements d’organes. Des articles dans l’édition chinoise d’Epoch Times relatant des témoignages récents à ce sujet au Conseil des droits de l’homme des Nations Unis avaient été diffusés par des internautes chinois en utilisant ces mots clés.
Les termes qui ont été débloqués comme «prélèvements à vif» sont presque exclusivement utilisés en référence aux allégations de prélèvements d’organes sur des prisonniers de conscience, le plus souvent des pratiquants de Falun Gong.
Une séquence d’événements semblable a eu lieu au mois de mars 2012, après la fuite de Wang Lijun au consulat américain de Chengdu. On pensait qu’il avait révélé aux fonctionnaires américains son implication dans les prélèvements d’organes dans le nord-est de la Chine.
Entre 2003 et 2008, Wang était le chef de la sécurité dans la ville de Jinzhou et dirigeait un laboratoire médical rattaché au Bureau de la sécurité publique qui se focalisait sur la recherche dans le domaine de transplantation d’organes.
Dans son discours lors d’une remise d’un prix qui a été mis en ligne, Wang a reconnu avoir participé à des «milliers» d’opérations de transplantations effectuées sur place. Compte tenu du contexte de ses remarques, les analystes sont parvenus aux conclusions provisoires que la plupart des transplantations avaient été effectuées tandis que les victimes étaient toujours en vie et que la plupart des victimes étaient probablement des pratiquants de la discipline spirituelle du Falun Gong, une pratique populaire traditionnelle qui est persécutée depuis 1999 en Chine.
Les analystes partageaient l’avis que les hauts dirigeants du Parti étaient au courant des crimes de Wang et qu’en médiatisant l’information sur son implication dans ces crimes, ils essayaient d’une certaine façon d’épargner la participation dans son ensemble du Parti communiste.
Les microblogs Sina et Tencent ont également levé l’interdiction sur les noms de Bo Xilai, Gu Kailai et Wang Lijun. Gu Kailai est l’épouse de Bo, elle a été récemment condamnée à la peine de mort avec sursis pour le meurtre de l’homme d’affaire britannique Neil Heywood.
Ce changement, bien que subtil de la censure, a suscité des discussions et des réflexions parmi les internautes.
Un utilisateur a écrit: «Ces crimes odieux sont déjà connus dans la société internationale mais peu de gens sont au courant en Chine où l’information est fortement bloquée. Les instigateurs sont les gauchistes les plus extrêmes et pervers. Ils doivent être tenus responsables et condamnés!» Le terme «gauchiste» fait référence aux purs et durs du Parti.
Un utilisateur de Tent-cent a écrit: «Les prélèvements d’organes touchent probablement un nerf sensible du Parti pervers, alors ils n’osent pas en parler».
Un autre utilisateur a écrit: «Le gouverneur B (Bo Xilai) a commis des crimes de prélèvements d’organes à vif et la fabrication de spécimens humains. Ses crimes contre l’humanité, quand seront-ils réglés?»
Un autre a écrit: «Ils n’osent pas faire connaître aux gens le prélèvement d’organes à vif et la vente d’organes car ils périraient une fois que cela sera connu.»
Lin Zixu, un analyste de la politique chinoise, a déclaré lors d’une interview à Son de l’espoir, une radio en langue chinoise installée hors de la Chine: «Tout le monde est au courant que le Parti communiste est très prudent par rapport à chaque déclaration concernant Bo Xilai, parce que c’est un sujet extrêmement sensible. Ils font attention à chaque signe de ponctuation».
Il a dit que beaucoup de gens à l’intérieur de la Chine, y compris les dirigeants du Parti, sont déjà au courant de l’implication de Bo et Wang dans les prélèvements d’organes. «Ces gens du Parti qui n’étaient pas impliqués savent que tôt au tard cette affaire explosera et qu’ils devront dire qu’ils étaient en train d’enquêter pendant tout ce temps pour pouvoir mettre la responsabilité sur Bo Xilai et les autres.»
Lin a poursuivi: «Mais maintenant tout le monde sait aussi que la raison fondamentale pour que cela se soit produit en premier lieu était due au système du Parti communiste».
Contribution aux recherches Albert Ding et Ariel Tian.
Correction: La phrase «C’est Chinatown» mentionnée par Ethan Gutmann se réfère au film noir Chinatown, signifiant que l’injustice persiste dans le monde.
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