La réduction des déficits n’est pas l’alpha et l’oméga de la gouvernance économique

Écrit par Parlement européen. Affaires économiques et monétaires
29.11.2010
  • Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont abordé le sujet de la gouvernance économique lors de leur rencontre à Deauville, le 18 octobre2010. AFP/Getty Images(Staff: FRANCK FIFE / 2010 AFP)

Les coupes budgétaires sont en vogue dans les États membres de l'UE. Les gouvernements cherchent à réduire leurs déficits. Il ne faut cependant pas oublier que l'explosion de la dette publique n'est pas tant due à la prodigalité des États qu'au sauvetage du secteur financier. C'est pour cela que le Parlement européen appelle de ses vœux un meilleur contrôle des dépenses publiques tout en s'attaquant aux déséquilibres structurels qui mettent en danger l'économie européenne. Le 20 octobre dernier, le Parlement européen a adopté le rapport écrit par le Portugais Diogo Feio (Parti populaire européen) sur l'amélioration de la gouvernance économique en Europe.

Creusement de la dette publique et déséquilibre macroéconomique : un bilan inquiétant

Les pays européens sont extrêmement endettés, et ce d'autant plus depuis la crise. Dans certains cas, la cause en est le haut niveau de dépenses publiques avant la crise. En Grèce, la dette est passée de 98 % du Produit intérieur brut (PIB) en 2006 à 116 % en 2009. Dans d'autres pays, comme en Irlande où la dette publique est passée 25 % à 64 % du PIB sur la même période, ce sont les sommes allouées au sauvetage du système financier qui sont en cause.

Par ailleurs, le Pacte de stabilité et de croissance se concentre plus sur les déficits annuels des budgets nationaux que sur le niveau de la dette globale des pays. De nombreux gouvernements se sont ainsi contentés de réduire leurs déficits, laissant la dette publique augmenter année après année. Enfin, on observe de fortes disparités entre les pays exportateurs, c'est-à-dire qui produisent plus qu'ils ne consomment (Allemagne, Pays-Bas…) et les pays importateurs, qui connaissent le schéma inverse (Espagne, Portugal…). Il en résulte un déséquilibre global en Europe. « Les déséquilibres préexistant à la crise émergent à nouveau », a d'ailleurs mis en garde Olli Rehn, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaire lors du débat en séance plénière.

Renforcer le Pacte de stabilité et de croissance, identifier les déséquilibres : telle est l'approche proposée par les députés européens. Dans la résolution adoptée, le Parlement européen a fait part de ses propositions pour remédier à ces problèmes et améliorer la gouvernance économique en Europe. Tout d'abord, il appelle à une révision du fonctionnement du Pacte de stabilité et de croissance afin qu'il prenne mieux en compte la dette publique. Si les gouvernements ne prennent pas de mesures suffisantes pour la réduire, ils pourraient s'exposer à des sanctions plus efficaces que celles actuellement en place. « La gouvernance économique est plus que le simple contrôle des déficits », soutient le Français Pascal Canfin (Verts).

Ensuite, il demande la mise en place d'une véritable surveillance macroéconomique qui serait complémentaire de la surveillance budgétaire inscrite dans le cadre du Pacte de stabilité. Cela permettrait de prévenir les déséquilibres globaux avec un Comité européen du risque systémique. Les députés européens souhaitent ensuite que les mécanismes de réponses aux crises soient définis par un Fonds monétaire européen, permettant d'éviter des réponses au coup par coup.

Chaque semestre, les budgets nationaux pourraient également être vérifiés dans un cadre européen afin d'éviter toute mise en danger de la stabilité des finances publiques, dont les répercussions peuvent affecter l'ensemble de l'Union européenne (UE). Enfin, les députés veulent que les statistiques économiques soient plus fiables et que l'UE – ou la zone euro – soit représentée dans les organisations internationales comme le Fonds monétaire international.

Quatre propositions sur la table

La position arrêtée par le Parlement européen n'est pas la seule. Fin septembre, la Commission européenne avait publié ses six propositions pour améliorer la gouvernance économique, reprenant à son compte certaines des idées des parlementaires. Le Conseil européen avait pour sa part mis en place un groupe de travail sur le même sujet, qui devrait présenter ses conclusions lors du sommet européen de cette semaine.

Ces deux dernières propositions ont en commun de vouloir inverser le mécanisme de sanctions à l'égard des États membres : il faudrait une majorité qualifiée des États non plus pour adopter des sanctions, mais pour les rejeter. Une dernière initiative a été mise sur la table par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel lors de leur rencontre à Deauville, le 18 octobre dernier. Elle vise à faire échec à l'inversion du mécanisme d'adoption des sanctions. De nombreux parlementaires, parmi lesquels Diogo Feio (Parti populaire européen), Guy Verhofstadt, leader des démocrates et libéraux (ALDE) et Martin Schulz, leader du groupe socialiste, ont critiqué « une attaque contre les institutions de l'UE » et appelé à rester fidèle à la « méthode communautaire ».