Après le non à l’article 74 pour la Martinique et la Guyane

Écrit par Christine Modock, La Grande Époque Martinique
24.01.2010

  • MARTINIQUE, FORT DE FRANCE : Photo prise le 6 janvier 2010 à Fort de France de panneaux électoraux appelant au vote le 10 janvier lors du referendum sur l'évolution statutaire et institutionnelle de leur territoire. Les électeurs de Martinique et de Guyane se prononceront sur un passage éventuel à l'article 74 de la Constitution qui transformerait ces deux DOM-ROM (départements-régions d'outre-mer), soumis aux mêmes règles juridiques que la métropole, en collectivités d'outre-mer (COM), pouvant bénéficier d'une autonomie accrue en vertu d'un principe de(PIG: PATRICE COPPEE / ImageForum)

C’est avec un non ferme que les martiniquais et les guyanais ont répondu,  le 10 Janvier 2010, à la proposition d’évolution statutaire dans le cadre de l’article 74 de la Constitution. Quelle va être la décision pour le 24 janvier 2010 ?

Une situation économique difficile

 

Rappelons que suite à la crise sociale qui a frappé les Antilles en février 2009, de nombreuses revendications ont été exprimées, dont le débat statutaire. Le malaise des populations ultra-marines ayant été porté au niveau des instances nationales, des mesures urgentes ont alors pu être proposées par le Gouvernement pour parer à certaines difficultés. Toutefois, l’économie de l’île ayant été mise à mal par une grève qui a duré 38 jours, le secteur économique déjà fragilisé, s’est trouvé quasiment anéanti, avec des liquidations en masse, tandis que les caisses des collectivités locales se vidaient suite à aux diminutions de ressources et à la nécessité de répondre à des engagements divers, dont leur participation aux 200 euros de prime de cherté de la vie. A noter que la part des collectivités n’est pas versée à ce jour.

 

Progressivement, la vie économique est devenue difficile pour les chefs d’entreprise, avec une chute radicale notamment du secteur du bâtiment, de l’hôtellerie, du commerce et un immobilisme des promoteurs et investisseurs. Parmi les différentes causes, on peut citer : la suppression de la défiscalisation du secteur privé et les craintes de la perspective du changement institutionnel des votes du 10 et 24 janvier 2010, en Martinique et en Guyane.

C’est vrai que depuis un an déjà, les débats du Congrès sur le futur statut de la Martinique et de la Guyane, ont mobilisé l’échiquier politique et les forces économiques de ces deux départements, en vue d’orienter la population vers la voie de l’autonomie. L’objectif visait à tendre vers plus de responsabilité et de pouvoir, tout en demeurant dans le cadre de la République française.

Un non ferme au changement statutaire

 

Mais, ce 10 Janvier 2010, les électeurs ont dit non. Malgré une forte mobilisation des élus martiniquais et guyanais, qui ont jugé le délai trop court pour convaincre ainsi qu’une importante implication des radios locales et d’Etat vers ce changement de statut. Le peuple a dit non,  un non ferme, exprimé par plus de 54 % des électeurs martiniquais avec 79,60% de votants et 49% des électeurs guyanais avec 69,60 % de votes exprimés : «leur département  ne serait pas une collectivité autonome».

 

Pour la première fois, les départementalistes  des forces martiniquaises de progrès (FMP),  les socialistes et les progressistes, ont combattu les indépendantistes et autonomistes, pour rester dans la sécurité législative de l’article 73.

Ce résultat est un désaveu fait aux trois quarts des hommes politiques, qui ont défendu farouchement  l’article 74. C’est aussi la preuve d’une expression réelle de la liberté du peuple de faire un choix contraire à celui demandé par ses élus, et ce, malgré l’affirmation par certains, de l’immaturité des électeurs domiens pour comprendre ce qui leur est demandé.

Alors que Claude Lise, Sénateur et Président du Conseil Général, était convaincu que : «l’article 74, accorderait un pouvoir local règlementaire dans la cadre de compétences choisies». Serge Letchimy, Député-maire, pour sa part, déclarait que «l’article 74, tel qu’il est rédigé, n’engage pas l’Etat. C’est la loi organique venant après la consultation, qui organisera les pouvoirs internes. Le seul élément certain, avec l’article 74, c’est que nous perdions l’égalité des droits».

D’où cette troisième voie proposée par lui, d’une collectivité unique dans le cadre de l’article 73 : «pour ne pas s’enfermer dans le oui ou le non». C’est  donc, celle-ci qui fera l’objet du vote du 24 janvier prochain.

Déception des : «quatorzistes»

 

Les tenants du «Oui», très amères des résultats exprimés le 10 janvier dernier, qualifient le choix fait par le peuple de : «vote de la peur». Ce sont les positions du M.I.M (mouvement indépendant martiniquais), conduit par Monsieur Alfred Marie-Jeanne, Député et Président du Conseil Régional et du R.D.M (Rassemblement Démocratique Martiniquais), conduit par Monsieur Claude Lise, Sénateur et Président du Conseil Régional, et de Madame Christiane Taubira, député de la Guyane, qui déclare : «le tour de passe-passe a été de croire que la seconde consultation était une alternative à la première élection».

 

Le Député Maire de Fort-de-France, a signalé à la presse, après les élections,  que : «ceux qui utilisent cet argument de la peur, se trompent lourdement, parce que c’est sous estimer le peuple en considérant qu’ils sont des «têbet» (béni oui-oui), surtout avec 80 % des votants. C’est un faux argument…Je n’ai jamais parlé d’acquis, mais d’égalité des droits. C’est très différent, parce que, si vous voulez l’autonomie, il faut s’organiser et se structurer par soi-même  … On est davantage aujourd’hui, dans une perspective de se retrouver ensemble, pour militer collectivement, pour que la collectivité unique puisse passer dans l’article 73. Qu’on le veuille ou non, tous les élus devront rentrer dans un processus de discussions et de négociations.»

La Ministre de l’Outre-mer, Madame Marie-Luce Penchard, a affirmé à la prise de connaissance des résultats : «Je crois que les élus locaux doivent en tirer un enseignement. Ils ont tous réclamé un peu plus d’autonomie, mais ce n’est pas ce que demande le peuple».

Quelle décision pour le 24 janvier 2010

 

Dimanche 24 le peuple guyanais et martiniquais devra retourner aux urnes pour dire s’ils souhaitent ou pas une assemblée unique dans le cadre de l’article 73. Pour l’heure, l’ensemble des formations politiques de droite et de gauche, à raison de 99 %, donne aux électeurs la consigne de voter oui pour cette assemblée unique. Seuls un ou deux maires militent pour le non. Reste à savoir, comment le peuple votera, tout est possible.