Un monde à découvrir et à protéger : les coraux d’eaux froides

Écrit par Suzi Loo La Grande Époque
22.01.2010
  • Falaise colonisée par des coraux d’eaux froides sur le canyon du Croisic (© NUIG)(攝影: / 大紀元)

Suite sur le retour de mission qui s’est déroulée du 13 au 28 0ctobre 2009, à bord du navire océanographique Pourquoi pas ? , avec pour objet : l’exploration des coraux d’eaux froides du golfe de Gascogne : dans le cadre de la Campagne BOBGEO et du programme : «Reconnaissance et caractérisation du plateau» mené par Jean-François Bourillet, responsable du programme à IFREMER. Cette mission a permis de caractériser la géologie des fonds sous- marins où vivent les coraux des profondeurs. Elle est soutenue par le Ministère du Développement durable et l’Agence des aires marines protégées. Cette campagne BOBGEO s’intègre dans le projet européen CoralFISH.

Les objectifs de CoralFISH

CoralFISH poursuit plusieurs objectifs :

- mieux connaître les habitats des coraux d’eaux  froides d’Europe et les poissons associés

- développer des indicateurs pour estimer l’impact des pêcheries sur l’habitat des coraux et leur empreinte génétique

- développer également des outils pour une meilleure gestion de cet écosystème.

Intégré dans le 7ème programme cadre européen, CoralFISH rassemble seize partenaires dont un français, Ifremer. Six zones vont être explorées depuis la Mer de Norvège jusqu’à la Mer Ionienne parmi elles, le Golfe de Gascogne.

Un monde à découvrir et à protéger : les coraux d’eaux froides 

Actuellement très peu de données sont disponibles sur ces «coraux profonds» ou « coraux d’eaux froides» pour la façade atlantique française. C’est dans l’obscurité que ces coraux se développent par des profondeurs qui, sous nos latitudes sont comprises entre 160 et 2000 mètres dans une eau entre 2 et 14°C. Certains coraux peuvent constituer des récifs de plusieurs centaines de mètres de long et des dizaines de mètres de haut. Ils peuvent vivre des milliers d’années et constituent la base d’un écosystème riche et complexe. Actuellement, ces milieux fragiles sont menacés. A court terme par les activités humaines, notamment par les pêcheries profondes et à moyen terme par le changement climatique et l’acidification des océans. Les coraux d’eaux froides sont en effet particulièrement sensibles aux variations de température de l’eau. Par ailleurs, de nombreux coraux ont besoin de carbonate de calcium pour élaborer leur squelette. En dessous d’un certain seuil de saturation dans l’eau de mer, qui reste dépendant de la profondeur car la solubilité augmentant avec la pression, ils ne peuvent plus se développer. L’augmentation de la dissolution du dioxyde de carbone dans l’eau  de mer provoquant l’altération de la chimie des carbonates  et l’accroissement de l’acidité des océans sont susceptibles de restreindre les zones favorables au développement des coraux.

Une prédiction réalisée à partir d’une hypothèse de travail du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernementaux sur l’Evolution du Climat) montre que d’ici la fin du 21éme siècle, 70% des coraux d’eaux froides se retrouveraient dans des eaux insaturées.

Différentes missions, des campagnes complémentaires

Des missions différentes du projet CoralFish sont prévues dans la région du golfe de Gascogne dont les deux plus importantes sont : BobGeo (Bay of Biscay-Geology) qui a eu lieu du 13 au 28 octobre et qui était axée sur la géologie et BobEco (Bay of Biscay-Ecology) sur l’écologie des coraux, prévue pour 2011.

BobGéo constitue le volet géologique de l’étude qui doit apporter une connaissance de la nature et de la morphologie des fonds sur lesquels vivent les coraux d’eaux froides.  «BobGeo était une mission d’exploration», explique Jean-François Bourillet. «Nous souhaitions avant tout observer l’environnement des coraux et leur répartition.»

Cette exploration est complétée sur le plan biologique par des campagnes d’opportunité, comme les campagnes EVHOE, Celtic Explorer_0908, permettant d’identifier les principaux faciès, correspondant aux principaux habitats de coraux et à la faune associée. Finalement, dans les sites remarquables repérés grâce aux campagnes précédentes, une cartographie plus précise et des prélèvements de coraux pourront être effectués lors de la campagne BobEco. Campagne prévue pour 2011, elle doit permettre de comparer les communautés associés aux récifs et la composition génétique des peuplements de coraux du Golfe de Gascogne et de ceux de Norvège et d’Irlande afin d’établir l’impact potentiel des perturbations sur la biodiversité, la dynamique et la connectivité des peuplements de coraux dans ces zones. «C’est un projet interdisciplinaire : les biologistes travaillent sur un site donné en étudiant l’évolution de l’écosystème à l’échelle de temps de la décennie, tandis que les géologues apportent une distribution spatiale et une évolution à l’échelle du siècle et du millénaire. Ce sont deux approches complémentaires», confie Jean-François Bourillet.

Les objectifs de BobGeo

L’objectif majeur de la campagne BobGeo est d’obtenir une cartographie à haute résolution de zones typiques des canyons et interfluves du Golfe de Gascogne où des coraux ont déjà été signalés. L’analyse détaillée de ces zones déterminera les caractéristiques géologiques, sédimentaires et hydrologiques des «paysages» sous marins impliqués dans la distribution spatiale des coraux. L’analyse de vidéos réalisées lors des plongées permettra de compléter ces résultats avec des observations visuelles sur le fond de la mer et la faune associée. Les informations collectées serviront également à la connaissance du plateau continental pour des raisons scientifiques et pour répondre aux engagements de la France aux conventions internationales et aux directives européennes.

Quatre types d’opérations ont été menés lors de la mission pour atteindre ces objectifs.

Une reconnaissance des couches géologiques le long du rebord du plateau continental par la sismique réflexion.

Une reconnaissance cartographique Haute Résolution d’un quart du rebord du plateau continental du golfe du Gascogne par sondeur multifaisceaux et sondeur de sédiment

Une reconnaissance visuelle au cours des plongées photographiques grâce au «Scampi»

Des prélèvements de sédiments ont également été effectués, ainsi que des mouillages d’observatoires de l’environnement du fond de mer sur deux secteurs distincts.

Des coupes géologiques par sismique réflexion

Lors de la campagne, les profils de sismique réflexion haute résolution ont fourni une image des formations sédimentaires de la marge, d’une précision jamais atteinte. Les formations sont séparées par des discontinuités, probablement dues aux variations du niveau marin. La façon dont elles sont déposées nous renseigne sur l’histoire géologique, hydrodynamique et climatique de la marge. L’interprétation permettra d’estimer l’âge des couches constituant les escarpements des reliefs sur lesquels se développent les coraux.

Une cartographie haute résolution du rebord du plateau et des canyons

Pour la première fois, une cartographie haute résolution a été menée au cours d’une campagne scientifique à l’aide des sondeurs multifaisceaux du N/O Pourquoi pas ? Ainsi, les informations du relief seront disponibles à une résolution de 20 mètres par 20 mètres contre 125 mètres par 25 mètres pour la dernière cartographie de la zone 15 ans auparavant.

Une étude d’un secteur sur 4000 km²

Le commencement de la campagne était consacré à l’étude d’un secteur de 4000 km² situé en haut de marge sous l’influence des courants de marée de la Manche. Sa morphologie complexe, est dominée par des canyons fortement incisés, étroits, certain formant des bassins versants analogues à ceux du continent. La carte morpho-bathymétrique obtenue a mis en évidence des détails jusqu’alors ignorés comme des ravines, des cicatrices de glissement, des falaises de plusieurs dizaines à centaines de mètres  de hauteur en bas des flancs de canyons et principalement au niveau des têtes de canyons, comparables aux cascades et chutes de torrents. Elles témoignent de l’évolution des canyons par érosion régressive. Le second secteur étudié de 3000 km ² est une portion typique du Golfe de Gascogne avec une alternance de grands canyons et de canyons étroits. Les premiers atteignent le plateau continental et l’entaillent de grandes échancrures témoignant de leur  «maturité», les têtes des seconds sont localisées à mi-pente, caractérisant leur caractère «juvénile».

   

Des canyons ont été visités

Durant la campagne BobGeo, deux canyons à l’ouest et à l’est du premier secteur ont été visités par des profondeurs comprises entre 200 à 1200 mètres. En haut de pente et sur les crêtes, les courants forts laissent de nombreuses traces. Des squelettes de coraux morts enfouis ou sur le sédiment, ont été observés. Plusieurs espèces de coraux vivants (Antipathaires, Lophellia pertusa, Madrepora oculata) ont été observées et isolées, principalement au pied des flancs des canyons à l’occasion d’affleurement des couches géologiques. Les rides sédimentaires des fonds de canyons traduisent une activité des courants et de nombreux poissons y sont regardés. Des plongées ont eu lieu pour chaque type de canyon du second secteur sur une gamme de profondeur de 300 à 1300m. La distribution des coraux se répète avec cependant des différences. Les parties moins profondes présentent des débris de coraux, des traces de courants et de nombreuses traces de chalutage.

L’une des plongées effectuée entre 600 et 1200 mètres, a révélé sur le sol des couvertures importantes de populations de coraux (Lophelia pertusa, Madrepora oculata) allant jusqu’à 100%. Cette couverture est caractéristique de récif avec, à la base, un mélange de coraux recouvert de sédiments et des coraux vivant en surface en densité variable.

Des campagnes qui s’avèrent positives 

Sur les 130 canyons de la marge nord du Golfe de Gascogne, 85% sont dans les eaux sous juridiction française. Au cours de la mission BobGeo, trente quatre ont été cartographiés à haute résolution et 4 ont été partiellement visités au cours des onze plongées. Les campagnes EVHOE (octobre 2008 et novembre 2009) ont permis de réaliser dix plongées SCAMPI. Quatre plongées ROV ont été effectuées durant la campagne Celtic Explorer (mai 2009). Ces campagnes ont permis d’explorer cinq autres canyons, de découvrir d’importants massifs de coraux dans trois d’entre eux et d’explorer pour la première fois une falaise située à 1500 mètres de profondeur, présentant de belles colonies de coraux typiques de ces profondeurs.

Ces données récentes, complétées par l’étude de données vidéos et photos, collectées antérieurement pour d’autres objectifs, ont permis d’identifier dans le Golfe de Gascogne une diversité importante de faciès coralliens ainsi que des faciès d’éponges.

Le projet CoralFish réunit seize partenaires européens :

 Université Nationale d’Irlande (Galway)- Institut de Recherche Marine de Norvège -Institut de Recherche Marine d’Islande- Institut de Recherche Marine (IMAR-Azores), Portugal- Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer)- Le centre Hellénique pour la Recherche Marine- Le Consortium National Interuniversitaire pour les Sciences de la Mer (CoNiSMa), Italie- La Société Zoologique de Londres- L’Académie Royale Néerlandaise des Arts et des Sciences (NIOO)- L’Université de TromsØ, Norvège- L’Université d’Aberdeen Royaume-Uni- L’Institut  Royal Néerlandais pour la Recherche Marine (NIOZ)- O’Malley Fisheries, Irlande- L’Université Friedrich-Alexander d’Erlangen-Nuremberg, Allemagne- L’Université Nationale d’Irlande (Cork)- L’Université de Brême Allemagne.

Pour en savoir plus

Dossier de presse : BobGeo retour de mission après l’exploration des coraux d’eaux froide du golfe de Gascogne