Le chef des services secrets britanniques sort de l'ombre

Écrit par La Grande Époque
02.11.2010
  • Sir John Sawers, directeur des services secrets britanniques (Pool: WPA Pool / 2010 Getty Images)

Un premier discours public après 100 ans d'histoire

Sir John Sawers, le directeur des services secrets britanniques (MI6) depuis juin, a livré sa première allocution publique la semaine dernière. Il a abordé la nécessité du secret, le rôle de la collecte clandestine de renseignements en Irak et en Iran, et la position de son agence sur la torture.

Cette allocution était la première prononcée par un directeur du Secret Intelligence Service (SIS) britannique durant ses 100 années d'existence. Jusqu'en 1994, le gouvernement britannique n'admettait même pas formellement l'existence du SIS.

Sir John dit être sorti de l'ombre en raison de l'intérêt du public pour le SIS, dont le rôle est souligné dans deux récentes publications gouvernementales, soit la British National Security Strategy et la Strategic Defence and Security Review. Sir John a voulu assurer le public britannique que les agents du SIS sont responsables, bien que gardés au secret.

«Laissez-moi vous dire, le SIS est un service qui reflète notre pays. L'intégrité est la plus importante de ses valeurs et je suis confiant que, dans leurs efforts pour protéger la Grande-Bretagne, tout le personnel du SIS agit avec la plus grande intégrité, en accordant une attention sur la décence fondamentale et les principes moraux», a indiqué le directeur, selon la BBC.

 

Sans secret, pas de sécurité

Sir John a expliqué que le secret était un élément nécessaire de la collecte de renseignements, et non une tentative de dissimuler des activités louches.

«Le secret n'a pas une connotation péjorative. Le secret n'existe pas pour dissimuler. Le secret joue un rôle crucial pour protéger la Grande-Bretagne», a affirmé Sir John, selon une transcription de son discours publié par The Guardian.

«Sans le secret, il n'y aurait pas de services de renseignements, ou bien d'autres atouts nationaux comme nos forces spéciales. Notre pays, en conséquence, serait plus vulnérable.»

Bien que le public en connaît plus sur le MI6 qu’auparavant, Sir John a insisté que les détails sur son fonctionnement devaient demeurer secrets. En effet, il a demandé aux Britanniques d'avoir confiance que son service agit honorablement dans le meilleur intérêt de la sécurité du pays.

 

Terrorisme, Irak et Iran

«La plupart des gens vivent leur vie au quotidien sans se soucier du risque d'une attaque terroriste – une bombe posée sur leur chemin ou une prise d'otages. Je suis content qu'ils ne se soucient pas de ce genre de choses : une partie de notre travail est de faire en sorte que les gens se sentent en sécurité.»

«Mais ces menaces existent», a-t-il dit. «Plus du tiers des ressources du SIS sont dédiées à la lutte au terrorisme international. C'est le secteur d'activité le plus important du SIS.»

Le gouvernement britannique tient actuellement des audiences concernant l'incident du «7/7», lorsque quatre terroristes se sont fait détoner dans le métro de Londres, tuant 52 personnes le 7 juillet 2005. Sir John a utilisé cette attaque pour justifier le besoin d'une surveillance secrète constante.

Le directeur a aussi insisté sur le fait que les échecs du renseignement avaient causé des problèmes dans le traitement du dossier irakien. Londres a été un allié indéfectible de Washington dans son invasion de l'Irak, en raison de la supposée présence d'armes de destruction massives.

Le Rapport Butler britannique, publié en 2004, n’a pas ménagé des critiques à l’égard du SIS dans sa façon de gérer les renseignements sur l'Irak bien qu'il ait indiqué que le directeur du service à l'époque – John Scarlett – «n'était pas l'unique responsable du contenu du dossier» qui affirmait que la guerre contre l'Irak était justifiée.

Concernant l'Iran, Sir John a fait remarquer que la collecte de renseignements avait mené à la découverte d'un deuxième site d'enrichissement d'uranium en Iran, soit un «succès du renseignement», selon lui.

«Les États qui cherchent à mettre au point des armes nucléaires, ce qui va à l'encontre de leurs obligations internationales, dissimulent de manière obsessive leurs activités. Le rôle du SIS est de trouver ce à quoi s'adonnent ces États et ce qu'ils planifient», a affirmé Sir John.

Au sujet de la torture, le directeur a déclaré qu'elle est «illégale et odieuse dans toutes les circonstances et que nous n'avons absolument rien à voir avec elle».

«Si nous savons ou croyons qu'une action de notre part va mener à la torture, les lois britannique et internationale exigent que nous évitions cette action, et nous le faisons, même si cela permet à une activité terroriste de se poursuivre», a-t-il ajouté.

Cependant, cette question n'est pas aussi simple que cela puisse paraître, a expliqué Sir John. «Admettons que nous recevons du renseignement crédible qui pourrait sauver des vies, ici ou à l'étranger. Nous avons le devoir professionnel et moral d'agir. Nous allons normalement vouloir le partager avec ceux qui peuvent sauver ces vies.»

Il ajoute que parfois, les pays avec lesquels ce renseignement a été partagé n’ont peut-être pas autant valorisé les droits de la personne que la Grande-Bretagne. Dans ce cas, une décision a dû être prise concernant le risque de violation des droits du terroriste présumé et le risque que ce dernier pose au public.

«Il ne s'agit pas là de questions abstraites pour les cours de philosophie ou les éditoriaux», estime Sir John. «Il s'agit de dilemmes opérationnels réels et constants.»

 

Honorer les héros inconnus

Sir John a terminé en demandant aux Britanniques d'honorer les sacrifices faits par les agents du SIS, même si aucun détail n'est rendu public.

«Nos agents travaillent aujourd'hui dans certains des endroits les plus dangereux et exposés, avec bravoure et de manière très efficace, et nous avons une dette envers ces innombrables autres personnes dont le service est terminé», dit Sir John. «Ces remarquables hommes et femmes qui composent le personnel du SIS sont parmi les plus loyaux, dévoués et innovateurs de tout le service public. Vous ne les connaissez pas, mais moi, oui. C'est un honneur de les diriger.»

Version originale : Sir John Sawers: Intelligence Operations 'Crucial' to Containing Iran,Britain's Safety