Écrit par Susan James

L’Art nouveau

À la fin de la guerre franco-prussienne de 1870, l’Allemagne a annexé une partie de la Lorraine, et de nombreux marchands riches se sont enfuis à Nancy où ils ont fait construire des quartiers entiers de maisons et de commerces de style Art nouveau. Les matériaux de construction, comme le béton et le rebar (barre de renforcement) qui venaient d'être développés à cette époque-là, ont permis l'installation de grandes voûtes et d'énormes vitrines de boutiques.

Avec sa décoration inspirée par des courbes naturelles et sa passion pour l’asymétrie, l’Art nouveau a remodelé la ville. Jean Daum, un avocat, était un de ceux qui ont été dépossédés de leurs biens. Quand il est arrivé à Nancy, il ne lui restait que quelques actions dans une verrerie qui était aux prises avec des difficultés financières. Trop pauvre pour amasser des fonds et embaucher un gestionnaire pour la redresser, il a pris les rênes et, plus tard, ses deux fils se sont joints à lui.

Ensemble, ils ont construit une entreprise dont la qualité artistique des œuvres a rendu Nancy célèbre. Au mépris de l’Allemagne, Daum a produit, en guise de protestation, des verres célébrant des héros français et des symboles comme Jeanne d’Arc et la fleur de lys. Vous découvrirez une multitude de formes et de modèles de verreries aux couleurs de l’arc-en-ciel dans le sous-sol du Musée des beaux-arts.

M’inspirant du thème de l’Art nouveau, j’ai déjeuné à la brasserie Excelsior, près de la rue Stanislas. C’est un restaurant parfaitement entretenu de style Art nouveau de l’époque de l’Âge d’or en France, et je m’attendais à voir une peinture de Toulouse-Lautrec illustrant des rousses des Folies Bergère buvant de l’absinthe sur le coin de la table. L’absinthe n’était pas au menu, mais le plat par excellence de la région, la quiche Lorraine, était délicieux.

L’École de Nancy et son musée

Comme Jean Daum, d’autres maîtres artisans se sont installés à Nancy et, ensemble en 1901, ils ont fondé l’École de Nancy, une alliance d’artistes, d’architectes et d’artisans qui ont bâti et décoré les maisons et les commerces de la ville. Leurs créations ont transformé Nancy en un joyau de l’Art nouveau urbain.

 

Aujourd’hui, le plus beau haut-lieu de cette période est le musée de l’École de Nancy. C’était jadis une maison privée construite entre 1900 et 1934 par J.B.E. Corbin, propriétaire d’un magasin à rayons. La maison, ses dépendances et ses jardins sont, comme la brasserie Excelsior, des exemples typiques du style Art nouveau qui sont restés inchangés avec le temps. Corbin et d’autres artistes de son clan ont mené une révolte contre la culture de l’époque qui copiait le passé et était incapable de créer un nouveau style de peinture.

Comme Van Gogh et les peintres du postimpressionnisme, les artistes de l’Art nouveau ont subi une grande influence de l’art japonais. Errant dans la maison Corbin avec ses meubles lourds fabriqués à la main, ses vitraux et ses finitions luxueuses, j’ai été frappée par la solidité de l’environnement bourgeois décoré avec la fantaisie du tournant du siècle. C’était comme si un bâtiment de banque, ayant une architecture classique, avait été converti en un espace vital pour les fées et les elfes.

Nancy est une ville ayant plusieurs visages. Vous pouvez vous promener dans les rues médiévales, jeter un coup d’œil dans les églises de la Renaissance, prendre un café dans un hôtel du 18e siècle ou dîner dans des restaurants de style Art nouveau. La nuit, la place Stanislas est subtilement éclairée et, pendant l’été, la façade de son hôtel de ville devient un gigantesque écran pour la projection de la plus populaire des formes d’art du 20e siècle, le jeu de lumières.

À la tombée de la nuit, un spectacle de lumière recréant l’histoire et le folklore de la ville est projeté sur la façade de l’hôtel de ville. La recréation fantaisiste de l’histoire de Nancy vous fera rire et vous émerveillera. J’ai regardé les enfants courir après les images des énormes poissons multicolores qui se déplaçaient le long des murs de l’édifice ou tenter de s’asseoir sur un arc-en-ciel levant. Parmi les nombreux visages de Nancy, il semble y avoir toujours une place pour la fantaisie.

 

Demeurant en Californie, Susan James est une écrivaine qui a aussi vécu en Inde et au Royaume-Uni. Spécialiste de l’art et de l’histoire, elle a écrit sur la route de la soie en Chine, sur Henry VIII d’Angleterre et sur les arts à Singapour.

   

Version finale : Nancy, France’s City of Flowers