Première victoire de la lutte anti-corruption en France

Écrit par Charles callewaert
26.11.2010
  • (AFP)(攝影: / 大紀元)

Un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 9 novembre 2010 et autorisant la poursuite d’une enquête judiciaire sur le financement de l’important patrimoine français de plusieurs chefs d’état africains, ouvre enfin la voie à la lutte anti-corruption en France. Cette première victoire, que l’on doit à la ténacité de l’organisation non gouvernementale Transparence International France (TI France) (1), qui lutte pour la restitution aux populations locales des avoirs détournés par leurs dirigeants, est qualifiée d’historique par toutes les associations anticorruption.

Le rapport explosif sur les «Biens mal acquis»

L’affaire débute par un rapport publié en mars 2007 par le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD) – Terre Solidaire et intitulé: «Biens mal acquis profitent trop souvent – La fortune des dictateurs et la complaisance occidentale». Deux ans après cette publication le CCFD-Terre Solidaire publie un second rapport «Bien mal acquis, à qui profite le crime?». Ce document révèle notamment que plus de 100 milliards de dollars de «Biens mal acquis» ont été accaparés par les dictateurs d’une trentaine de pays africains, asiatiques et sud-américains, le plus souvent avec la complaisance des grands pays occidentaux. Le rapport indique également les deux procédés les plus utilisés, à savoir le vol, le transfert illicite, le détournement de fonds d’Etat et la corruption lors des négociations de contrats, qui se caractérisent le plus souvent par des «rétro-commissions» placées sur des comptes à l’étranger. La dernière édition du rapport fait aussi état de quelques actions judiciaires entreprises dans certains pays riches, notamment en Suisse, mais seuls 3 à 4% des avoirs ont été restitués à ce jour (Saddam Hussein en Irak, Fujimori au Pérou, Marcos aux Philippines,…).

La France très peu coopérative

La France, qui aime se déclarer en première ligne dans la lutte contre la corruption, est surtout citée par le CCFD-Terre Solidaire pour son attitude non coopérative dès lors que les personnes incriminées sont situées dans ses anciennes colonies africaines ou que les intérêts de ses grandes entreprises sont visés. Il est pourtant connu qu’Omar Bongo (président du Gabon) est propriétaire en France de 33 biens immobiliers, d’une centaine de comptes bancaires et d’une importante flotte de voitures de luxe, que la famille Sassou Nguesso (président du Congo-Brazzaville) possède 18 biens immobiliers dont un hôtel parisien d’une valeur de près de 19 millions d’euros, et que le président Obiang (président de Guinée équatoriale) a offert à son fils trois Bugatti d’une valeur d’un million d’euros pièce. Dès 2007, une plainte est déposée par plusieurs associations contre les dirigeants de ces pays et une enquête préliminaire confirme les faits énoncés par CCFD, mais le procureur de la république estime que le détournement de fonds n’est pas assez avéré et l’affaire est classée sans suite. Une seconde plainte est déposée en Juin 2008 par TI France, et classée irrecevable par la Cour d’appel de Paris le 29 Octobre 2009. Jusqu’à l’arrêt de la Cour de cassation du 9 Novembre dernier qui annule la décision de la Cour d’appel de Paris et ordonne le renvoi du dossier devant un juge d’instruction parisien.

Une avancée juridique majeure

Selon Maître Patrick Maisonneuve, avocat du président gabonais Ali Bongo, la décision de la plus haute juridiction française «risque d'avoir un effet inflationniste sur les plaintes et présente un risque d'instrumentalisation de la justice pénale à des fins politiques». Maître Olivier Pardo, avocat du président de la Guinée, ajoute qu’«il ne faut pas prendre les chefs d'Etat africains pour des gens sans foi ni loi. C'est fini le temps des rois nègres». Quant à Daniel Lebègue, président de l’association Transparence International France, qu’il faut saluer pour sa ténacité dans cette affaire, il a annoncé: «Il s'agit d'une décision historique qui augure de la fin de l’impunité pour les dirigeants corrompus dans le monde. Ce succès, nous le dédions aux millions de victimes de la corruption qui, du fait de ce fléau, souffrent quotidiennement d’une déficience d’accès aux services de base tels que l’eau, la santé ou l’éducation».

La restitution des avoirs aux populations est encore lointaine, mais grâce à cette brèche, on peut à présent espérer contrecarrer plus facilement l'inertie de l’Etat et du parquet dans certaines affaires politico-financières sensibles.

1 Transparence International France est la section française de l’association Transparency International, la principale organisation de la société civile qui se consacre à la transparence et à l’intégrité de la vie publique et économique. Elle publie notamment chaque année un Indice de Perception de la Corruption (IPC), sur une échelle de 0 à 10, où 178 pays sont classés en fonction de la perception du niveau de corruption affectant son administration publique et sa classe politique.